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Kerviel, entends-tu le bruit sourd des banquiers qui se goinfrent ?

On ne peut pas dire que le verdict du jugement de Jérôme Kerviel, trader pincé au champ d’honneur, soit excessivement étonnant.
Condamner quelqu’un à 5 milliard d’euros d’amende et réussir à lui imputer toutes les responsabilités d’un système où il n’était manifestement qu’un rouage a tendance, malgré tout, à irriter un tantinet toute personne de bon sens, me semble-t-il. Ce texte, donc, en forme de gros trait rouge sous le nom Société Générale et copines banksters associées. A consulter avant d’ouvrir un compte.

A voir les Barroso, les Sarko, les Obama et autres on savait depuis au moins deux ans que les Banksters tenaient la planète. Il suffisait de constater à chaque G-sommet la merveilleuse capacité de nos plastiques représentants a s’incliner toujours plus bas devant les banquiers, leur fascinante aptitude à tolérer qu’ils spéculent sans autre limite que leur capacité à inventer des produits dérivés plus rémunérateurs et des logiciels de trading plus performants, qu’ils ruinent des économies occidentales riches et stables tout en achevant les économies « émergentes », et qu’ils tordent partout le bras aux entreprises et aux politiques, déjà très enclins à céder moyennant une petite douceur.

Kerviel planté ; cerise sur le gâteau. Ca fait longtemps qu’ils ont comblé le trou à la SG. Ca fait longtemps qu’ils ont effacé les traces informatiques des lettres de cachet pour raser la planète, des pass no-limit pour emprisonner le Marché, les acteurs, la machine et les gains.

Kerviel, c’était le facteur humain dans un système inhumain. Même s’il avait déjà largement muté, dopé par les primes faramineuses et la gloriole qu’on lui passait sur l’ego.

On n’a pas oublié que du temps où la maladie du tout-marché était en phase sub-critique, les politiques, depuis le maire de bourg jusqu’au secrétaire national de l’UMP ou du PS, chacun avait son mot pour admirer « le coeur agissant du monde », la finance et ses héros, les traders. Tous les mags du Marché, toute cette néo-pub sur papier glacé leur tressait des palmarès. Les milliards coulaient à flots dans leurs poches et les écharpes tricolores avaient l’oeil mouillé devant eux, comme l’avait Dutreil Renaud, ancien hérault de l’intérêt général, quand il réussit enfin à chausser ses pantoufles dorées platines taguées LVMH, la « machine à cash » du père Arnault, comme on dit dans la finance de luxe.

Kerviel, incongru thermomètre d’une fièvre mondiale qui a mis sur le flanc l’économie. Un Kerviel, ça va, mais on peut-être sûr que ça ne vas pas s’arrêter là .

Un de ses collègues fondu a racheté en juillet 2010 tout le cacao stocké en UE. On imagine le cours qui explose et la tête de toutes ces peuplades qu’on ne sait pas bien situer et dont on ignore si elles parlent un langage chrétien, qui voit leur cacao muté en or et les bénéfices partir. Un wagon chez les banquiers, un sac aux traders, un aux présidents bananiers locaux et un dernier aux surveillants de l’ombre des états coloniaux, qui ont leur mot à dire quand il s’agit d’utiliser les dents des vautours pour dépecer, hier comme aujourd’hui, les réformes socialisantes dans les anciennes possessions.

On conçoit la liberté dont bénéficiait ce trader en appétit pour agir...Du Kerviel dans le texte.

Bref, la SG a réussi à prendre pour des truffes quelques juges - on se demande bien comment... - et tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes pourris du « 10% luxe », nec plus ultra des 10% qui déjà nous marchent sur la gueule allègrement du haut de leur morgue, de leurs liasses et de leurs réseaux medias-politiques.

Alors pourquoi ne persisterait-on pas, tranquillement, à nous arracher deux ans de travail en plus, deux ans de ce carburant qui permettra à des sociétés de grossir et grossir encore pour arriver sur la scène boursière et se faire repérer par la SG et ses copines hyènes, je vous le demande.

Kerviel, énième petit soldat fourvoyé dans la lessiveuse lancée par Reagan dans la foulée du consensus de Washington. Dommage, c’était un top-gun, pleurait hier soir le patron de la SG, comment s’appelle-t-il, déjà , ce cousin par alliance du vélociraptor ?

Mais à qui peut-on faire croire une seconde que Kerviel pouvait tromper tout seul deux ans de suite tous les contrôles internes, déjouer toutes les surveillances et ses collègues, éviter les repérages externes, où la sagacité de quelques gros opérateurs, comme ceux qui nous donnent des nouvelles de cette planète immonde qu’on appelle Bourse ?!...C’est sans doute cette totale autonomie, cette innocence touchante des cerbères de SG qui a poussé le Post, le 23/04/2008, à relayer une info du Canard Enchaîné, pour écrire : « Eurex, l’organisme qui surveille les opérations de cette bourse, a averti la Société Générale. "Il est inhabituel qu’un individu engage une banque pour de tels montants" explique Michel Zollweg, un responsable du ministère des Finances allemand, entendu par la brigade financière. ». L’individu s’appelait Kerviel, il avait engagé près de 50 milliards d’euros sur les marchés ooursiers. C’est la mise nécessaire pour arriver à perdre 5 milliards.

Il a juste prolongé la liberté qu’on lui donnait, Jérôme Kerviel. D’ailleurs, dans ses yeux tristes et butés, on voit bien qu’il n’a toujours pas compris, et défend au fond de lui un honneur du trader, alors que ce n’est que sa douleur d’humain broyé qui le réveille la nuit.

Comme s’il y avait un honneur quelconque à recycler les douze pour cent du PIB mondial gagné de haute lutte par le crime organisé. Comme s’il y avait un honneur quelconque à faire de tout un pari au montant astronomique, en faisant crever de faim ou sous les balles de dictateurs alléchés, un tas de gens dont on ne connaîtra même pas le nombre exact, comme s’ils avaient été éradiqués par un drone, quelque part au fin fond du Pakistan d’Obama.

Comme si on pouvait se targuer d’un atome de fierté, à faire gagner des sommes astronomiques à des banquiers qui viennent pleurer pour qu’on les remboursent. Supplier qu’on leur donne les moyens de recommencer à circonvenir, avec la logique dévoyée mais bien cravatée de leurs discours régulateurs sur le monde, ou la suavité de grosses coupures, « physiques » comme dirait Sirven, les politiques et hauts fonctionnaires. Qu’on les laisse tranquillement jouir de cette liberté à laquelle ils ont droit, pour appartenir de plein droit à l’Être Suprême nommé Marché. Qu’on les oublie, après avoir reconstitué, naturellement, leurs finances et qu’ils continuent, un sourire aristocratique aux lèvres, à dévaster littéralement les quatre coins du monde, dans le concert des discours moralisateurs et des appels mobilisateurs, des avertissements et des mises en garde soigneusement rendus inoffensifs, mais bruyants.

En revenant sur Terre, je m’aperçois que nous avons un Observatoire des inégalités, des planètes, de la fin de vie, de l’eau, des zones urbaines, des invertébrés, des Bouches-du-Rhône, de l’euro, des étudiants, de la plasturgie, de la Durance, des listes présentées à l’oral de l’épreuve anticipée de français du baccalauréat, mais d’Observatoire des banques, banquiers et méfaits, point.

TAIMOIN

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Chroniques de GAZA 2001-2011
Christophe OBERLIN
L’auteur : Christophe OBERLIN est né en 1952. Chirurgien des hôpitaux et professeur à la faculté Denis Diderot à Paris, il enseigne l’anatomie, la chirurgie de la main et la microchirurgie en France et à l’étranger. Parallèlement à son travail hospitalier et universitaire, il participe depuis 30 ans à des activités de chirurgie humanitaire et d’enseignement en Afrique sub-saharienne, notamment dans le domaine de la chirurgie de la lèpre, au Maghreb et en Asie. Depuis 2001, il dirige (…)
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