En 2005-2006, j’ai écrit un livre « The Case for Impeachement » (« plaidoyer pour une destitution » - NdT) dans lequel j’ai présenté des arguments en faveur d’une destitution du Président George W. Bush et du Vice-président Dick Cheney, ainsi que d’autres hauts responsables de l’administration Bush/Cheney tels que Condoleezza Rice, le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld et le ministre de la Justice Alberto Gonzales, pour crimes de guerres et violation de la constitution des Etats-Unis.
A présent, lorsque je mentionne le titre du livre, parfois certains me demandent, sur le ton de la plaisanterie, si je me réfère au président actuel, Barack Obama.
C’est triste à dire, mais le temps est venu, à peine 14 mois après l’entrée en fonctions du nouveau président, de répondre que oui, ce président, et certains de ses subordonnés, sont coupables eux aussi de crimes de guerre - dont beaucoup sont les mêmes que ceux commis par Bush et Cheney - pouvant mener à une destitution.
Commençons par la guerre en Afghanistan, qu’Obama a personnellement pris en charge par une escalade qui verra le nombre de soldats US dans ce pays (sans compter les mercenaires embauchés par le Pentagone) s’élever à 100.000 d’ici le mois d’Août prochain.
Ce président a autorisé l’emploi de drones Predator (avions sans pilotes) pour mener une campagne de bombardements contre le Pakistan ce qui a pour effet d’étendre illégalement la guerre en Afghanistan vers un autre pays sans l’autorisation du Congrès. Ces avions sans pilotes sont connus pour tuer beaucoup plus de passants innocents que d’ennemis, ce qui rend leur emploi comme armes fondamentalement illégal. De plus, cette vague d’attaques contre le Pakistan constitue une guerre d’agression contre un pays tiers, si le mot « guerre » a encore un sens, et par conséquence une violation de la Charte des Nations Unies. L’acte de déclencher une guerre d’agression contre un pays qui ne représente aucune menace imminente pour l’agresseur est considéré par la Charte et la Charte du Tribunal de Nuremberg comme le plus grave de tous les crimes de guerre.
Le président, en tant que commandant en Chef, en collusion avec le ministre de la justice Eric Holder, à bloqué toute poursuite contre ceux qui ont autorisé et appliqué la torture contre des prisonniers pendant la guerre en Irak, la guerre en Afghanistan et aussi la soi-disant guerre contre le terrorisme - notamment le juge de la Cour d’Appel Jay Baybee et le professeur de droit à l’université de Berkeley John Woo qui, comme avocats du ministère de la Justice, ont rédigé les memos qui justifiaient l’usage de la torture - et qui permettent encore aujourd’hui la poursuite de telles pratiques contre les prisonniers. Tout ceci constitue une violation claire des Conventions de Genève qui font partie intégrante, de par les traités signés, de la Constitution des Etats-Unis. Selon ces traités, les responsables dans la chaîne de commande qui permettent ou s’abstiennent de punir les auteurs de torture se rendent eux-mêmes coupables de torture.
En tant que Commandant en Chef, le Président Obama a aussi supervisé une stratégie en Afghanistan qui consiste à étendre les attaques contres les civils. Comme en Irak sous l’administration Bush, la phase actuelle de la guerre en Afghanistan provoque plus de morts parmi les civils que parmi les combattants ennemis, à cause de l’emploi d’armes telles que des hélicoptères dotés de canons, des bombardements aériens, des bombes à fragmentation, etc, ainsi que le recours à des tactiques de raids nocturnes contre des zones habitées censées abriter des insurgés - des raids qui se soldent fréquemment par la mort de nombreux hommes, femmes et enfants innocents. Il est significatif de constater que la récente exécution de sang froid de 9 étudiants, âgés entre 11 et 18 ans, par des forces dirigées par les Etats-Unis n’a donné lieu à aucune poursuite ni enquête. Au contraire, l’affaire est étouffée et ignorée, avec l’évident accord de la Maison Blanche et des chefs du Pentagone.
De plus, il est largement admis que le Général Stanley McChrystal, qui a dirigé une opération à grande échelle d’escadrons de la mort en Irak avant d’être nommé à son poste actuel, est actuellement en train de diriger une campagne similaire d’assassinats en Afghanistan - une campagne qui rappelle le sinistre Programme Phénix dans les années 60 au Vietnam - qui se solde par de nombreux morts chez les Afghans innocents.
En politique intérieure, le président a autorisé la poursuite des détentions sans procès de centaines de prisonniers à Guantanamo et dans d’autres prisons, dont la base aérienne de Bagram en Afghanistan. Son directeur à la Sécurité Nationale a même déclaré que la politique de l’administration actuelle était que les citoyens américains qui seraient considérés par le gouvernement d’être des combattants ennemis ou des terroristes pourraient faire l’objet d’exécutions extra-judiciaires. Des crimes d’état officiellement assumés constituent une violation flagrante de la Constitution qui précise clairement que chaque Américain bénéficie de la présomption d’innocence et du droit à un procès équitable.
Le président a aussi poursuivi, et d’une certaine façon même renforcé, le programme de Bush/Cheney d’espionnage sans mandat des communications électroniques de millions d’Américains par l’Agence de Sécurité Nationale (NSA). Une partie de ce programme, la surveillance d’une organisation caritative islamique vient d’être déclarée illégale par un juge fédéral dans une affaire qui l’opposait à l’administration Bush/Cheney, mais que la présente administration persistait à défendre. Il n’est pas encore connu si l’administration Obama décidera de faire appel de ce jugement. Alors que l’affaire en question ne constitue pas un crime de la part de l’administration Obama, il est cependant clair qu’elle représente la pointe d’un gigantesque iceberg d’espionnage intérieur, et le fait que l’administration déploie autant d’efforts pour clore ce procès ou le gagner indique qu’il ne s’agit pas d’un cas isolé et que la NSA agit ainsi à une très grande échelle. En fait, si cette affaire a atterri un jour devant un tribunal, c’est uniquement parce qu’un rapport qui décrivait les détails de la surveillance avait été envoyé par erreur par courrier électronique aux victimes de la surveillance.
Et pendant que nous y sommes, je voudrais dire aussi qu’il y a suffisamment d’éléments pour destituer le secrétaire au Trésor Timothy Geither qui, lorsqu’il dirigeait la Réserve Fédérale de New York, parait avoir été complice d’une tentative pour étouffer la fraude massive de Lehman Brothers, puis en tant que secrétaire au Trésor, a participé à la plus grande distribution d’argent des contribuables à plusieurs des plus grandes banques du pays.
L’énumération des violations de la Constitution et des crimes commis montrent que ce président, comme son prédécesseur, et pratiquement depuis son premier jour de mandat, perpétue les actions criminelles et anticonstitutionnelles qui menacent l’existence même d’un gouvernement constitutionnel aux Etats-Unis.
En termes simples : le Président Barack Obama, et son ministre de la Justice Eric Holder, son ministre de la Défense Robert Gates, son ministre de l’Economie Geithner, devraient être destitués pour crimes de guerre et crimes contre la Constitution.
Bien sûr, après avoir assisté pendant deux ans à un Congrès Démocrate faillir sans honte à son devoir de lancer une procédure de destitution contre le Président Bush et le Vice-président Cheney ainsi que leurs subordonnés criminels, je ne me fais aucune illusion quant à la destitution du président actuel.
Cela dit, je crois qu’il est important de faire savoir publiquement que ce président, comme son prédécesseur, mérite la destitution pour de graves délits et crimes.
Dave Lindorff
ARTICLE ORIGINAL
http://www.counterpunch.org/lindorff04022010.html
Traduction - dans l’expression "premier président noir des Etats-Unis", les seuls mots qui comptent sont "président " et "Etats-Unis" - par VD pour Le Grand Soir