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Plus de trente-cinq ans plus tard, d’anciens membres des Black Panthers croupissent toujours en prison

Ils s’appellent Sundiata, Jalil, Mumia, Herman, Albert ou Leonard … ils sont noirs - ou amérindien - et ils ont participé aux mouvements pour la libération des Noirs (et des peuples autochtones) dans les années 1970. Pas de chance pour eux, ils ont tué des gardiens de prison ou des policiers alors qu’ils militaient pour l’égalité des droits des citoyens de leur communauté.
Curieux, cette propension à assassiner les policiers ou autres représentants de l’ordre chez les Peaux-Sombres, non ?
Depuis, ils sont toujours en prison, attendant une liberté conditionnelle sans cesse reportée. Ah, il ne fait pas bon s’opposer à l’ordre établi et défendre les droits des citoyens. Mais dans une démocratie, ceux qui finissent en prison, on les appelle criminels de droit commun - ou terroristes. Et dans ce cas-là , ils n’ont pas le droit au statut de prisonniers politiques. Le texte qui suit est la traduction de la rubrique hebdomadaire du 9/03/2010 de Jared Ball, universitaire et chroniqueur pour la radio de Black Agenda Report

Amitié et lutte : le scandale actuel de l’emprisonnement politique

Depuis le président Obama jusqu’en bas de la hiérarchie, des forces puissantes soutiennent que le Black Freedom Movement (Mouvement pour la Liberté des Noirs) est non seulement terminé, mais qu’il s’est terminé par une réussite totale.

Et pourtant, des décennies plus tard, des dizaines d’anciens militants croupissent encore en prison. Si nous avons gagné, comment se fait-il que les plus courageux d’entre nous sont encore derrière les barreaux ? "Même si on se berce d’illusions, il est un fait qu’il n’y a pas eu de conclusion heureuse au mouvement de libération dans ce pays".

"Aucun mouvement des droits civiques ou de défense des droits de l’homme ne peut revendiquer la victoire quand ses militants les plus ardents sont encore emprisonnés".

"Salut tout le monde.

Ma liberté conditionnelle a été rejetée hier au bout d’une audience de 2 à 3 heures et mon dossier a été remis à un jury composé de trois membres qui déterminera la durée de la peine supplémentaire que j’aurai à effectuer, et qui dépassera peut-être le délai légal de 3 ans, avant que je puisse à nouveau déposer une demande de liberté conditionnelle.

Je vous remercie tous pour le travail remarquable que vous avez réalisé pour tenter de me faire libérer et je sais que ce que vous avez fait était le maximum de ce qui était humainement possible dans les conditions actuelles.

Amitié et lutte.

Ce sont les propos qu’a tenus la semaine dernière Sundiata Acoli (*), ancien programmeur informaticien pour la NASA, devenu militant au Black Panther Party, et dont les actions pour soutenir la lutte pour la libération restent, 36 ans après, qualifiées de criminelles.

Ce refus le liberté conditionnelle arrive juste à la suite des récentes conclusions des audiences où des décisions similaires ont été prises envers Jalil Muntaqim (*), Mumia Abu-Jamal (*), Leonard Peltier (*) et Hugo Pinell (*) et, comme celles-là , c’est le genre de réponse que donne l’Etat pour briser les mythes qui mérite qu’on s’y intéresse de plus près, précisément, non seulement à cause de ce qu’elle implique pour ceux qui subissent les horreurs de l’incarcération, mais également de ce qu’elle indique sur l’état des luttes en général pour les droits civils et la défense des droits des êtres humains.

Le refus d’accorder la libération conditionnelle à ces gens-là et à d’autres, et leur statut particulier en tant que prisonniers politiques, c’est-à dire, des gens qui sont incarcérés à cause de "leurs opinions politiques et/ou de leurs actions", rappelle abruptement que, même si on se berce d’illusions, il est clair qu’il n’y a pas eu d’issue heureuse au mouvement de libération.

"Le complexe industriel carcéral est la dernière des machinations politiques et pénales d’une série ininterrompue d’épisodes destinés à asseoir la suprématie des Blancs".

En dépit des discussions actuellement en cours sur la place qu’aura Obama dans l’histoire, les illusions de progrès, ou le problème de savoir s’il faudrait ou pas un ordre du jour sur la question des Noirs, il est un fait incontestable que le maintien des prisonniers politiques en prison indique bien qu’aucun mouvement de libération ou de défense des droits des êtres humains ne peut crier victoire alors que les partisans les plus ardents sont justement encore incarcérés pour avoir participé à ces luttes.

Indépendamment de l’accusation spécifique, aucun de ceux-là ne serait encore incarcéré si ces mouvements avaient été victorieux. Ces actions ne seraient alors pas considérées comme des crimes. Au pire, comme l’a décrit David Gilbert, un autre détenu politique, toutes les erreurs commises par ces hommes et ces femmes seraient jugées par les groupes avec qui ils luttent et pas par ceux auxquels ils s’opposent. C’est véritablement cette règle qui devrait être appliquée à tous les débats sur le progrès chaque fois que nous sommes confrontés avec la toute dernière série de mythes de progrès, et même avant d’en arriver aux chiffres qui montrent que les avancées et l’amélioration des conditions matérielles sont un mensonge, on devrait simplement se demander : "lequel parmi nos dizaines de prisonniers politiques a été libéré ?"

Et pendant que nous y sommes, on pourrait aussi bien soutenir ceux qui luttent pour dénoncer et mettre un terme à un système encore plus important d’incarcérations massives, qui, selon une nouvelle enquête, une de plus, de Critical Studies of Race and Ethnicity réalisée à l’Université Ste Catherine dans le Minnesota, décrit un complexe industriel carcéral qui, "est la dernière en date des machinations politiques et pénales d’une série ininterrompue d’épisodes destinés à asseoir la suprématie des Blancs avec ses avantages économiques et sociaux contenus dans la loi et mis en vigueur avec elle".

Et plus dans nos préoccupations immédiates concernant l’emprisonnement politique de ceux qui militent pour instaurer un changement progressiste, cette enquête explique que ce système est une riposte aux "mouvements pour l’Abolition et pour les droits civils" qui "oeuvraient pour mettre un terme à l’esclavage, au lynchages et à la ségrégation institutionnalisée" et qui se sont heurtés à des "processus nouveaux et plus détournés" qui sont devenus des procédés non discriminatoires … mais en fait racistes … où les gens de couleur, surtout les Noirs, ne sont pas protégés par la loi de façon équitable, où ils subissent une surveillance excessive, une ségrégation effroyable et l’esclavagisme moderne par le biais de l’incarcération.

Si Obama incarnait le véritable changement dû aux conquêtes d’un mouvement victorieux, il appliquerait au moins les mêmes règles aux prisonniers politiques que celles qu’il a jugées opportunes pour Bush et Cheney.

Si ces deux là ne doivent pas être poursuivis pour crimes contre l’humanité parce que, comme l’a déclaré le président, il préfère "se tourner vers l’avenir plutôt que vers le passé" alors, pourquoi ne détourne-t-il pas les yeux d’un passé suffisamment lointain pour libérer immédiatement ces prisonniers politiques avec des excuses et des indemnisations ?

Jared Ball

http://www.voxunion.com/?p=207

Texte original : Love and Struggle : The On-Going Scandal of Political Imprisonment
http://www.blackagendareport.com/?q=content/love-and-struggle-going-scandal-political-imprisonment

Traduction & complément par emcee Des Bassines et du Zèle

EN COMPLEMENT :

Dedicated_to_the_Black_Panther_Party

Les Black Panthers
http://www.secoursrouge.org/blackpanther.php
Mouvement révolutionnaire né en 1966, un an après l’assassinat de Malcom X, le 21 février 1966. Les militants de ce mouvement seront sans cesse harcelés, traqués, emprisonnés, parfois à la suite de coups montés, ou assassinés.

Qui sont certains de ces prisonniers politiques et qu’ont-ils fait ?

Il y a, entre autres :

Sundiata Acoli
http://www.sundiataacoli.org/about
Sundiata Acoli est "prisonnier de guerre de la Republic of New Afrika".

Mathématicien et analyste programmeur, il est né le 14 janvier 1937, à Decatur, Texas, et a grandi à Vernon, Texas. Diplômé de "Prairie View A & M College", au Texas en 1956, il travaille 13 ans pour des sociétés d’informatique, essentiellement dans les environs de New York.

Au cours de l’été 1964, il se rend dans le Mississippi pour faire inscrire les Noirs sur les listes électorales. En 1968, il adhère au Black Panther Party de Harlem et travaille dans des associations qui s’occupent d’éducation, du logement, de l’emploi, des crèches, de la drogue et de la brutalité policière.

En 1969, lui et 13 autres sont arrêtés dans le cadre du complot soi-disant organisé par le groupe des Panther 21. Détenus sans possibilité de liberté sous caution, leur procès qui a duré deux ans s’est conclu par l’acquittement de tous, au bout de moins de deux heures de délibération.

Une fois libéré, à cause de l’intimidation exercée sur des employeurs potentiels par le FBI, il n’a pas pu retrouver d’emploi dans l’informatique et le harcèlement, la surveillance et les provocations constantes de COINTELPRO l’ont rapidement forcé à entrer dans la clandestinité.

En mai 1973, alors qu’ils roulaient sur une autoroute dans le New Jersey, lui et deux de ses camarades sont tombés dans une embuscade tendue par des policiers de l’état du N.J.

Un de ses camarades, Zayd Shakur, était tué, une autre, Assata Shakur, blessée et arrêtée. Un des policiers était tué et un autre blessé et Sundiata était arrêté plusieurs jours plus tard.

Après un procès très tapageur et préjudiciable, il était condamné pour la mort du policier à perpétuité, avec 30 années incompressibles, et incarcéré à Trenton State Prison (TSP).
Sitôt en prison, il était enfermé, simplement à cause de ses activités politiques, dans une unité spéciale nouvellement créée. Il est resté dans cette section près de 5 ans, sortant de sa cellule seulement 10 minutes par jour pour prendre une douche et 2 heures par semaine pour la promenade.

En septembre 1979, l’International Jurist interviewait Sundiata et lui conférait le statut de prisonnier politique. Quelques jours plus tard, les autorités carcérales le transféraient secrètement en pleine nuit au tristement célèbre camp de concentration fédéral de Marion, Illinois, alors qu’il n’était pas condamné par le gouvernement fédéral.

Marion est une des prisons de haute sécurité, et également une des plus épouvantables, et, là -bas, Sundiata était enfermé 23 heures par jour. En juillet 1987 il était transféré à la prison fédérale de Leavenworth, Kansas.

A l’automne 1992, Sundiata avait le droit de demander la liberté conditionnelle. On ne l’a pas autorisé à assister à l’audience où on délibérait sur sa libération conditionnelle et il a seulement été autorisé à participer par téléphone depuis la prison. Malgré un excellent rapport concernant le travail, les études et la discipline en prison, malgré de multiples offres d’emplois dans le secteur de l’informatique, et malgré des milliers de lettres de soutien, la liberté conditionnelle était refusée à Sundiata.

Au lieu de cela, après une audience par téléphone d’une vingtaine de minutes, il en reprenait pour 20 ans, la peine la plus longue de toute l’histoire du New Jersey, qui stipule qu’il doit effectuer 12 années de prison avant d’avoir le droit de demander la liberté conditionnelle à nouveau. Le jury a expliqué que les raisons de cette condamnation à ces 20 années supplémentaires étaient que Sundiata avait été membre du Black Panther Party et de l’Armée de Libération des Noirs avant son arrestation, que la réception de centaines de lettres-types avec pour en-tête "Free Sundiata" le désignaient comme prisonnier de guerre de New Afrika, et qu’ils estimaient que les aspects punitifs de sa peine n’avaient pas été satisfaisants et que sa réhabilitation n’était pas totale.

La véritable raison de cette nouvelle peine, c’est d’obliger Sundiata à renoncer à ses opinions politiques et de proclamer au monde entier qu’il avait eu tort de lutter pour la libération de son peuple. (ça ne vous rappelle rien ?)

Jalil Muntaqim
http://freejalil.com/
Jalil A. Muntaqim, incarcéré depuis 1971, est un des prisonniers politiques qui a passé le plus de temps en prison dans le monde.

Ancien membre du Black Panther Party et de la "Black Liberation Army", il a eu une grande influence dans la prise de conscience révolutionnaire aux US .

Né le 18 octobre 1951, à Oakland, Californie.

Après l’assassinat de ML King, Jalil s’est dit qu’il fallait opter pour des moyens de luttes plus radicaux contre le racisme et l’injustice. Il a donc rejoint les Black Panthers.
Deux mois avant son vingtième anniversaire, Jalil était arrêté avec Albert "Nuh" Washington à la suite d’une fusillade avec la police de San Francisco. A cette époque, il avait terminé ses études secondaires et était travailleur social.

Alors qu’il était incarcéré à la prison de San Quentin en Californie in 1976, Jalil lançait une campagne nationale de pétitions adressées aux Nations Unies pour faire reconnaître l’existence de prisonniers politiques aux Etats-Unis.

En 1997, Jalil a lancé le Jericho Movement.

Plus de 6000 manifestants se sont rassemblés au Jericho-98 lors de la marche sur Washington pour exiger l’amnistie pour les prisonniers politiques aux Etats-Unis en vertu du droit international.

Le Jericho Amnesty Movement a pour objectif de faire reconnaître par le gouvernement US et l’ONU qu’il existe des prisonniers politiques aux Etats-Unis, et que, selon le droit international, ils devraient être amnistiés à cause de la nature politique de leurs actes.

Mumia Abu-Jamal
Mumia est chauffeur de taxi de nuit. Le 9 décembre 1981, Mumia Abu-Jamal est grièvement blessé lors d’une fusillade dans le quartier sud de la ville, où il vient de déposer un client. Arrêté, il est accusé du meurtre d’un policier, Daniel Faulkner, tué dans cette fusillade. Malgré ses dénégations, malgré son absence d’antécédents judiciaires, une enquête inéquitable (expertises balistiques inexistantes, balles non identifiables, absence de relevé d’empreintes, zone des faits non sécurisée, tests non effectués, etc.) conclut à la culpabilité de Mumia. Il est dans le couloir de la mort depuis près de 30 ans.
Voir la suite ici …

Leonard Peltier
http://lpdctexas.blogspot.com/
Leonard Peltier a passé plus de trente ans derrière les barreaux, ses droits violés à maintes reprises. En 1977, Leonard était condamné à tort pour les meurtres de deux agents du FBI au cours d’une révolte des peuples autochtones à Wounded Knee. Son dossier est si truffé d’erreurs et d’illégalités qu’il est une mascarade de tout notre système pénal.

Amnesty International et tout un tas d’observateurs internationaux indépendants ont depuis longtemps maintenant confirmé que le FBI avait intimidé les témoins, dissimulé des preuves, falsifié des affidavits et commis toutes les vacheries possibles pour faire coffrer Peltier.

Autres prisonniers et toujours plus ou moins le même scenario à la Peckinpah :

Les Angola 3
http://www.angola3.org/
En 1972 et 1973, les autorités carcérales accusent Herman Wallace, Albert Woodfox, et Robert King Wilkerson, anciens des Black Panthers, de meurtres qu’ils n’ont pas commis et les placent dans des cellules d’isolement pendant près de 37 ans. Wilkerson, disculpé par l’état de Louisiane, a été libéré en février 2001. Albert Woodfox et Herman Wallace, eux, languissent toujours en prison. Ce sont, à ce jour aux Etats-Unis, les détenus qui ont passé le plus de temps en cellule d’isolement.

Et aussi :

Les 9 de Move
http://blog.emceebeulogue.fr/post/2...
En prison depuis le 8 août 1978, ils attendent encore d’être libérés.

Conclusion ?

Eh bien, conclusion, une fois encore la Grande Démocratie n’a absolument rien à dire sur les droits de l’homme dans les pays étrangers et rien à remontrer.

Et pour bien faire, la communauté internationale devrait isoler complètement les Etats-Unis car tout ce qui se passe d’atroce dans le monde se retrouve à grande échelle là -bas, ou exporté ailleurs.

Incarcération des prisonniers politiques sans perspective d’être libérés un jour. Mais aussi :

Assassinat d’opposants, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays.

Incarcérations massives : 1 personne sur cent est actuellement en prison - dont 40% de Noirs : tiens, ça va faire plaisir à Z, ça ! il va pouvoir nous sortir une théorie infaillible là -dessus.

Peine de mort, preuves et témoignages douteux, jugements arbitraires …

Refus de réviser les procès, en particulier pour les condamnés à mort. Il me semble que si la société estime qu’un criminel ne mérite pas de vivre, elle devrait prendre toutes les garanties que c’est bien celui qui a commis le crime qui va être exécuté.

Depuis 1976, une centaine de personnes ont été innocentées.

Combien ont-été assassinées parce qu’on a refusé de procéder à des tests ADN, par exemple ?

Dernier scandale en date : Hank Skinner dont l’exécution a été suspendue in extremis, et qui clame son innocence et réclame des tests ADN

Hélas, ces cas ne sont pas rares en particulier pour les pauvres bougres qui se retrouvent dans cette situation.

Sans parler du traitement ignoble réservé aux prisonniers et qui relève de la torture mentale et physique. Mais il paraît que la torture, c’est très tendance, ma chère.

Les droits de l’homme et le bienpensing sont out, la discrimination et la torture sont in.

Que voulez-vous : The times they are a-changing.

Ou plutôt : plus ça change ...

http://www.youtube.com/watch?v=gcgYwTnBIIQ&NR=1

A reminder : http://www.youtube.com/watch?v=gcgYwTnBIIQ&NR=1

Et puis, dans une version plus ... plus quoi au fait ? surréaliste ?
http://www.youtube.com/watch?v=3MUrr3crO_A&NR=1

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Ceux qui n’ont pas le courage de lutter devraient au moins avoir la décence de se taire.

José Marti

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