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Les femmes qui ne mendient pas le droit à la vie

Le mouvement de protestation du début mars en Cisjordanie, répondant à l’inauguration d’une synagogue dans la vieille ville de Jérusalem, s’est traduit par de violentes échauffourées entre Palestiniens et militaires israéliens, dans plusieurs régions des territoires occupés.

Dans la ville de Naplouse, et quelques localités des alentours, se sont également produites de sérieuses altercations, au moment où des soldats israéliens ont fait irruption dans les rues, tirant des balles de caoutchouc sur les gamins qui lançaient des pierres, pour protester contre les arrestations dans la capitale. Le résultat, à ce jour, est de quatre morts. Deux dans la ville d’Irak Boreen, au sud de Naplouse, et deux au poste de contrôle d’Awarta, au sud-est. Ces affrontements ne sont ni les premiers, ni les derniers. Il est fréquent de voir les soldats dans les rues de cette ville de plus de cent mille habitants. Encerclée de colonies illégales, la population palestinienne doit faire face, jour après jour, aux redoutables postes de contrôle, aux fouilles, à l’humiliation et à l’arrogance démesurée des colons et de la main armée que les protège, l’armée israélienne.

Khirbit Tana est un des villages qui subissent, depuis janvier dernier avec une virulence redoublée, si cela est possible, des menaces permanentes contre ses habitants, propriétaires de terres que le gouvernement d’Israël refuse de reconnaître. Beaucoup de ces paysans viennent de Beit Forik, connu pour la vigueur de son opposition à l’occupation. A la mi-mars, quelques villageoises ont rejoint la marche des femmes sur le check-point de Qalandya, près de la ville de Ramallah. Il s’agissait de protester et de faire apparaître au grand jour la résistance de la femme palestinienne face à ce qu’elle considère comme une invasion lente et organisée. Il y a eu des agressions, des arrestations, mais aussi une énorme envie de raconter, de s’exprimer, de revendiquer leur journée internationale, malgré les effets pervers de l’occupation.

(((La voix de la terre palestinienne)))

Les femmes de Beit Forik ne sont pas venues en nombre. Beaucoup sont restées avec leurs enfants, leurs tâches et engagements familiers ou sociaux, dans une quotidienneté qu’il est parfois difficile de comprendre. D’autres, les autres, se sont approchées de l’occupant pour lui crier qu’elles résistent, qu’elles sont la voix de la terre palestinienne, qu’elles existent et croient à un futur. Avec une étonnante dignité, elles narrent, en y mêlant leurs rires, les anecdotes de cette journée pleine de tensions. Il semble que pour ces femmes de la région de Naplouse aucun obstacle ne pourra les arrêter. Hamda Hanany confiait, dans une entrevue avec Diagonal, qu’elle a perdu toute trace de peur, que si elle s’inquiète et craint beaucoup pour ses enfants, elle conserve l’espoir de voir un jour pousser les oliviers sur toute la terre de Palestine, «  sans les colons ni l’armée qui les menace ». Cette femme mince, toujours prête à sourire et à répondre aux questions incessantes de ceux qui veulent en savoir un peu plus, retrouve son sérieux pour expliquer que «  nous nous sommes retrouvées nombreuses après la démolition des maisons à Tana... tu sais -ajoute-t-elle- un village où ils ont détruit les maisons et les tentes de toile où logeaient les propriétaires des terres qu’ils veulent s’approprier ». Et elle poursuit «  Non, nous ne permettrons pas de nouvelles destructions ». C’est une militante de base, se sentant proche de ce qu’elle définit comme les problèmes des femmes qui vivent sous l’occupation, et qui affirme, comme pour elle-même : «  pour moi, c’est clair, je lutterai jusqu’à la mort ». Puis elle reprend ses enfants et, après une franche poignée de mains, s’éloigne avec une certaine hâte en direction de la mosquée.

Elle n’est pas un cas isolé, il y a beaucoup de femmes comme Hamda, un peu partout dans ce pays martyrisé. Les unes ont opté pour l’action directe, tandis que d’autres choisissent une lutte plus intérieure. «  Il faut s’aimer au-dedans et au-dehors », insiste Nayat, une autre femme du village de Beit Forik, qui arrive avec un pain encore chaud, s’approchant pour commenter avec les autres une photo de sa voisine, que l’on voit en train de s’empoigner avec les soldats israéliens. «  C’est ça notre dignité », disent-elles, «  c’est comme cela que nous luttons, et nous avons de longues années d’expérience », remarquent-elles en parlant toutes à la fois, leurs paroles s’emmêlant au milieu des clins d’oeil, dans une complicité tellement manifeste, tellement nécessaire.

Ana H. Borbolla, depuis Naplouse (Palestine)
Mars 2010

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