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Chili : Vers un accord national sur les Droits de l’Homme.

La question des Droits de l’Homme est toujours un sujet délicat au Chili. Dans le quotidien « La Nación » du 26 janvier, Sergio Muñoz Riveros nous propose son analyse de la situation en soutenant le projet de loi consensuel du président Ricardo Lagos, qui devrait être voté par les députés en mars prochain. Le pays est encore divisé en deux sur cette question. Les purs et durs qui demandent que justice soit faite coûte que coûte, et la voie consensuelle prônée par Lagos qui reçoit l’agrément de la droite pinochetiste et de l’Armée. Il est quasiment certain qu’il sera impossible d’obtenir des informations sur le sort des détenus-disparus si on ne concède pas des allègements de peine aux coupables. Les langues ne se délient que très lentement et seuls les militaires impliqués sont susceptibles de fournir des informations, ce qui a très timidement commencé. Les mouvements de défense des Droits de l’Homme et les familles de victimes sont bien entendu opposés à ce projet de loi, et crient à l’impunité. La marge de manoeuvre se révèle très étroite pour le pouvoir exécutif et législatif.

Vers un accord national sur les Droits de l’Homme

Par Sergio Muñoz Riveros

Notre pays a déjà parcouru un long chemin pour ce qui est d’affronter les conséquences douloureuses des violations des Droits de l’Homme commises par la dictature de Pinochet. Le point de départ fût, comme nous le savons, le travail effectué par la commission Rettig entre mai 1990 et avril 1991, dont l’objectif était d’établir la vérité historique sur ce point. Il convient de ne pas perdre de vue ce qui a été atteint depuis.

S’il fallait faire la synthèse de l’essentiel de l’effort entrepris dans ce domaine par les gouvernements de Alwyn, Frei et Lagos, il faudrait dire qu’il a consisté à obtenir toute la vérité et toute la justice possibles, mais en même temps à surmonter les divisions du passé et créer les conditions culturelles et institutionnelles pour que le Chili ne repasse pas par une expérience aussi traumatisante.

C’est cette façon d’aborder le problème qui a permis que la prise de conscience nationale sur les violations des Droits de l’Homme se développe, et que la tragédie des détenus-disparus soit assumée par l’immense majorité des Chiliens comme leur appartenant. Cela a aussi rendu possible de juger pas mal de responsables.

Aujourd’hui, le défi consiste à avancer le plus possible pour obtenir la vérité manquante à propos du sort final de beaucoup de détenus-disparus sur lesquels on suppose qu’ils ont eu une fin aussi affreuse que d’être jetés à la mer. Pour ce faire, le gouvernement a proposé de mettre en place un mécanisme qui permette d’accéder aux documents qui n’ont pas vu le jour jusqu’à maintenant malgré l’opiniâtreté des tribunaux. En d’autres termes, chercher la vérité là où elle se trouve, c’est à dire auprès des anciens membres des Forces Armées, y compris ceux qui ont servis dans les appareils de répression, qui seraient disposés à donner des informations en échange de l’immunité judiciaire. A qui pense-t-on ? Au personnel subalterne essentiellement, qui n’a pas eu de responsabilités dans la planification et l’exécution de crimes, mais qui pourrait apporter des renseignements pertinents et peut-être décisifs pour éclaircir le sort de nombreuses victimes.

Aurons-nous cette information, finalement ? Seulement s’il y a une motivation pour cela. Autrement, ceux qui savent quelque chose se tairont pour toujours. Les réserves et appréhensions de certains avocats ou dirigeants de mouvements des Droits de l’Homme qui craignent qu’une éventuelle imprécision de la loi n’ouvre la voie à l’impunité sont compréhensibles, mais le pays se trouve en condition de trouver un accord réaliste et équilibré qui améliore la situation d’aujourd’hui.

Pour qu’il y ait plus de justice et plus de réparation, il faut plus de vérité à propos des compatriotes qu’on a fait disparaître, et cela implique de créer les conditions pour que ceux qui possèdent des informations soient disposés à les donner et ne les emmènent pas dans leur tombe.

Les Forces Armées ont le devoir moral de continuer à faire tous les efforts pour fournir aux tribunaux tous les documents qu’elles peuvent réunir afin que les instructions ne s’éternisent pas, ce qui est lié à la possibilité de préciser les responsabilités engagées et donner un traitement préférentiel à ceux qui collaborent avec la justice.

Dans ce contexte, les déclarations formulées il y a quelques jours par le Général Juan Emilio Cheyre, commandant en chef de l’Armée de terre, dans lesquelles il s’est montré pessimiste devant les atermoiements parlementaires des projets de l’Exécutif sur les Droits de l’Homme et a exprimé sa crainte que prévale l’idée de « vengeance », n’ont pas vraiment servi à l’objet de conjuguer les volontés sur une question où la sensibilité est à fleur de peau et où les méfiances apparaissent facilement.

Il est souhaitable que les chefs militaires ne s’exposent pas plus que nécessaire dans des polémiques publiques sur des sujets où la décision du pouvoir d’État est en suspens, et qu’ils ne nourrissent pas d’éventuels doutes sur leur subordination au pouvoir civil. La majorité du pays apprécie la direction récente de l’Armée de terre. Il vaut mieux, dans ce cas, éviter de créer des soupçons inutiles sur sa place dans l’État de Droit. Surtout après que la majorité des Chiliens ait apprécié le compromis pour que « jamais plus » notre pays ne passe par où il est passé.

Le processus de régénérescence républicaine qui a eu lieu au Chili ces dernières années est très encourageant. On a laissé derrière l’esprit de tranchée et les rancoeurs qui nous ont fait tant de mal. Certains prétendent que la transition aurait dû aller plus vite et être plus radicale, mais il s’avère que ce sont cette façon et cette allure qui ont permis que les valeurs démocratiques et la culture des Droits de l’Homme se convertissent en axe de notre cohabitation après la division et la violence. Il faut approfondir ce processus de rationalisation et de civilisation.

Le Parlement devra se prononcer en mars sur la possibilité d’explorer le chemin proposé par Lagos pour que le Chili fasse un pas en avant en matière de Droits de l’Homme. Espérons qu’un large consensus se dégage. Il s’agit d’aider à soigner les blessures, parce que cela montrera que nous avons appris les dures leçons de l’histoire.

Pour lire l’article en espagnol dans la rubrique « Opinión » du 26 janvier. Pour y avoir accés, il faut chercher dans " Ediciones Anteriores "

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