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Financer l’économie par un pouvoir financier indépendant des élus mais démocratique et supprimer les marchés financiers

Une assemblé de citoyens tirés au sort contrôle le pouvoir judiciaire et une nouvelle administration qui a le monopole du crédit. Comment marche ce 4ème pouvoir et quelle vision de l’économie sous-tend-il.

suite et fin

La finance : un mal inutile

L’objet social de l’industrie de la finance est de collecter l’épargne et de le redistribuer aux agents économiques dont l’activité est la plus profitable et cela rend la société humaine plus prospère. Cette phrase est ambigüe avant tout parce qu’elle est mensongère… Ce pieu conte n’est qu’un mensonge et la presse l’illustre tous les jours et des économistes ou des savants de tout horizon qui ont analysé selon leur approche disciplinaire cette industrie ont toujours abouti à la même conclusion : la finance n’est qu’une industrie d’escroquerie légalisée. Il ne s’agit pas d’un détournement malhonnête de son objet social. Cet objet social est en fait son premier mensonge. L’industrie de la finance ne crée aucune richesse et elle est si profitable que grâce à son monopole d’intermédiatisation qui lui permet d’exiger un droit de péage exorbitant aux épargnants et aux emprunteurs.

L’industrie de la finance veut accaparer tout l’argent du monde tout en lui demandant d’en produire plus. Elle veut que le petit cheval la transporte au triple galop aux confins de l’univers, tout en mangeant toute son avoine et en buvant toute son eau. Et si le petit cheval en crève, c’est bien qu’il n’était qu’un bon à rien. Et si le petit cheval proteste, elle le châtie à mort. C’est l’ubris de la chrématistique, la bêtise atterrante de Midas. L’argent introduit une dissymétrie, une aliénation, un rapport de soumission entre celui qui en possède et celui qui en a besoin. Un rapport plus déséquilibré qu’entre un salarié et son patron, car l’aliéné ne peut y mettre fin à tout moment ; il lui faut d’abord rembourser. Et ces deux rapports inégalitaires n’ont rien de naturel, ils sont arbitraires, le fruit d’un rapport de force politique historique. Et la minorité possédante ne peut se satisfaire que d’une domination absolue, car elle la justifie par un absolutisme du droit à la propriété privée. Un absolutisme nécessaire, car sinon comment exiger le remboursement des dettes et la soumission des salariés. L’argent est un pouvoir et en tant que tel il pervertit et bêtifie. La crise paroxystique actuelle ne fait-elle pas éclater cette évidence du mal intrinsèque, absolu et éternel ?

Et pourtant tous ces savants, très brillants, ne cessent de vouloir sauver la finance en proposant des idées génialement simples comme le SLAM, l’abandon de la cotation en continue, l’interdiction des paris sur les prix,… Sont-ils si experts en sexe des anges, qu’ils ne peuvent concevoir qu’ils ne puissent exister ? Mais même si on arrivait ainsi à enchaîner la finance, comme un dragon terrible, elle n’aurait de cesse de s’agiter jusqu’à ce que les unes après les autres, toutes les entraves soient rompues. Cela pourra prendre du temps, mais sa séduction est immortelle et toujours victorieuse. La crise actuelle est bien le résultat d’une telle évasion réussie. On défend toujours les inventions humaines face aux drames qu’elles génèrent en disant que tout dépend de l’usage que l’on en fait. Certes un piolet peut être une arme mortelle, mais si on l’interdit comment creuser la terre ? Et de fait il est même absurde et du plus haut comique de vouloir l’interdire parce qu’on a tué des hommes avec. Mais est-ce le cas de la finance ? Ne peut-on pas s’en passer ? N’est-elle pas le plomb tétraéthyle de notre essence, que l’éthanol du premier alambic trouvé peut remplacer ? Un autre monde ne passe-t-il pas en fait nécessairement par le terrassement définitif des marchés financiers ? L’assemblée plébéienne, les créditeurs publics ne sont-ils pas une alternative crédible ? Et il ne peut qu’y en avoir d’autres car seuls les autocrates de salon ont toujours ce mot TINA à la bouche.

Et puis ces idées de Lordon, Jorion,… qui sont bien radicales et sapent bien les bases du système économique pervers qui dirige le monde ne se matérialisent que par quelques mots dans le Journal Officiel. Quelques mots dont aucune institution ne serait la gardienne et dont les ennemis, experts en lobbying et jésuitisme, n’auront de cesse de les vider de leur substance. Mener le combat sur le terrain même de son adversaire est un peu une stratégie donquichottesque. Comment des peuples ruinés et affamés par les institutions financières pourraient-ils se mobiliser pour des subtilités dignes de celles qui les ont plongés dans la misère ! Certes l’effort de pédagogie pour les convaincre serait simple et fort utile dans l’absolu. Hélas, la conscience citoyenne est comme un volcan, quelque rares fois incoercible, mais le plus souvent endormi.

Des hommes ont des idées, des ambitions, mais pas le pouvoir d’achat pour les réaliser. Jugeons au nom du seul intérêt pour la société, et non pas du taux de rentabilité attendu, si ces projets doivent être réalisés. Si oui alors créons l’argent dont ils ont besoin. Collecter l’épargne nécessaire est bien plus coûteux que de créer de l’argent ex nihilo par simple jeu d’écriture comptable. Passons-nous donc de cette étape préalable. La beauté et le sens du métier de banquier est de juger de la pertinence d’un crédit, le reste n’est qu’obligation ennuyeuse. Et s’il le fait à l’aune de l’intérêt du peuple et pas de celui des actionnaires, la société ne sera que plus prospère.

De même qu’en politique il faut séparer les trois pouvoirs, en matière financière il faut séparer les trois attributs de la propriété monétaire : l’usus, le fructus et l’abusus. L’usus doit revenir à celui qui en a besoin par définition ; l’abusus à la société car la monnaie est un attribut souverain et le fructus à personne car l’argent ne rapporte rien de lui-même. Or actuellement ces trois attributs sont aux seules mains des banques et des rentiers.

C’est par les marchés financiers qu’ils règnent et asservissent, c’est donc certainement par la suppression de ceux-ci que passe la libération. Confier le financement de l’économie aux plus riches est aussi archaïque que de confier la justice au plus puissant c’est-à -dire au roi. De même que la sûreté passe par l’abolition de l’arbitraire policier, l’aisance matérielle passe par l’abolition de l’arbitraire financier. Supprimer les marchés financiers n’est donc pas une utopie d’extrême gauche mais une nécessité, un principe républicain. Si cela n’est pas encore une évidence non partisane et non négociable, la démocratie ne l’était pas non plus aux yeux des royalistes européens au cours du long XIXème siècle. Aujourd’hui il ne reste plus beaucoup de ces monarchistes et même la droite doit se proclamer républicaine. Le financement public de l’économie n’est donc ni de gauche, ni de droite, il permet de mener des politiques de droite comme de gauche. Mais c’est un principe démocratique aussi essentiel que l’égalité devant la loi. Et tel il apparaîtra de plus en plus.

L’épargne : un cheval de Troie neutralisé

On n’a pas besoin de la finance, c’est-à -dire des banques et des marchés financiers, mais on n’a pas besoin de l’épargne non plus. Car l’épargne n’est pas le gentil petit écureuil clairvoyant, mais la putain des banques, le dealer des marchés financiers. Il faut le faire disparaitre comme il faut brûler les têtes de l’hydre de Lerne. L’épargne procède d’une volonté de précaution individualiste alors que seule la société peut garantir la réalisation de son pouvoir d’achat dans le futur. L’épargne n’est pas une vertu, c’est un vice égoïste qui sape les bases de la solidarité. Ce n’est pas l’épargne qui doit nous prémunir contre les aléas de la vie, mais la société sous forme de sécurité sociale par exemple. L’épargne est un euphémisme pour rentier or il faut euthanasier le rentier. Les petites rivières de l’épargne personnelle alimentent les grands fleuves des assureurs et des banquiers qui au lieu d’abreuver les marchés les noient sous leurs flots avides et incontrôlables. Si l’épargne subsiste alors des gens chercheront à l’employer en attendant de le dépenser et les marchés financiers, sous quelque forme que ce soit, resurgiront avec leur cortège de malédictions. Certes ci-dessus on a maintenu la possibilité de banques mutuelles, car elles sont par essence étrangère aux crises actuelles et permettent même de les affronter. Mais si elles pouvaient être le ferment d’une résurrection des marchés financiers alors mêmes elles devraient être sacrifiées.

En s’accaparant l’épargne des salariés les marchés financiers vont s’en servir contre leur intérêts de classe. Il est faut être endoctriné par les idées libérales pour affirmer que l’individu est dans une situation schizophrène : ces intérêts de salariés étant contradictoire avec ses intérêts de (petit) actionnaire ou de (petit) rentier. Le salarié n’est pas schizophrène, il est abusé par l’outil de propagande. Dans les bonnes années quand ils n’en ont pas besoin mais au contraire la constitue, l’épargne des petits engendre aussitôt leur malheur au profit des gros au nom de la rentabilité des capitaux. Et quand survient les mauvaises années, les petits s’aperçoivent que leur épargne a été dilapidée sur les marchés financiers. Ainsi se font régulièrement plumés les retraités anglo-saxons.

Certes il doit subsister une forme d’épargne, ne serait-ce que sous forme de trésorerie pour les entreprises, sous forme de protection de la vie privée et de la liberté : les citoyens ont le droit d’acheter ce qu’ils veulent sans avoir toujours à justifier un achat comme ils doivent le faire lors d’une procédure de demande de crédit.

Pour l’économie, Keynes et le major Douglass ont déjà montré comment l’épargne engendre la crise et pourquoi l’endettement n’est pas forcément un vice. L’endettement s’inscrit même dans la logique du don de la part de celui qui l’accorde. Dans l’état de nature, lorsqu’il n’y a de monnaie, l’homme vit à crédit vis à vis de sa communauté. Mais surtout l’épargne est une pratique économique archaïque devenue absurde. A l’époque des monnaies métalliques l’argent était réellement un bien physique qu’il fallait collecter là où il était inemployé pour pouvoir le prêter là où il était demandé. Encore qu’il suffise de l’énoncer pour que le grotesque d’un tel flux physique éclate et que l’on s’empresse de créer les billets de change. Et à partir du moment où la monnaie est scripturale ce flux physique n’a plus aucune justification. Il n’y a plus de convoi d’or et de pierres précieuses et de coffres forts à protéger lors de longs et dangereux voyages, juste à créer l’argent à la demande et à le détruire à propension de sa consommation.

Financer les emprunts privés et publics sur une épargne signifie que le contrat social accorde aux rentiers un rôle de citoyen plus égal que les autres. Cela signifie que le peuple et l’État sont asservis à leurs intérêts de classe. Intérêts d’autant plus illégitimes qu’ils sont crapuleux car on ne devient jamais riche honnêtement, tout fortune étant bâtie sur un crime. On comprend bien que dans un tel système on fera tout pour que l’État ne cesse de s’endetter, que l’équilibre du budget de l’État est impossible. Ce n’est pas une affaire de bonne gestion des deniers publics, l’évidence veut que si un État a un budget un excédant, l’année suivante il baisse les impôts ou dépense plus. Seuls les États pétroliers peuvent dégager un excédent tant la manne pétrolière excède leurs besoins les plus démesurés. La démocratie et l’égalité entre tous implique donc nécessairement de financer le budget de l’État par création monétaire.

La sélection naturelle a dimensionné l’homme par rapport à ses besoins d’être humain, il ne peut donc y avoir d’épargne que par surtravail donc surexploitation, par accaparement du travail d’autrui, ou par l’utilisation d’une source extérieure de travail comme le pétrole. Attendez l’épuisement des énergies fossiles et instaurez l’égalité des revenus (ce qui ne signifie nullement identité des revenus) alors l’épargne deviendra marginale. Serra-t-on alors dans l’impossibilité d’investir ?

Dans le système économique actuel, que l’on soutienne comme Plihon que les crédits font les dépôts, ou comme Jorion que les dépôts font les crédits, l’épargne détermine la quantité de monnaie, propre ou empruntée, qui peut s’échanger sur les marchés de biens et services. Et le choix de ce principe de régulation est tout à fait arbitraire mais surtout profondément inégalitaire. Il est arbitraire car les ressources existent indépendamment de l’argent disponible. Son seul mérite est d’être dépressif : l’argent étant rare on n’exploite pas à outrance les ressources disponibles. Même si en fait on les exploite déjà au-delà du raisonnable. Et les crises de surproduction périodiques que les inégalités engendrent, réduisent même nolens volens à encore moins cette exploitation quand elles se produisent. Sans épargne, en procédant par création/destruction monétaire pour déterminer le degré d’exploitation des ressources du système de production, le pouvoir politique a donc un degré de liberté supplémentaire pour réaliser les aspirations du peuple. Toutes les richesses provenant de la nature, l’argent n’est fondamentalement qu’un droit de tirage sur celles-ci.

Parce que l’argent est un droit à s’approprier une richesse de la nature ou des hommes, les taux d’intérêts sont illégitimes. Les payer aux rentiers signifie que ce sont eux qu’il faut rémunérer pour avoir le droit d’acquérir les fruits de la nature ou d’autres hommes, que ce sont eux donc qui en sont les propriétaires. Accepter de payer des intérêts à des particuliers, c’est comme accepter qu’une compagnie pétrolière ne reverse rien au pays où elle puise le pétrole, comme si c’était elle-même qui le créait ex nihilo. Et ironiquement l’argent n’est bien qu’une création ex nihilo mais pas le pétrole.

De plus dans le système actuel le sous-emploi des ressources, qui ne permet même pas de sauvegarder notre planète, a une conséquence sociale dramatique : le chômage de masse. Là encore l’oligarchie y trouve son intérêt comme moyen de chantage envers les salariés. En faisant du financement du système de production un pouvoir politique publique et non pas privé, l’État peut donc en plus imposer le plein emploi en favorisant les moyens de production non seulement les plus écologiques possibles mais aussi ceux qui permettront d’employer toute la population active.

Voilà aussi pourquoi il ne faut plus faire dépendre une assurance de cotisations préalables. Car ceci génère de l’épargne qui suscitera les convoitises des marchés financiers. Et car lorsque le risque s’est réalisé, si les ressources de l’appareil productif permettent de réparer les dommages alors autant créer directement l’argent nécessaire et si ce n’est pas le cas, alors il aurait été tout à fait inutile de cotiser ! Et pour éviter ce dernier cas, il suffit d’imposer une déclaration préalable du risque. Ainsi en consolidant ces informations et en les comparant avec les ressources du pays, le gouvernement est en mesure d’agir préventivement.

Dans ce système, la sécurité sociale et les retraites par répartition pourraient être conservées, car elles ne génèrent pas d’accumulation d’argent : elles le reversent immédiatement.

Pour limiter l’épargne, l’assemblée plébéienne n’aura comme unique levier que de fixer à partir d’un certain montant d’épargne un taux d’intérêt négatif sur l’unique livret autorisé. Comme il s’agit de destruction monétaire, nul doute que le gouvernement proposera de le remplacer par un impôt sur le capital ou autre pour remplir ses caisses. La fuite de cette épargne vers les banques tolérées pourra être limitée, toujours par l’assemblée plébéienne, en imposant un rapport maximal entre l’argent déposé sur le livret légal et celui déposé dans les banques privées.

En limitant l’épargne, en n’autorisant que les banques mutuelles, et comme de facto les créditeurs publics n’ont pas à conquérir de marchés financiers étrangers, on aboutit indirectement et sans loi explicite à un quasi contrôle public des capitaux. Mais après tout qu’importe la fuite des capitaux lorsque l’on contrôle directement l’activité par création monétaire. Une telle fuite ne fera que créer des désordres à l’extérieure et s’il lui prenait l’envie d’être rapatriée, la fiscalité la confisquerait aussitôt.

L’utilité du taux d’intérêt

Plus de banques, plus de marchés financiers, plus d’épargne, mais encore un taux d’intérêt sur les emprunts. Car celui-ci pourrait être négatif : cela signifie que le créditeur public accorde une subvention de son propre chef à une demande. On a alors la possibilité d’un véritable dumping monétaire permettant de financer des activités non rentables mais jugées socialement utiles. Si les capitalistes peuvent s’offrir à discrétion des danseuses, pourquoi la société ne le pourrait-elle moralement pas ? En fait le capitaliste considère les subventions publiques comme immorales, car l’État a toujours plus d’argent que lui et il est donc sûr de perdre dans cette course à la dépense. Et pour ne pas avoir à subir de défaite il cherche donc à disqualifier son adversaire sur un plan moral ou théorique tout à fait arbitraire. Mais n’étant pas à une contradiction près, il fait par ailleurs du lobbying pour que l’État le subventionne : c’est avoir le sens des affaires après tout.

Si le taux d’intérêt est positif on s’assure que le débiteur va demander la somme la plus faible possible et donc qu’il va éviter de gaspiller cet argent et donc les biens et services qu’il permet d’acheter. Mais cet intérêt est à tout moment révisable, afin que, la situation économique évoluant, il n’étrangle pas le débiteur ou a contrario ne devienne pas une rente.

Le problème fondamental des taux d’intérêts est moins dans une moralité douteuse que dans leur croissance exponentielle qui ne peut que se heurter au mur du physiquement possible. Quand on place une somme avec un rendement exigé de 15% l’an, au bout de 100 ans on récupère plus de 1 000 000 de fois la mise. Si un clochard avait placé en l’an 1 une aumône avec un rendement très faible de 2% pour que tous les pauvres du monde en héritent à l’an 2000, ces pauvres auraient donc reçu en cette année-là plus de 100 millions de milliards de fois la mise initiale. On voit bien qu’on ne peut produire la richesse économique équivalente à de tels montants. Certes toute épargne est censée être dépensée avant de telles périodes, mais les riches et les banques ne deviennent jamais débiteurs nets. Et de l’autre côté cela ne change rien pour les emprunteurs structuraux comme les entreprises et les plus pauvres. Et de fait l’histoire humaine est jalonnée de crises régulières de toutes causes qui permettent de remettre les compteurs à zéro à la faveur des désordres qu’elles provoquent. Donc si on laisse faire, une crise de la dette, localisée ou généralisée, est toujours inévitable à plus au moins long terme. L’explosion exponentielle des taux d’intérêts implique donc des faillites individuelles et systémiques. Pour éviter celles-ci et leurs cortèges de malheurs le système financier doit être modéré dans ses prétentions, accepter régulièrement des rééchelonnements et donner gratuitement de l’argent. Toutes choses qui sont la mission même des créditeurs publics. Ou alors les rentiers doivent être fortement imposés afin que les débiteurs bénéficient de la redistribution. Mais justement, depuis les années 70 on n’a fait que diminuer l’imposition des rentiers. On n’a donc qu’accéléré la rétroaction positive de la concentration des capitaux induite par les intérêts d’emprunts à des créanciers privés.

Les taux d’intérêts génèrent de l’inflation, car ils sont un coût de production et imposent à la production de croître sans arrêt, car si on ne répercute pas entièrement le coût du crédit dans le prix de vente, alors on doit produire plus pour rembourser l’emprunt. Le contrôle public sur les taux permet donc un contrôle direct de l’inflation et de la croissance du PIB.

Dans le système actuel le taux est fonction du risque client : plus on est pauvre plus on paie cher le crédit. Or plus on en a besoin. C’est cette double peine qui a opéré jusqu’à l’absurde dans la crise actuelle, notamment dans les subprimes. Dans le système de crédit public le risque client n’est plus du tout un paramètre du taux d’intérêt, c’est l’utilité sociale de l’investissement qui va fondamentalement déterminer les taux. Il sera ainsi plus vraisemblable et plus juste que les taux d’intérêts accordés aux plus pauvres soient inférieurs à ceux accordés aux plus riches. Et ce n’est donc plus l’avidité qui va déterminer le futur de l’appareil de production, c’est-à -dire le futur de notre civilisation. C’est-à -dire que ce ne sera pas les projets les plus rentables qui auront les intérêts les plus faibles car les moins risqués, mais les projets les plus utiles car ce sont bien ceux-là qu’on doit favoriser.

Pourquoi encore mesurer le coût d’un emprunt par le taux, pourquoi ne pas donner un prix absolu : si vous empruntez 1000 € il vous en coûtera 100 €, c’est-à -dire que vous devrait rembourser 1100 €. Tout simplement car les taux sont un moyen simple et familier d’évaluer le coût d’un emprunt indépendamment du montant et de la durée de remboursement.

En cas de surchauffe économique, on n’augmente pas les taux d’intérêts, simplement on refusera plus de demandes de crédit : les moins utiles et les moins rentables.

La puissance de ne s’encombrer d’aucune idéologie

Le monopole public et indépendant sur les crédits est très libéral au sens de permissif du terme. L’assemblée plébéienne et les créditeurs agissent presque comme ils l’entendent du moment qu’ainsi la nation prospère. Leur action n’est subordonnée à aucun impératif quantitatif, d’équilibre, de croissance ou quoi que ce soit. Ce pouvoir discrétionnaire des créditeurs publics et de l’assemblée plébéienne est une caractéristique essentielle et non un défaut conceptuel. En cas de crise il faut pouvoir tout se permettre, comme le montre les gouvernements actuels qui trouvent de l’argent dans des caisses vides ou qui bafouent des traités qu’ils ont eux-mêmes imposés à leur population. Cette liberté est nécessaire, non car ce système serait intrinsèquement instable, mais cette capacité à parer à toutes les crises est un critère que se doit de remplir tout système robuste. Et le mur de la croissance vers lequel la société occidentale fonce à toute allure montrera peut-être hélas à quel point cette qualité sera bien utile.

Il n’y a pas de main invisible, de règles d’or (3%, 60%, s’endetter uniquement pour investir,...), d’automatisme qui garantirait l’équilibre optimal. Certes dans la nature les systèmes s’équilibrent d’eux-mêmes via des rétroactions négatives. Mais la sélection naturelle nous explique bien que par définition si un écosystème n’est pas en équilibre, il disparaît : elle dit qu’il évolue. C’est pourquoi la tendance à l’équilibre est si naturelle dans la nature : c’est une condition même de son existence. Mais la sélection naturelle, dont on ne souligne jamais assez que ses principes sont universels comme ceux de la thermodynamique (ils s’appliquent à tout système) dit aussi qu’il n’y a aucun progrès dans l’évolution. Il n’y a donc pas de système supérieur à un autre, ni de destinée. Seul le hasard décide du survivant. Certes la société humaine n’est pas un écosystème totalement soumis à un milieu car les hommes disposent de la conscience et donc de la liberté. Et justement un pilotage automatique des sociétés humaines serait donc la négation de leur humanité. Le pilotage manuel est certes un surcoût mais il est notre essence même, celle de notre liberté individuelle et de la souveraineté populaire. Ce surcoût organique (le cerveau consomme énormément d’énergie) et ethnologique (les abeilles et les fourmis n’ont pas besoin d’État pour s’organiser) est notre identité même mais aussi la condition première de notre survie. Car nous pourrions dire que notre destin d’espèces a un pilotage automatique : le progrès, voire pour les plus fous le transhumanisme. Mais répétons-le : il n’y a pas de progrès non plus. La lampe LED n’est pas un progrès sur la bougie. Certes elle est très brillante et économe en énergie. Mais il y a derrière elle une industrie de pointe, des mines de métaux rares, des centrales électriques,… donc en fait un coût insoutenable. Certes la bougie produit plus de chaleur que de lumière. Mais un homme préhistorique peut en fabriquer une au débotté, son coût est donc ridicule. Le « progrès » n’est donc pas une destinée mais une aliénation insidieuse (à force de vouloir toujours mieux on fait toujours plus complexe). Le choix de la bougie, de la lampe à huile ou à pétrole, de la lampe à incandescence ou LED est donc un vrai choix, un choix de civilisation, un choix qui engage notre survie, un choix dont on doit être conscient. Si dans chacune de ces époques et civilisations les plaisirs et les souffrances sont bien différents, le bonheur peut être le même. Il suffit de laisser ce choix à d’autres peuples pour se rendre compte que la réponse faite par l’Occident n’avait rien d’inéluctable. Et en Occident ce choix a toujours été fait par des élites sûres de se soustraire à tous les désagréments du « progrès ». Le laisser-faire est un laisser-non-être et un laisser-mourir. Et nos institutions doivent revendiquer leur indépendance envers tout dogme (a fortiori s’il a déjà failli) et la conscience permanente de leurs actes.

On se permet de tout faire, certes, mais en fait la plupart du temps, ce sera bien sûr la routine, la reconduction d’une période à une autre des mêmes comportements, surtout si cela marche bien.

Ce pouvoir discrétionnaire de cette assemblée et des créditeurs publics est cependant assorti d’un impératif : celui de rendre à terme public toutes les décisions prises dans le but d’éviter toute corruption, compromission, prévarication, ou d’autres crimes et car cette identification individuelle des acteurs les oblige à prendre leur responsabilité, à assumer leurs actes.

Cette liberté peut-elle être source d’inflation, car elle serait la source d’une méfiance de la population envers la contrepartie réelle de la masse monétaire ? Je ne crois pas car nous avons tous les instruments économétriques pour évaluer cette situation, tous les instruments financiers pour y faire face. Et car le pouvoir de ces créditeurs publics résidant dans les cordons de la bourse, on peut être sûr qu’ils se feront plutôt prier pour les délier. Que ceux-ci seront plutôt des bourgeois très conservateurs avec un rapport très calviniste à l’argent et qu’ils ne s’illusionneront pas de toutes les lois laxistes que pourraient voter des élus à la veille d’élections. Quand la banque centrale était nationalisée, les monétaristes avaient beau jeu de dire qu’elle était aux ordres d’une gestion clientéliste des élus, mais ici l’assemblée plébéienne est indépendante aussi et n’a aucun intérêt à servir docilement un gouvernement ou toute idéologie. Et il ferait beau voir les monétaristes affirmer qu’une dictature de technocrates dogmatiques et irresponsables (les gouverneurs des banques centrales) est un meilleur système que l’expression démocratique de la souveraineté populaire. Ce concept d’inflation engendré par la masse monétaire a émergé politiquement dans les années 70 pour justifier une inflation qui était en fait surtout due à la crise pétrolière ! Et si théoriquement on peut concevoir que la masse monétaire pour être source d’inflation, ce n’est pas la masse monétaire totale qui entre en jeu mais celle qui est échangée activement sur les marchés. Celle qui est thésaurisée n’a aucune influence sur l’équilibre de l’offre et de la demande. Or on est incapable de mesurer la masse monétaire active, on est juste capable de la borner par la masse monétaire totale. A contrario dans le système des créditeurs publics et du financement souverain du déficit public, on a un contrôle et une mesure beaucoup plus précise de la masse monétaire active puisque l’argent est créé directement suivant le besoin et détruit après usage. Et surtout cet argent créé ne l’est et n’a de sens que parce qu’en face il y a bien une contrepartie, une réelle richesse à produire ou à acquérir.

Cette liberté peut-elle être source de toute autre instabilité perpétuelle (… comme les marchés dérégulés actuels !) ? Mais si la population atomisée des créditeurs publics n’est pas capable de générer un équilibre global, alors il faudrait renier aussi tout pouvoir magique d’une main invisible.

Deux ou Trois principes à retenir

En résumé, sur le plan économique, cette proposition tient en trois principes : monopole public décentralisé et indépendant de la création monétaire, interdiction des marchés financiers et limitation très stricte de l’épargne.

Quand une crise grave menace une société au point d’ébranler le pouvoir politique, cela ne peut se résoudre que de deux manières : soit plus de démocratie, soit moins de démocratie. Et toute alternative qui ne prendrait pas radicalement et explicitement position pour l’une des deux voies est un pari sur la capacité du système à se réformer : ou elle sera discréditée en cas de renversement du pouvoir, ou elle sera abâtardie par des intérêts privés certes fragilisés mais encore très puissants. C’est pourquoi les principes les plus importants de cette proposition sont certainement l’institutionnalisation d’un contre-pouvoir populaire qui ne permet pas de se servir mais d’inquiéter (les pouvoirs trop bien établis) et la revendication d’une souveraineté populaire qui prend entièrement en main son destin.

Radical mais insuffisant pour une vraie politique de gauche

Ce projet est peut-être par certains points radical et révolutionnaire mais il a le mérite d’être simple et compréhensible par tous comme doit l’être un système électoral (et monétaire) et ne devrait pas changer nos habitudes et nos modes de pensée quotidiens. Simplement comme il veut être plus efficient que les marchés financiers actuels nous aurons quelques soucis de moins. Et ce système ne préjuge pas du type de politique mené, de gauche ou de droite, ce qui est aussi une caractéristique nécessaire pour ce qui serait un quatrième pouvoir. Aussi cette idée devra être complétée par d’autres mesures légales, mais certainement plus politiquement marquées, pour aboutir enfin à une société égalitaire et pérenne.

Le rasoir d’Occam

Quand j’étais petit, j’étais émerveillé par les énigmes du noeud gordien ou de l’oeuf de Colomb. Et je ne voulais accepter comme valables les dénouements de l’Histoire, tant ils manquaient de subtilité et de principes astucieux comme savent en user les magiciens de foire. Aujourd’hui, où j’éprouve beaucoup de satisfaction lorsque je résous moi-même certains problèmes de cette façon radicale, je dois reconnaître que ces aînés avaient bien du génie : si un problème n’a pas de solution alors supprimons le problème. Les marchés financiers seront toujours un problème alors passons nous-en ! Que leur disparition soit l’exutoire salutaire de la colère des peuples, leurs sempiternelles victimes. Cela libérera le débat politique de contraintes artificielles et lui rendra toute sa puissance au moment même où il devra affronter de vraies crises systémiques.

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Maxime Vivas : le gai Huron du Lauragais
Bernard GENSANE
C’est sûrement parce qu’il est enraciné dans les monts du Lauragais que Maxime Vivas a pu nous livrer avec ce roman une nouvelle version de l’ébahissement du Candide face aux techniques asservissantes censées libérer les humains. Soit, donc, un Huron né à des milliers de kilomètres de l’Hexagone, sur l’àŽle Motapa, d’une mère motapienne et d’un père parisien. A l’âge de 25 ans, ce narrateur décide de voir Paris. Motapa est une île de paix, de sagesse, de tranquillité. La lave de son (…)
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"Il y a beaucoup d’ignorance sur ce qui se passe à Cuba et on ne veut jamais rien leur reconnaître. Si d’autres avaient fait ce que Cuba a fait [pour lutter contre le SIDA], ils seraient admirés par le monde entier."

Peggy McEvoy
représentante de UN-AIDS à Cuba de 1996 à 2001

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