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Alternatives altermondialistes : L’agroécologie, la décroissance et la simplicité volontaire.

«  C’est de l’ignorance de nos droits, que l’arbitraire tire sa plus grande force. » Cette phrase de Denis Langlois, écrivain français pacifiste et observateur judiciaire de plusieurs procès politiques en Grèce, Espagne, Algérie, Koweït, Mali, résume à elle-même ce qui nous attend à l’avenir : si la population continue à fermer les yeux, dans un sommeil hypnotique sur la manière dont elle se fait piétiner ses droits par les sbires qu’elle croit avoir élus, nous n’aurons en retour que le bruit des bottes, le vacarme policier des coups de matraques distribués gratuitement sans distinction, et la mise sous verrou de toute contestation. Et la terreur généralisée, conscientisée, intégrée par tous et perçue comme normale. Il sera bientôt trop tard pour faire marche arrière, lorsque nous penserons, exaspérés, à ce que fut le temps où nos existences pouvaient encore se laisser aller à des actes non conformes et des pensées subversives.

Il y a une atmosphère si nauséabonde au bal des clowns médiatiques dirigeants nos temps contemporains, théâtralisant la politique en toc, où chaque fait divers est le prétexte à un durcissement des mesures répressives, que pour la première fois de son Histoire, c’est l’Humanité toute entière qui se trouve enrôlée de force dans une guerre sociale mondiale, attaquée de toutes parts, comme un virus colonisant les cellules viables du système immunitaire. Et cette Humanité déshumanisée a moult raisons d’être inquiète. Et gravement en colère. Seulement le problème, c’est que comme dans tout conflit perdu d’avance, elle n’a pas encore conscience d’être en guerre, et pense être en paix relative depuis 1945 (sauf les peuples d’Amérique Latine, du Moyen-Orient, d’Afrique et d’Asie du sud-est…). Pire, les Êtres les plus manipulables, et les classes anciennement dominées et conscientes de l’être, en arrivent à fournir leur consentement à un rouage néolibéral finalement perçu comme acceptable (puisqu’il ne les oppresse plus). Les fils d’agriculteurs, d’ouvriers, de petits commerçants qui parviennent à gravir les hauts échelons grâce au système universitaire, grossissent les rangs de la petite bourgeoisie, et deviennent ainsi acteurs de la «  violence symbolique ».

Dans la violence structurelle tout autant cachée que dangereuse de la clase possédante mondiale, qui consolide ses pouvoirs et ses incursions économiques néocolonialistes contre 5.5 milliards d’êtres humains, la vie humaine et ses frontières sociales ne comptent guère. D’ailleurs, quelle vie ? La plupart des gens sont déjà morts de faim ou esclaves de la tyrannie des banques au moment où ils voient le jour. La naissance libre et égale en droit, est une honteuse chimère philosophique, qui a du, somme toute, être rédigée par un notable, aristocrate, banquier ou riche propriétaire du 18ème siècle. Non, désormais, seuls comptent les agrégats monétaires, il faut de la croissance à tout prix, des chiffres en hausse sur les tableaux des places boursières, et le dogme vénéré de la performance en pilotage d’entreprise, de l’intelligence économique et des guerres propres à frappes chirurgicales. Finies, et ce n’est pas né de la dernière pluie acide, les valeurs de partage et de respect humain respectées autrefois par les États (et qui pourtant étaient portées par la Religion). L’oligarchie ambiante, qui est même prête à ruiner jusqu’à l’extrême pauvreté ses confrères capitalistes si les profits sont juteux, n’a aucun principes moraux, dévaste tout sur son passage, et est en passe (si ses agissements continuent encore longtemps, ce que je doute) d’anéantir toute vie sur Terre. Si dix mille euros sont sur la table de poker, c’est tout-de-même préférable que ce soit un ou deux qui se partagent le butin, plutôt que les dix joueurs qui sont attablés. Jean Ziegler rappelle que les 500 entreprises les plus puissantes ont contrôlé 52 % du produit mondial brut (en 2004).

I/ De la décroissance à la simplicité volontaire, un altermondialisme raisonné.

Nous vivons, nous le savons, au temps où l’entreprise doit prospérer. En tant que personnalité morale, elle a plus de valeur qu’un simple humain, doit tirer profit de son activité florissante, et doit être compétitive pour étendre ses conquêtes. Une entreprise (de grande envergure) fonctionne comme un Empire : elle s’implante, s’impose, met en place une politique d’expansion et de conquête d’un marché concurrentiel, s’adapte à son environnement pour mieux l’asservir, organise son plan de propagande commerciale, elle place devant notre oeil des panneaux publicitaires tels des soldats brandissent un drapeau après chaque conquête militaire, elle enrôle des salariés pantins qui salueront sa gloire au prix des gouttes de sueur dégoulinantes de force de travail surexploitée, et enfin, elle colonise petit à petit les espaces de production qui autrefois appartenaient à d’autres, en bâtissant filiales et synergies. D’ailleurs, ne dit-on pas «  servir les intérêts d’une entreprise », et «  Empire économique » ? La seule chose qui importe, est que tous les individus consomment sans conteste les produits mis abondamment sur le marché par ces entreprises, ce à des coûts de production optimisés, qui soient les plus faibles que possible. Tiens d’ailleurs, si cette optimisation sous contraintes pouvait se faire grâce à du travail non rémunéré, ce serait pas mal (les capitalistes et le Medef aussi, sont utopiques…). Si la consommation stagne avant de stopper, c’est qu’il y a des prémices à la chute de l’Empire.

Cependant, l’empreinte de l’entreprise est invisible, calfeutrée derrière le circuit économique et ses aléas monétaires. Dans ce paysage déstructuré, chaotique où la patrie, l’enrichissement matériel personnel, et le lucre prédominent sur l’amour pour l’humain et son prochain, la stratégie de lutte à adopter n’est donc pas la résistance par la prise des armes (puisque ce n’est plus l’Homme qui tue, mais les institutions qu’il a mises en place), mais la résistance par la non-consommation de ces choses que le sens commun appelle désormais «  biens matériels et immatériels ». Non-consommation, vous dites ? Encore un extrémiste bobo de la décroissance altermondialiste qui pollue la Toile de ses palabres paradoxalement tenues, internet à l’appui, et ordinateur destiné à polluer les rivières chinoises lorsqu’il sera désuet !

Non, faire l’apologie de la décroissance pure et parfaite, où l’individu militant des temps modernes se refuse à utiliser voiture, et nouvelles technologies sous prétexte qu’elles sont polluantes, dans sa perspective de lutte contre l’ordre établi, me paraît être une bourrasque contreproductive contre un moulin à vent. Parce qu’un boycott personnel n’empêchera pas les grands cartels de la consommation outrancière de remplir leurs étalages, on ne doit pas avoir à culpabiliser de consommer des produits issus des grandes multinationales, se lamentant d’avoir rempli les statistiques de la demande globale des entreprises ! Évidemment, ce n’est pas en stoppant personnellement la consommation de Mc Donald’s ou de Coca-Cola que l’Empire marchand tombera. Cet acte individuel, au mieux, et c’est déjà ça, ne pourrira pas plus l’organisme de produits sucrés et cancérigènes. Évidemment, les vêtements que l’on porte, achetés à bas prix, importés des antipodes de nos frontières, ont été fabriqués par femmes et enfants rémunérés si faiblement qu’ils n’ont qu’un dollar par jour pour vivre. Et nous ne voyons pas les liens existants entre la marge commerciale sur le paquet de café pris chez Carrefour, et le faible niveau de vie des producteurs d’Afrique subsaharienne.

Je pense qu’une bonne alternative à tous ces rouages consiste à réfléchir chacun de notre côté à ce qui est bon pour nous. Schématiquement, nous sommes tous capables de le faire, et n’importe quel être normalement socialisé n’ira pas se saborder en affirmant qu’il n’est pas capable de réfléchir par lui-même. Et pourtant, le système dont on se plaint reste autoalimenté de toutes parts par ce manque collectif de réflexion et de pensée critique ; il se renforce, se nourrit d’un consentement inconscient rétribué par l’acteur-électeur, comme si, conscient de son aliénation, l’opprimé demandait à ce que son maître lui double son temps de travail enchaîné.

-Une consommation primaire, résistance pour la simplicité volontaire.

Dans ce royaume de la fausse abondance, où la culture du rêve à bon prix nous plonge dans un océan de frustrations ou de convoitises les plus malsaines, les écarts entre l’accumulation et la rareté se creusent. Sans tomber dans la prose de l’ascétisme, où vouloir que tous aient une vie dénuée de tout superflu, visant le bien-être et le bonheur par la détermination de ce qui est essentiel, ne peut qu’amener à une catégorisation arbitraire de ce qui est superflu, essentiel et de ce qui ne l’est pas, nous pourrions au moins repenser nos modes de consommation. En Occident, la surconsommation, en plus de pérenniser la puissance des grandes entreprises et des banques, contribue à la destruction des écosystèmes et au saccage de la planète. L’offre a depuis longtemps surpassé la demande, et bien que les déchets soient recyclés, les emballages plastiques et le conditionnement des produits est démesuré.

Dans tous les pays où sont implantées les grandes entreprises françaises, (Total, Areva, Veolia etc…), les fleuves et les eaux sont pollués, les sols sont infestés de polluants chimiques, et l’air devient irrespirable par les fuites de gaz générées pour l’extraction des matières premières. Le taux de cancers chez les animaux du à la pollution des grandes industries a explosé ces vingt dernières années, à un tel point que certaines espèces sont menacées de disparition. L’espérance de vie en bonne santé de l’humain est en passe de se trouver pour la première fois depuis soixante ans en diminution à cause de la consommation répétée des produits issus de l’industrie agroalimentaire. L’ingérence de médicaments chimiques n’a pas encore montré tous ses effets destructeurs sur l’organisme, mais le lobbying de l’industrie pharmaceutique est pourtant en train, grâce à l’Union Européenne, de remporter un coup de force monumental sur la commercialisation des produits de phytothérapie (1). Une directive européenne qui imposera dès le 1er avril 2011 (non, ce n’est pas un poisson d’avril) aux producteurs de médicaments issus des plantes naturelles d’être soumis aux mêmes contrôles que les entreprises productrices de médicaments chimiques, ce qui risque d’avoir pour conséquence dangereuse la suppression des médicaments naturels, vu que les laboratoires de médecine naturelle ont infiniment moins de fonds que les multinationales de la pharmaceutique pour payer la facture des instituts de contrôle.

Bref, quand les lois protègent la grande industrie, l’on a du mal à concevoir à quoi sert un sommet international sur le changement climatique à Copenhague ou je ne sais où, où d’ailleurs, est oubliée l’imminence de la crise écologique. Dans le même temps, les médias nous occupent l’esprit avec des futilités telles que les chutes de neige qui sèment la pagaille en Ile de France, nouveaux prétexte au déploiement de l’armée dans les rues, ou en se demandant qui de Martine Aubry et DSK passera le cap des primaires socialistes. En réalité, si l’écologie était le souci majeur des gouvernants politiques, c’est toute la chaîne de production et de consommation qui serait radicalement transformée, bien plus qu’un simple accord multilatéral sur l’émission de gaz à effets de serre. Mais cela fâcherait les dirigeants et actionnaires des cartels industriels, bien que la décision politique serait possible (la Bolivie et Cuba l’ont fait), cela incomberait le changement des élites pour le gouvernement du peuple, mon dieu qu’il serait dommage d’appliquer la démocratie. Alors, face à ce désarroi social, celui où le citoyen n’a qu’un pouvoir d’action réduit, la nécessité pour chaque acteur social, de vivre dans ce qu’on appelle la simplicité volontaire aurait infiniment plus d’influence qu’un bulletin déposé dans l’urne tous les quatre ou cinq ans, se dépossédant ainsi crédulement de son pouvoir sur l’Humanité auprès de malhonnêtes assermentés pour manipuler. Agir, donc, au lieu d’élire, pour une vie simple, sans consommation ostentatoire, basée sur la satisfaction des besoins primaires, et recentrée sur les valeurs humaines et sociales, apparaît comme un défi majeur de ce siècle. Tout comme il y eut les luttes ouvrières du début du 20ème siècle, les acquis du Front Populaire, du Conseil National de la Résistance, nous devrions relever le défi de la simplicité volontaire et de la décroissance pour éviter le chaos écologique au 21ème siècle.

Évidemment, maintenant que nous avons tous été habitués ici à considérer comme normal le fait d’aller chercher au centre commercial des produits manufacturés, sans se demander d’où proviennent les articles que l’on achète, un tel discours sur la réduction de la consommation peut être considéré comme un appel à la privation.

Et c’est légitime, mais de tout temps, la possession démultipliée est la condition de notre propre déshumanisation : à force de vouloir acquérir toujours plus de biens, nous en oublions nos propres éléments, ceux d’évoluer en phase avec la nature et de s’y épanouir. L’Homme n’est plus un Homme, il est un robot articulé qui attend son heure en évoluant dans un univers de béton, d’acier, et respirant de l’air toxique. Le système actuel pousse l’individu à acquérir plus de choses qu’il n’a besoin. A manger plus que l’apport journalier demandé par son organisme. Or, comme rien n’est gratuit, cela passe par davantage de travail, pour avoir l’argent nécessaire à la satisfaction des nouvelles pulsions consuméristes. De la poudre aux yeux. Ainsi, même avec un salaire plus que décent, le consommateur insatiable qui flambe son salaire pour se sentir exister, se retrouve en situation de précarité à la fin du mois, il engrange du stress, et s’enferme dans la spirale marchande, quête illusoire vers plus d’argent. Pourtant, chaque objet acheté, ordinateur, voiture, téléphone, etc, n’est pas nécessairement voué à être renouvelé l’année suivante, et en vivant à hauteur de ses moyens, un smic amélioré peut même parfois suffire à «  joindre les deux bouts ». Du travail pour avoir de l’argent et manger, plus de travail pour pouvoir avoir plus d’argent. Cela ne vous rappelle pas un slogan de 2007 ? Cet article ne lance pas la pierre à ceux qui trouvent leur bonheur à gagner de l’argent pour se faire plaisir en achetant, tant que cet argent n’est pas la part appartenant à autrui, pas plus qu’il ne prône un retour pour tous aux champs.

Mais acheter, renouveler régulièrement son matériel par du neuf, et du plus performant, relève-t-il, pour notre consommateur, d’une quête de bonheur, ou d’une pulsion pathologique que ce système économique nous inocule pour maintenir ses chefs de guerre dans leurs rangs ?

Plus qu’une morale à donner au lecteur, je n’en ai ni la prétention ni la compétence, ce papier voudrait ouvrir à réflexion pour jouir sans entraves d’une consommation raisonnée, dans une simplicité volontaire combattant un monde en guerre qui voudrait nous décharner de notre humanité. Une mondialisation des échanges qui soit purement fondée sur l’égale répartition des richesses, la justice sociale, et l’équité, pour que nous puissions tous nous réattribuer nos conditions d’Hommes libres. Enfin libres…dans la stricte mesure où nous ne cherchons pas à divaguer en dehors du cadre dans lequel nous sommes autorisés à évoluer ! Notre liberté s’étiole à mesure que nous prenons conscience de ce qu’elle est : un idéal à approcher que nous ne toucherons jamais du doigt.

II/ Pour un altermondialisme décroissant, une agriculture saine et raisonnée

Quoi de plus normal que de grandes entreprises multinationales de l’agroalimentaire s’accaparent le marché des semences, commercialisent des céréales génétiquement modifiées, et exproprient les terres des petits exploitants pour en faire de grosses coopératives se gavant de subventions de la politique agricole commune (ou d’autres organisations de libre échange) ? Quoi de plus logique que l’OMC ait imposé que les prix à l’importation soient lavés de toute barrière tarifaire, et que le prix des céréales soit régulés par la spéculation sur les matières premières des grandes agro-industries ? L’avenir de l’agriculture appartient davantage à la culture intensive et à l’économie d’échelle réalisée sur l’élevage industriel du bétail, qu’à l’agriculture vivrière peu nourricière, et à la mise en jachère des sols peu fertiles. Critiquer ce fait serait vouloir faire un énorme retour en arrière.

Ce n’est pas une citation, heureusement, mais certains hommes d’affaires doivent le penser. Et en matière d’agriculture, peut-être qu’un retour en arrière serait justement nécessaire, dans le sens d’un retour aux sources. Nous nous sommes tellement éloignés de la nature, qu’en habitat urbanisé, on en vient vite à ignorer le cycle de la nature, mangeant des tomates en janvier, des clémentines en juillet, et l’Homme citadin (en exagérant un petit peu), peut devenir incapable de faire pousser la moindre plante : quel intérêt, il ne la fait pas pousser, il l’achète à taille adulte.La mondialisation, et l’importation de produits agricoles de hors saisons nous montre des immenses montagnes de fruits et légumes colorés, sans aucune tâche de pourriture ou de terre, ayant des formes bien sphériques. Sur les étalages des grands centres commerciaux, des beaux fruits et légumes, mais peu de goût. De plus, quel cynisme d’acheter des tomates du Maroc ou d’Espagne dans un cartel de la grande distribution, lorsque chacun peut en faire pousser sainement chez soi, ou lorsque moult producteurs locaux la cultivent. Non seulement les producteurs marocains (ou d’ailleurs) touchent un bénéfice à l’exportation bien moindre que ceux réalisés par la grande surface commerciale, mais en plus, le consommateur ne fait pas vivre les petits agriculteurs locaux, ses propres voisins, qui augmentent leurs prix en raison du manque d’affluence. C’est comme si j’étais viticulteur, et que je me rendais à l’épicerie de proximité acheter du vin californien, ou des raisins labellisés «  Commerce équitable » ou «  bio » de Chine (biologique, mais importé par avion brulant des tonnes de litres de kérosène) alors que j’en produis moi-même.

La plupart des trusts agroalimentaires ayant bonne presse justifient les inégalités mondiales d’accès à la nourriture par le fait qu’il n’y a pas assez de matières premières produites pour nourrir toute la population du globe. Alors, pour pallier à la crise alimentaire, ceux-ci étendent leur commercialisation de produits transgéniques dans les pays du Sud, soit disant pour supprimer les famines. Ceci est un immonde non sens, car l’agriculture familiale et durable pourrait nourrir le double de la population mondiale, c’est-à -dire douze milliards d’êtres-humains, si les États retrouvaient leur souveraineté alimentaire. Ce n’est pas moi qui l’invente, c’est ce que disent tous les militants paysans (Via Campesina à l’appui), et la FAO de l’ONU. Dans les pays riches en ressources où sont implantés les agroindustriels, outre le fait que les entreprises multinationales délocalisent une fois que les sols sont dévastés et fertilisés, l’agriculture industrielle oeuvre à la production d’agro-carburants pour alimenter nos voitures là où il serait nécessaire de nourrir 925 millions de personnes souffrant de la faim. Et le pire, c’est que ces millions de personnes dont les pauvres existences sont rythmées par la misère, la disette et la salubrité, pourraient aisément être nourries. Pourtant, les grands médias tentent de faire considérer ces maîtres de l’agrobusiness pour des entreprises écologiques qui n’utilisent désormais plus le pétrole pour faire tourner les moteurs…l’écologisme capitaliste par la mort lente et douloureuse des pauvres, Darwin n’aurait pas mieux théorisé.

Selon Via Campesina, (mouvement militant pour la souveraineté alimentaire de tous les pays), il y a 1.5 milliard de paysans et de paysannes sur 380 millions d’exploitations, 800 millions font de l’agriculture périurbaine, 410 millions récoltent les produits issus de nos forêts et savanes, 190 millions sont bergers, et plus de 100 millions sont pécheurs. Au moins 370 millions de ces paysans sont également des populations indigènes. Ensemble, ils représentent presque la moitié de la population mondiale, et produisent au moins 70% de l’alimentation mondiale. (2)La culture intensive, l’utilisation de produits chimiques et l’argument macro-économique de la spécialisation des cultures (un pays se spécialise dans la culture où il sera le plus compétitif, hérité du théorème de D. Ricardo sur les avantages comparatifs) contribue à détruire la biodiversité, à éroder et fertiliser les sols, et engrange aussi des rendements décroissants, aussi paradoxalement que cela puisse paraître : le sol ne se repose plus, il est cultivé en permanence à flux tendus. En culture paysanne traditionnelle, la culture suit le rythme de la nature, dans le respect de la biodiversité, et les rendements augmentent puisque le sol n’est pas érodé par la mécanisation lourde et les adjuvants chimiques.

L’agroécologie, agriculture saine et raisonnée pratiquée dans le respect des écosystèmes apparaît donc comme la solution alternative, et le remède urgent pour assurer à tous une alimentation saine et viable. Ainsi, on voit bien que la promotion politique de l’écologie vise, une fois de plus, à protéger la grande industrie. Si le prix de l’alimentation au fond du caddie du consommateur grimpe, ce n’est donc pas à cause d’une crise de la production, de la rareté, mais bel et bien de la spéculation provenant de cette la dérèglementation financière sur les productions agricoles. Car avec une agriculture vivrière (d’autosubsistance), paysanne et souveraine, les «  gains » sont doubles : la population se nourrit mieux, et les prix deviennent plus abordables, car le processus de production n’implique plus des dépenses faramineuses en engrais chimiques, en innovation et en investissement des machines mécaniques. Quel comble, d’ailleurs, que notre ère dite technique, scientifique, moderne et développée, soit celle où les hommes meurent de trop manger, de cancers liés à l’alimentation, de maladies qui n’existaient pas il y a deux siècles.

L’agriculture est la première des nécessités humaines, car elle permet à l’Homme de manger et boire, donc de vivre. Celle-ci est pourtant en passe d’être éradiquée pour le profit à court terme de quelques milliers. Sommes-nous comme dans les dessins animés, assis sur une branche d’arbre que nous avons scié du mauvais côté, en chute libre, terrifiés par le choc imminent qui s’impose à nous ?

Samuel Moleaud

http://sam-articles.over-blog.com.

(1) Directive du Parlement Européen et du Conseil, qui entrera en application le 1er avril 2011 : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2004:136:0085:0090:fr:PDf

(2) Via Campesina, «  L’agriculture familiale, paysanne et durable peut nourrir le monde. », Djakarta, septembre 2010.

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