Le pauvres vont se soulever
Et prendre leur part
Les pauvres vont se soulever
Et prendre ce qui leur revient
Et finalement les tables se mettent à tourner
Et on parle de révolution
"Talking about a Revolution" de Tracy Chapman, 1988
Le géant égyptien endormi s’est finalement réveillé.
La nation arabe la plus peuplée - un bon 80 millions - a vécu une hibernation politique de 30 longues années.
Son profond sommeil a pris fin. Le règne de Hosni Mubarak va prendre fin, tôt ou tard, il sera chassé par une population rajeunie qui s’est débarrassée de sa chape d’apathie.
Après Israël, Egypte est le pays qui reçoit le plus d’aide des USA. A part ce qui est détourné les 1,5 milliards de dollars d’assistance annuelle ont été consacrés uniquement à l’armée et au développement de l’appareil de sécurité intérieur de Mubarak. Cela permettait finalement de garantir qu’après les accords de Camp David tout demeure comme Tel Aviv st Washington le voulaient.
En effet, les traités de paix qu’Israël a signés avec ses voisins à l’est et au sud lui ont permis de continuer d’opprimer et de contrôler les Palestiniens en toute impunité.
Prenez par exemple le siège inhumain et destructeur imposé à Gaza. Même les marchandises de première nécessité ne pouvaient pas pénétrer dans la petite enclave. (C’est le prix que les Palestiniens ont payé pour avoir tenu des élections démocratiques que le Hamas a gagnées.) L’Egypte, sans surprise, a imposé toutes les restrictions qu’on lui demandait d’imposer.
Quand Israël a lancé une campagne militaire criminelle contre la population misérable de Gaza en décembre 2008, l’Egypte encore s’en est fait le complice docile. Beaucoup de gens considèrent Mubarak comme le complice des crimes de guerre qui ont été commis. En gardant la frontière de Rafah scellée, il a empêché l’évacuation des personnes sous-alimentées et estropiées de la zone de guerre.
Bien que les Egyptiens aient peut-être ressenti un secret mécontentement à cette époque, la colère et la ressentiment engendrés par des décades de corruption et d’abus de pouvoir sont infiniment supérieurs. Le peuple ne supporte plus les lois d’urgence qui ont été mises en place et jamais levées depuis l’assassinat de Anwar Sadat en 1981, et qui interdisent toute forme de libre expression et de libre rassemblement. Elles permettent de garder en détention perpétuelle des personnes sans chef d’inculpation. Les civils arrêtés sont jugés par des tribunaux militaires à huis clos. Le régime est aussi connu pour l’impunité dont jouissent les policiers qui se livrent quotidiennement à des violences et des abus.
Le 30 janvier sur Meet the Press la secrétaire d’état Hillary Clinton a commenté le départ inévitable de Mubarak du pouvoir :
"Il faut que ce soit une transition ordonnée et pacifique vers une démocratie véritable, et pas, comme nous l’avons vu il y a deux ans en Iran, une fausse démocratie où vous avez eu une élection il y a 30 ans et puis les gens restent au pouvoir indéfiniment et sont de moins en moins à l’écoute du peuple."
L’Iran ? Ou l’Egypte ? Bien que l’Iran soit loin d’être parfait, il a tenu des élections infiniment plus crédibles que l’Egypte ne l’a jamais fait. Pourquoi ne pas mentionner la "fausse démocratie" égyptienne d’il y a seulement deux mois quand le Parti National Démocratique de Mubarak s’est approprié le nombre étonnant de 420 sièges sur les 518 sièges parlementaires (pendant que les Frères Musulmans passaient de 88 à un seul siège).
Ses paroles la trahissent de manière extrêmement révélatrice. Les USA ont toujours toléré le défaut de démocratie de l’Egypte de Mubarak y compris un parlement aux ordres et des élections où les candidats de l’opposition étaient soit bannis où incapables de se présenter à cause d’un avalanches d’obstacles bureaucratiques.
Comme il pensait que son fils Gamal lui succéderait, Mubarak n’a jamais nommé de vice-président en violation de la constitution égyptienne. Ceci jusqu’à la nomination hâtive du chef des services secrets Omar Suleiman à ce poste il y a quelques jours. Gamal s’est enfui depuis à Londres.
Dans les manifestations de jeudi, manifestations dont l’ampleur est sans précédent dans l’histoire de la moderne Egypte, les yeux du monde entier sont fixés sur la place de Tahrir au Caire. Les centaines de milliers de personnes qui y sont rassemblées ne demandent pas seulement le départ de Mubarak, elles exigent qu’il soit jugé. Elles pendent son effigie pour montrer au monde qui les regarde que les égyptiens ne se satisferont pas d’un remaniement symbolique du cabinet.
"Le Caire aujourd’hui c’est toute l’Egypte" a dit un égyptien. "Je veux que mon fils ait une meilleure vie et qu’il ne souffre pas comme j’ai souffert... Je veux avoir le sentiment que j’ai choisi mon président."
Le roi Abdallah de Jordanie, sentant la pression monter avec les manifestations qui ne cessaient pas, a renvoyé son cabinet. L’Autorité Palestinienne menée par le discrédité Mahmoud Abbas, a promis de tenir des élections municipales en Cisjordanie. L’insatisfaction arrive à son comble dans l’état du Bahrein, c’est le moins qu’on puisse dire. C’est vrai aussi du Yémen où le président Ali Abdullah Saleh, qui est au pouvoir depuis 32 ans, promet maintenant de ne pas se représenter. Quant aux Tunisiens ils ont déjà pris leur sort entre leurs mains.
Malgré tous les efforts de Mubarak, de l’Arabie Saoudite, des USA et d’Israël, le géant endormi s’est réveillé. Et les protestations de masse dont nous sommes témoins en Egypte aujourd’hui... ne sont encore qu’un bâillement.
Rannie Amiri
Pour consulter l’original : http://www.counterpunch.org/amiri02042011.html
Traduction : D. Muselet