RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Quand L’Oréal recrute des enseignants

Le DRH de L’Oréal Luc Chatel ressent à peu près autant d’empathie pour l’Éducation nationale qu’Ornella Guyet pour l’administrateur toulousain du Grand Soir. Pour Chatel, l’éducation, l’école de la République resteront à jamais le cadet de ses soucis. Et un monde totalement inconnu.

33000 enseignants et administratifs vont partir en retraite cette année. Selon la règle érigée en dogme par le Medef et par Sarkozy qui veut qu’un poste libéré sur deux ne doit pas être repourvu, Chatel a décidé de ne recruter que 17000 enseignants pour l’année prochaine. Pour ce faire, il vient, en bon DRH, de lancer une campagne de publicité multi médias.

Lorsque l’on fait tout pour introduire dans la Fonction publique les méthodes du privé (la notation au mérite, par exemple), il est logique que l’on fasse appel aux ressources de la communication pour imposer à l’opinion une image fallacieuse de l’état des lieux de l’éducation.

La publicité est mensonge, non seulement parce qu’elle prend les récepteurs pour des gogos mais parce qu’elle vise volontairement à côté de la plaque : une publicité pour un tampon hygiénique ne sert pas à faire vendre des tampons hygiéniques : elle sert à faire entrer dans le cerveau de la cible un concept, une manière de se regarder vivre en croyant affirmer sa singularité. Par ailleurs, la différence entre l’information et la communication est que celle-là s’adresse à celui qui la reçoit en visant une certaine forme d’objectivité alors que celle-ci met en scène l’émetteur du message sans souci du contenu ou du récepteur. Il est sidérant que les jeunes journalistes n’utilisent plus que le mot " communication " pour qualifier leur activité professionnelle.

Donc, Chatel recrute par la pub. Il recrute des femmes et des hommes. Pas pour faire le même métier, pas pour devenir des enseignants identiques si l’on se réfère à sa com’.

La pub nous dit que les métiers de l’Éducation nationale « évoluent en profondeur ». Sûrement pas : ce qui change, ce sont les rapports de pouvoir au sein des écoles, collèges et lycées, et la compétition féroce instaurée par le système Sarkozy entre les établissements. Il s’agit, par exemple, de l’objectif poursuivi par les " évaluations " en primaire, qui ne servent pas du tout à évaluer les enfants mais (je simplifie) à institutionnaliser les différences entre écoles des beaux-quartiers et écoles des quartiers défavorisés. Accessoirement à repérer et à fliquer, dès le CE1, les enfants à problèmes.

En matière de recrutement, le DRH de L’Oréal distingue les futurs enseignants selon le sexe : les femmes seront des rêveuses, les hommes des ambitieux.

Nous avons donc tout d’abord sous les yeux la photo d’une jeune femme qui, grâce à Chatel, « a trouvé le poste de ses rêves ». Merveille de la pub performative : elle est prof’ avant même d’avoir candidaté. Elle est belle, blonde, zen, douce. Dans une lumière apaisante, au milieu de meubles de ton crème, elle lit, détendue, un ouvrage qui lui permet de se cultiver, avant de « transmettre des savoirs et des valeurs » et de « se consacrer à la réussite de chacun de ses élèves ». Elle s’appelle Laura. Et l’on sent bien que, comme dans Pétrarque (et Guy Béart), Laura, on l’aura pas car il y restera toujours une part de mystère en elle.

Et puis, il y a Julien. Lui, c’est une autre paire de manches (retroussées). Le Juju a de « hautes ambitions ». Il ne passe pas son temps à lire du Gavalda ou du Marc Levy. Il évolue dans un monde de bleu-gris hight-tech. Il est connecté à un ordinateur portable de la même couleur que sa chemise. Il est brun, ses traits sont acérés, son regard doux mais volontaire. Il va « concrétiser un projet ».

Laura fera des enfants. Julien aura des enfants. Laura finira par lire La princesse de Clèves en écoutant La Mer de Debussy. Julien sera inspecteur pédagogique régional, à moins que le privé le repère et lui offre un poste où il doublera son salaire.

Cette campagne de pub sexiste nous aura coûté 1,3 million d’euros.

URL de cet article 14008
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

Même Auteur
La télécratie contre la démocratie, de Bernard Stiegler.
Bernard GENSANE
Bernard Stiegler est un penseur original (voir son parcours personnel atypique). Ses opinions politiques personnelles sont parfois un peu déroutantes, comme lorsqu’il montre sa sympathie pour Christian Blanc, un personnage qui, quels qu’aient été ses ralliements successifs, s’est toujours fort bien accommodé du système dénoncé par lui. J’ajoute qu’il y a un grand absent dans ce livre : le capitalisme financier. Cet ouvrage a pour but de montrer comment et pourquoi la relation politique elle-même est (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

"La CIA contrôle tous ceux qui ont une importance dans les principaux médias."

William Colby, ancien directeur de la CIA

Lorsque les psychopathes prennent le contrôle de la société
NdT - Quelques extraits (en vrac) traitant des psychopathes et de leur emprise sur les sociétés modernes où ils s’épanouissent à merveille jusqu’au point de devenir une minorité dirigeante. Des passages paraîtront étrangement familiers et feront probablement penser à des situations et/ou des personnages existants ou ayant existé. Tu me dis "psychopathe" et soudain je pense à pas mal d’hommes et de femmes politiques. (attention : ce texte comporte une traduction non professionnelle d’un jargon (...)
46 
La crise européenne et l’Empire du Capital : leçons à partir de l’expérience latinoaméricaine
Je vous transmets le bonjour très affectueux de plus de 15 millions d’Équatoriennes et d’Équatoriens et une accolade aussi chaleureuse que la lumière du soleil équinoxial dont les rayons nous inondent là où nous vivons, à la Moitié du monde. Nos liens avec la France sont historiques et étroits : depuis les grandes idées libertaires qui se sont propagées à travers le monde portant en elles des fruits décisifs, jusqu’aux accords signés aujourd’hui par le Gouvernement de la Révolution Citoyenne d’Équateur (...)
Médias et Information : il est temps de tourner la page.
« La réalité est ce que nous prenons pour être vrai. Ce que nous prenons pour être vrai est ce que nous croyons. Ce que nous croyons est fondé sur nos perceptions. Ce que nous percevons dépend de ce que nous recherchons. Ce que nous recherchons dépend de ce que nous pensons. Ce que nous pensons dépend de ce que nous percevons. Ce que nous percevons détermine ce que nous croyons. Ce que nous croyons détermine ce que nous prenons pour être vrai. Ce que nous prenons pour être vrai est notre réalité. » (...)
55 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.