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Réplique au texte de 2004 d’Alain Badiou

La peur explique-t-elle complètement la loi foulardière ?

photo : Tokujin Yoshioka Installation @ Maison Hermes Japan

La peur explique-t-elle complètement la loi foulardière ?
Je ne crois pas.
Je crois que cette loi est le résultat d’un "amalgame" fort complexe.

Le problème de ce "vieux" texte (2004) qui demeure « d’une actualité surprenante » (Derrière la Loi foulardière, la peur, d’Alain Badiou [1]), c’est que l’auteur parle longuement de « la marchandise ».

Le texte aurait été plus crédible si l’auteure était « la "marchandise" » elle-même.

Dans cette réflexion, on dit bien des choses concernant les femmes. Je trouve le ton un peu "machiste".

De plus, je considère qu’on court-circuite certains volets du problème de la laïcité, du féminisme et de l’ingérence religieuse.

On utilise parfois des caricatures tirées par les cheveux.

Je crois qu’il y a des points incontournables et auxquels nous devons clairement arrimer le débat sur le voile.

Le voile n’est pas qu’un vulgaire bout de tissus que l’on porte par coquetterie.

Le voile est actuellement le plus grand symbole religieux.

Le voile est aussi LE symbole de la soumission et de l’oppression féminine.

Le voile est aussi perçu, par plusieurs, comme étant un symbole de non-intégration et même de refus du mode de vie "occidental".

Tout ce débat est fort complexe et soulève beaucoup de passion.

Je crois que nous devons nous river aux valeurs fondamentales sur lesquelles nous souhaitons que notre société repose.

Deux de ces valeurs fondamentales sont selon moi : - la laïcité complète de l’État, c’est-à -dire que l’État ne tolère d’aucune façon, aucune ingérence ou accommodement religieux et - l’égalité totale en toutes circonstances de la Femme et de l’Homme.

Le sexisme sous toutes ses formes doit être combattu. (Sur ce point, sans vouloir insulter mes cousins et cousines français-es, je crois que la France a un léger retard sur le Québec, ne serait-ce que pour la féminisation des titres. Lors de son passage chez nous, Benoîte Groulx avait été surprise de se faire dire par son chauffeur de taxi : "mais vous êtes « écrivaine »").

Monsieur Badiou dit que la loi foulardière n’est qu’une manifestation de peur.

Moi je dirais que la loi foulardière n’est qu’une manifestation ferme de refuser un retour en arrière. Je crois même que pour passer une loi foulardière, il ne faut pas avoir peur.

Il n’est pas question pour une société évoluée que la religion dicte la tenue vestimentaire et finisse par dicter les tribunaux. La religion impose des lois divines irrationnelles et souvent met en péril le tissu social diversifié. La laïcité doit servir de dénominateur commun afin de nous préserver d’un communautarisme dangereux à long terme.

Cependant, je suis bien d’accord avec Monsieur Badiou sur un point. La religion a un volet politique tout aussi important que son volet spirituel. L’islam est la religion anti-capitaliste par excellence et l’islam permet, dans bien des cas, de soulager ce mal de vivre résultant de l’injustice et de l’oppression du système capitaliste.

Outre ses dérives extrémistes et sa croisade pour conquérir le monde, l’islam a sa place pour faire contre poids à l’église économique (une église intimement associée à l’église catholique. On pourrait même dire que catholicisme est synonyme de capitalisme).

Monsieur Badiou parle de la peur de la mort. Seules les religions apaisent cette peur. Peur de la mort, peur de l’inconnu et ce terrible malaise de vivre avec les mystères (mystère de la vie, mystère d’être, mystère de la mort, mystère de ne plus "être"). Sur ce point de vue les islamistes ont repoussé cette peur. La foi peut vaincre cette peur. Ce phénomène n’est pas unique à l’islam. Tous les grands "croyants" entrevoient la mort sereinement et sans peur. L’idée c’est de se convaincre qu’on va rejoindre un ami et le tour est joué. Le défi c’est : de se convaincre. Lorsqu’on est convaincu, plus rien ne nous fait peur. C’est exactement le même phénomène pour tous les "croyants" qu’ils soient juifs, chrétiens, bouddhistes, ou musulmans.

Une caractéristique cependant pour les islamistes, ils utilisent cette vision sereine de la mort à des fins terroristes. On se fait sauter facilement. Les Japonais le faisaient par courage uniquement (les kamikazes), les islamistes, eux le font par la force de leur foi. Ce côté terroriste est assez troublant. Le terrorisme est difficilement justifiable, surtout si on le fait "au nom d’un dieu".

Ne pas avoir peur de la mort est une chose, cependant donner sa vie pour éliminer celle des impurs en est une autre.

J’aime bien quand Monsieur Badiou dit :

« Je sais en outre qu’ils sont instrumentés, ces "martyrs" redoutables, par des comploteurs peu discernables de ceux qu’ils prétendent abattre. »

« On ne redira jamais assez que Ben Laden est une créature des services américains. Je n’ai pas la naïveté de croire à la pureté, ni à la grandeur, ni même à une quelconque efficacité, de ces tueries suicidaires. »

Je suis complètement d’accord avec lui. Et je crois que le monde musulman devrait condamner plus fermement ce terrorisme salissant l’image de l’islam.

Serge Charbonneau
Québec

[1] Derrière la Loi foulardière, la peur, d’Alain Badiou
http://www.legrandsoir.info/Derriere-la-Loi-foulardiere-la-peur.html

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