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Amérique Latine et nationalisation des ressources énergétiques, par Zhang Mingde - Beijing Information.





Beijing Information, 11 juillet 2006.


Des pays latino-américains ont pris des mesures limitées de nationalisation des ressources d’énergie.



Récemment, quelques pays latino-américains ont pris une série de mesures pour nationaliser leurs ressources naturelles. Cela a exercé une influence non négligeable sur le marché international de l’énergie, surtout le marché du pétrole, et a suscité l’attention générale.

L’initiative a été prise principalement par des pays riches en ressource énergétiques, et les objectifs visent principalement à nationaliser les compagnies de pétrole et de gaz naturel. L’Amérique latine abonde en pétrole et gaz. Le Mexique et le Venezuela sont parmi les dix grands producteurs de pétrole du monde. Les réserves de pétrole du Venezuela se classent au premier rang en Amérique latine, avec une quantité de pétrole conventionnel de 78 milliards de barils et une quantité estimative de pétrole lourd de 238 milliards de barils dans la ceinture de l’Orinoco. Au Mexique, les réserves sont de l’ordre de 46,9 milliards de barils, dont 17,6 milliards ont été vérifiés. Le champ pétrolifère nouvellement découvert dans des eaux profondes du golfe du Mexique est estimé à 54 milliards de barils. Les ressources abondent aussi en Équateur et en Colombie. Par ailleurs, d’énormes quantités de ressources de gaz naturel ont été découvertes au Venezuela, en Bolivie et au Pérou.

Le 1er mai dernier, le président Evo Morales de Bolivie a publié un décret suprême, déclarant la nationalisation des ressources de pétrole et de gaz. « Dès aujourd’hui, la Bolivie reprend son contrôle de nos ressources naturelles ; tous les puits, les oléoducs, les raffineries et les stations d’essence sont mis sous la protection des forces armées et de la police. L’époque de pillage de nos ressources par les compagnies étrangères est terminée », a déclaré Morales. Le gouvernement a envoyé des forces armées et des ingénieurs de la compagnie nationale YPFB vers les champs de pétrole et de gaz exploités par les compagnies étrangères, et a demandé à ces compagnies de signer de nouveaux contrats avec le gouvernement bolivien dans un délai de six mois. Il a déclaré que son pays cherche à obtenir plus de revenus de ventes et a demandé aux compagnies étrangères de donner le droit de contrôle de la production et de la gestion à la compagnie nationale YPFB, et d’obtenir ensuite de cette compagnie bolivienne une partie des bénéfices. Si les compagnies étrangères n’acceptent pas ces conditions, elles devront quitter la Bolivie. Pourtant, il a noté que le gouvernement bolivien ne confisquerait pas les biens de ces compagnies étrangères.

La réserve de gaz naturel de la Bolivie atteint 1,38 billion de m3, juste après le Venezuela parmi les pays latino-américains. Une vingtaine de compagnies des États-Unis, de la Grande-Bretagne, de la France, de l’Espagne, du Brésil et d’autres ont des investissements dans le pays, pour un montant total supérieur à 3 milliards de USD. La décision de l’administration Morales de nationaliser l’industrie énergétique a suscité une haute attention des pays investisseurs.

Le Venezuela a été parmi les premiers pays latino-américains [à nationaliser les ressources naturelles. Depuis son arrivée au pouvoir, le président Hugo Chavez a préconisé le contrôle gouvernemental des industries, y compris celle du pétrole. Le Venezuela est le cinquième grand exportateur de pétrole du monde et le seul membre latino-américain de l’OPEC. La montée des prix du pétrole sur le marché international a beaucoup contribué au maintien de la situation politique du pays, au développement économique et à la mise en oeuvre de certaines politiques sociales, ce qui a déterminé davantage l’administration Chavez à nationaliser le pétrole. Le gouvernement a considérablement haussé le taux d’imposition et le taux d’utilisation du droit concessionnaire. L’impôt des compagnies de pétrole passe de 56,6 % à 83 %. Par ailleurs, il a proclamé sa propriété de 32 petits champs pétrolifères du pays.

Le parlement de l’Équateur a adopté en avril dernier un projet de loi lié au pétrole selon lequel les compagnies étrangères doivent verser au gouvernement 50 % des profits obtenus.

Depuis des années, les compagnies de pétrole étrangères en Amérique latine ont gagné de gros profits, tandis que les pays producteurs bénéficiait de peu d’avantages. Dans cette circonstance, les gouvernements de ces pays réexaminent le processus de privatisation de leurs secteurs d’énergie entrepris il y a des années, et réclament plus de profits de la production du pétrole brut dans l’espoir de mettre en valeur les ressources énergétiques pour développer l’économie nationale et satisfaire aux besoins sociaux. Cette idée est presque universelle parmi les pays producteurs de pétrole latino-américains. En Bolivie par exemple, une des raisons principales de la nationalisation est le déclin des ressources naturelles et les besoins politiques. La Bolivie abonde en pétrole et gaz naturel, mais elle est parmi les pays pauvres d’Amérique latine. Nationaliser ou non le secteur de l’exploitation et de la gestion du pétrole et du gaz naturel obsédait depuis longtemps le gouvernement bolivien et a entraîné plusieurs fois des conflits intérieurs, et mené à l’agitation sociale et à l’instabilité politique. Morales se fait toujours passer pour nationaliste ferme et un gardien des ressources de Bolivie. L’une des mesures importantes prises par lui dès son élection à la présidence a été de nationaliser les ressources énergétiques du pays.

Le trait commun des mesures prises par ces pays latino-américains est que l’étendue de la nationalisation est limitée. Les pays ont permis aux compagnies étrangères de garder leurs parts dans la production et le marketing dans ces pays au lieu de les repousser totalement, de confisquer leur capital ou de les chasser. Ils cherchent un nouveau modèle de coopération permettant au gouvernement de jouer un rôle dirigeant dans l’exploitation, de la gestion et des ventes de ressources naturelles.

Les mesures de nationalisation ont aussi un impact sur les prix de pétrole brut dans le marché international. Au moment où la communauté internationale se dispute sur la possibilité de résoudre de façon diplomatique le problème nucléaire iranien, où la situation est instable en Irak et où des attaques terroristes sont observées de temps en temps, le marché du pétrole brut est devenu plus fragile face à la nationalisation du secteur en Amérique latine. Le lendemain de la déclaration de Morales de nationaliser les ressources énergétiques, les prix du pétrole brut des marché à terme de Londres et de New York ont battu un record, grimpant respectivement jusqu’à 74,97 et 74,9 USD le baril.

Les dirigeants de certains pays et compagnies d’énergie internationales renommées ont fait des commentaires sur les mesures de nationalisation prises par des pays latino-américains. Certains se sont montrés compréhensifs, disant que les compagnies d’énergie internationales doivent accepter le fait que les pays producteurs de pétrole prennent une position de plus en plus nationaliste et essaient de réviser les contrats commerciaux conclus. Plus hauts seront les prix du pétrole et du gaz, plus forte sera la tendance au nationalisme. C’est une nouvelle réalité. En fin de compte, le gouvernement est toujours le patron, disent-ils. Cependant, d’autres ont adopté une position critique. Ils s’inquiètent du fait que le conflit entre le nationalisme pétrolier et les compagnies de pétrole pourrait aboutir à la baisse de l’investissement dans l’exploitation du pétrole et, par la suite, à la tension de l’offre et à la hausse continuelle des prix du pétrole résultant d’une production affaiblie.

Martin Bartenstein, ministre des Finances d’Autriche, a fait une critique incisive : « Si vous voulez faire du mal à votre industrie, vous la nationalisez. C’est un pas en arrière. Ce n’est pas une mesure encourageante pour les investisseurs. » Le premier ministre de la Grande-Bretagne, Tony Blair, a appelé le gouvernement bolivien à mieux utiliser les ressources énergétique du pays « de façon responsable » et « sous l’angle de l’intérêt économique ». Quelques observateurs croient que la hausse en flèche des prix du pétrole sur le marché international a stimulé les pays producteurs à nationaliser les ressources d’énergie, et que cela non seulement a détruit les programmes d’investissement des compagnies de pétrole internationales, mais aussi pourrait aboutir au changement de l’ordre politique international de l’énergie et aux conflits politiques accentués dans le domaine d’énergie.

Certains médias ont aussi fait des commentaires. Bill Farren-Price, rédacteur en chef adjoint au Middle East Economic Survey de Chypre, a indiqué qu’en cas de hausse des prix de l’énergie, tous les pays renforcent le contrôle de l’énergie pour éviter que les compagnies étrangères n’en soit bénéficiaires tandis que l’État n’obtient aucun avantage. D’autres médias comme le Washington Post ont des points de vues pessimistes. Selon eux, « le fait que Morales a envoyé de l’armée contrôler les champs du pétrole et du gaz démontre aux États-Unis que certains pays latino-américains essaient d’éliminer l’influence étasunienne. » « Le marché de l’énergie international sera plus imprévisible, facteur qui incitera les États-Unis à augmenter la production d’énergie à l’intérieur du pays. » « Il sera de plus en plus difficile pour Washington de contrôler la région latino-américaine entière. »


En Amérique latine, la plupart de pays appuient la politique de nationalisation de leurs voisins. Bien sûr, on entend aussi des voix différentes. Le Brésil, le plus grand investisseur latino-américain dans l’industrie du gaz naturel de Bolivie, a été affecté le plus sévèrement. Après la nationalisation en Bolivie, le gouvernement brésilien et les compagnies impliquées ont envoyé des délégations pour négocier avec le gouvernement bolivien. Le président du Brésil, Luiz Inacio Lula da Silva, a noté que « le Brésil voulait continuer d’importer du gaz de Bolivie pour aider le peuple bolivien pauvre, et la Bolivie a aussi intérêt à aider le Brésil qui a besoin de gaz. Cependant, c’est impossible pour le grand pays qu’est le Brésil de compter sur un unique fournisseur. » Il croit que les deux pays ont besoin d’un accord profitable aux deux parties. Par la même occasion, il a signalé que le Brésil s’autosuffira en gaz naturel en 2008 et ne dépendra plus de l’importation.

Un sondage de l’opinion publique mené en Argentine montre que 74 % des questionnés consentent ou consentent fortement à ce que le gouvernement Kirchner suivre l’exemple de la Bolivie. La montée en flèche et la forte fluctuation des prix internationaux du pétrole ont apporté de gros profits aux pays producteurs d’Amérique latine, mais en même temps ont aggravé la crise de l’énergie des pays importateurs dans la région, surtout des pays d’Amérique centrale et de la région antillaise, qui doivent payer en devises étrangères leurs importations. Dans un effort de faire face à la montée continuelle des prix, les pays d’Amérique latine ont commencé à augmenter les investissements dans l’industrie pétrolière, à établir des organisations régionales de coopération, à élaborer les projets de coopération énergétique et à promouvoir énergiquement l’intégration de l’énergie régionale pour assurer le développement soutenu de l’économie régionale. Pour le moment, plusieurs organisations de la coopération ont été établies, entre autres la compagnie Petrolera del Sur et la compagnie Petrolera del Caribe. Le projet de pipeline de gaz d’Amérique du Sud et le projet de coopération énergétique entre le Mexique et l’Amérique centrale ont été rendus publics. Plusieurs autres projets de coopération bilatérale sont en élaboration.

La nationalisation des ressources énergétiques en Amérique latine a aussi des effets sur la Chine. L’Amérique latine est l’une des régions déterminées pour les compagnies chinoises de pétrole dans l’application de la stratégie d’entrer dans le marché international. La coopération d’énergie internationale de la Chine a débuté avec l’Amérique latine et leur coopération a enregistré les premiers succès. La Chine a mis au point des projets de coopération avec le Venezuela, le Pérou et l’Équateur. Des négociations similaires sont en cours avec la Bolivie. L’Amérique latine deviendra une région importante d’investissement et de coopération pour les compagnies chinoises d’énergie. Pour la coopération bilatérale, tant la réussite que l’échec revêtent une importante signification pour les deux parties. La Chine s’efforcera de pousser la coopération pour réaliser des résultats « gagnant-gagnant ».

Zhang Mingde, chercheur adjoint à l’Institut d’études des questions internationales de Chine


 Source : Beijing Information www.bjinformation.com



A Lire : Démocratie et contrôle des changes : L’exemple vénézuélien, par Benoît Borrits.


Bolivie : Les premiers pas du gouvernement Morales, par Hervé Do Alto.

Les USA encaissent un nouveau coup : La Bolivie, Le Venezuela et Cuba signent le Traité de Commerce des Peuples.

Venezuela : La révolution sociale du président Hugo Chávez, par Salim Lamrani.

Est-ce que Washington pourra tolérer une alliance pétrolière entre le Venezuela et la Chine ? par Seth R.DeLong.




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