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Agir en politique

Concrètement et au présent, chaque jour les méthodes de régime autoritaire se déploient dans presque tous les pays et singulièrement là où le néolibéraux dirigent. La théorie du choc décrite par Naomie Klein fonctionne sous nos yeux jusqu’aux formes extrêmes qui s’observent au Brésil ou aux EU et dans combien de pays d’Afrique, au sud du Sahara.

La révolution citoyenne et le moment

Les événements que nous vivons, considérés du point de vue des prises de conscience politiques qui s’opèrent dans le grand nombre, ne peuvent pas être séparés des séquences qui les ont précédés. L’influence de l’action des gilets jaunes et de leurs méthodes, les mobilisations de la période de la réforme des retraites, tout cela forme un labour qui prend sa place dans l’état d’esprit du présent. Il en va de même d’ailleurs sous bien des latitudes et des pays. Mais le plus important est que la direction dans laquelle les peuples se dirigeront nous confortent dans ce que nous avons appris de la théorie de l’ère du peuple et de la révolution citoyenne. Oui, c’est bien par les réseaux collectifs, par l’urbanisation et par la globalisation que la crise est née et qu’elle s’est propagée. Et, partout, d’ici peu, devant la faillite concrète des pouvoirs en place c’est la volonté d’autocontrôle, cette essence de la citoyenneté active, qui sera la ligne de déploiement des événements sociaux et politiques.

Dans cette perspective il faut tenir compte du fait que le désastre va s’avancer sous plusieurs formes. Son aspect sanitaire est assez évident. Mais l’effondrement économique qui va résulter du désastre sanitaire aux États-Unis d’Amérique ne fait que commencer. Les États-Unis d’Amérique sont les premiers partenaires commerciaux de l’Europe dans l’ordre économique actuel. Avec le dollar, ce pays est l’emprunteur final du monde entier. La circulation monétaire de sa monnaie se réalise sans que ce pays produise les valeurs matérielles correspondantes. Je viens de résumer les failles béantes qui menacent le centre du monde.

Les deux piliers du pouvoir nord-américain sont l’armée et la monnaie. L’armée n’échappera pas au coronavirus. La monnaie dollar a une circulation étroitement liée non seulement au commerce matériel mondial mais avant toute chose au règlement de la matière première numéro un du monde contemporain : le pétrole. À 20 $ le baril, tout le système plonge. Une partie des exploitations qui avaient rendu leur indépendance aux États-Unis d’Amérique ne sont plus viables à ce tarif. Elles chuteront. Leur chute aura son effet domino. Les pays du golfe qui voient leurs ressources effondrées font savoir qu’ils peuvent trouver un intérêt à la valorisation de leur monnaie. C’est la raison pour laquelle ils envisagent de se faire payer en monnaie nationale. En effet, c’est la seule et unique manière qui leur permet de compenser ce qu’ils perdront, ce qu’ils sont en train de perdre, avec le cours actuel du baril de pétrole.

10 millions de chômeurs supplémentaires en 10 jours aux États-Unis d’Amérique ! Des morts déjà par milliers. Mais si les Français font des provisions de produits alimentaires et de papier hygiénique, les nord-américains ont fait la queue pour se procurer des armes. La déchéance morale de ce pays est stupéfiante. On devine ce qui est à la clé de tels comportements collectifs. En toute hypothèse, la commotion sociale viendra parce qu’il n’existe pas d’êtres humains qui acceptent de se faire dépouiller de tout et abandonnés à la mort sans essayer de se frayer un chemin de sortie d’une telle situation. Et il va de soi que la seule méthode envisagée jusqu’à présent, c’est-à-dire la répression brutale, trouvera rapidement ses limites. Une des raisons de cette limite est que les forces de répression elles-mêmes sont sujettes à la maladie et leurs familles au désespoir social. C’est de cette façon que se construisent pour finir les ruptures politiques. Ces enchaînements, cette transcroissance des situations qui passent d’un point à un autre, non pour des raisons idéologiques mais du point de vue des dynamiques de contexte, c’est ce que décrit la théorie de la révolution citoyenne.

Encore une fois la clé n’est pas dans le futur mais dans le présent. Dans le livre L’Entraide de Pablo Servigne, celui-ci décrit assez bien la situation qui résulterait d’un retard de la conscience sociale et civique sur la dynamique de l’effondrement des institutions de la société. Je partage son idée : si nous entrons dans le paroxysme de la « crise » avec la mentalité, les principes d’action et les valeurs d’égoïsme social et d’indifférence aux autres dont le néolibéralisme nous a infectés, la violence de la catastrophe sera beaucoup plus grande que si nous y entrons avec les valeurs et principes d’action de l’entraide et de l’action collective. Au total, le moment actuel fusionne en un processus unique des exigences philosophiques, morales et sociales qui sont au cœur de l’humanisme sur lequel est fondé le concept « insoumis ». Le refus de se soumettre aux normes de ce monde et de ses règles du jeu est le levain du monde d’après. Mais encore une fois, il doit faire son œuvre à présent sous formes de méthodes concrètes (réquisitions, nationalisations, démocratisation) pour qu’il puisse se prolonger après.

Le rôle du mouvement insoumis

Dans ce contexte, si l’action politique est essentielle, il faut en décrire les conditions primordiales. En France, nous sommes une opposition politique avec des groupes parlementaires au cœur des institutions qui organisent la démocratie. Il ne saurait être question de renoncer à ce rôle sous prétexte « d’union sacrée » et de toutes les déclinaisons d’un concept dont nous savons très bien que, pour le pouvoir actuel, il signifie essentiellement : « silence dans les rangs ». Opposants nous sommes et le restons. Et cela d’autant plus que c’est une condition pour empêcher l’enfermement dans lequel progressivement les néolibéraux ont plongé les sociétés qu’ils dirigent.

Il ne fait aucun doute dans mon esprit que les méthodes qu’ils avancent à propos du désastre sanitaire sont celles qui leur conviennent qu’il y ait désastre ou pas. On a connu la méthode déjà. L’état d’urgence contre le terrorisme a été prolongé six fois jusqu’à ce que le régime macronien décide que « pour sortir de l’extraordinaire » on fasse entrer l’essentiel des mesures correspondant à l’état d’urgence dans le droit ordinaire. On a vu ensuite le prix qu’il a fallu en payer pour les citoyens engagés dans des luttes écologiques et sociales. La loi sur les mesures d’urgence sanitaire, que les parlementaires insoumis ont repoussée en votant contre, n’était pas encore adoptée que déjà la suite nous était annoncée. Stanislas Guérini coordinateur du mouvement La République en Marche nous annonçait en plein hémicycle que, le moment venu, il faudrait penser à faire rentrer dans le droit commun ordinaire les mesures d’exception de cet état d’urgence sanitaire. Ce n’est pas rien au plan social. Mais l’état d’urgence sanitaire comporte de nouveau un ample volet liberticide qui cherche chaque jour à s’étendre par de nouvelles trouvailles comme cette idée du contrôle individualisé par surveillance téléphonique...

Pour un mouvement comme le nôtre, la tâche essentielle est de coller au terrain et à toutes ses capacités d’auto-organisation. Encore une fois nous ne sommes pas un parti ni une avant-garde. Mais des éclaireurs et des déclencheurs. La première tâche consiste à réanimer l’espace politique. Je viens d’y consacrer le début de cet article en disant ce que cette expression signifie. Pour l’essentiel : valoriser les méthodes et les solutions concrètes du collectivisme. C’est-à-dire la planification, les réquisitions et la démocratisation de la réplique populaire à la crise sanitaire dans les entreprises. Il faut donc agir. Stimuler les consciences, proposer de l’action politique dans le registre qui est le nôtre, c’est-à-dire le discours politique sur l’organisation de la société et de la réponse concrète au désastre sanitaire.

Nous nous déployons donc dans plusieurs directions. Je veux parler de la manif en ligne que nous avons organisée samedi 4 avril. Elle a provoqué une riposte des trolls de La République en Marche. Cela a bien stimulé notre propre mobilisation. Avec 100 000 participations, nous estimons avoir construit un succès et apporté la preuve que la méthode avait son efficacité. C’est pourquoi nous pouvons penser que notre proposition de recommencer cette manifestation samedi prochain soit partagée. Oui, dès la semaine prochaine nous voulons réussir une nouvelle manif en ligne. Un bon signal a été donné par des personnalités et l’organisation politique « Génération.s » qui ont partagé l’initiative chacune avec leurs mots. Cette méthode radicalement ouverte est la nôtre. Nous la combinons avec l’idée de la « manifestation au balcon » qui invite chacun à afficher sur son balcon les mots d’ordre ou l’humour qu’il juge nécessaire dans le contexte.

Notre ennemi c’est l’inertie, la résignation, l’absorption aveuglée du discours du pouvoir. En prouvant l’existence d’un ample secteur critique de la société, nous donnons du poids aux propositions alternatives qui viennent du terrain. Nous obligeons le pouvoir à ne pas s’étourdir de ses propres paroles. Je crois que nous avons fait œuvre utile en lançant lundi dernier le thème du déconfinement. En effet c’est une opération extrêmement compliquée à organiser pour la réussir. Il faut mettre en œuvre tous les moyens qui ont manqué au moment de l’entrée dans la crise. C’est donc une occasion pour tout le monde de bien faire, de mieux faire, de faire efficace. De cette manière il se construit une conscience commune de la situation et des tâches à accomplir. C’est 100 % positifs. 100 % propositionnels. 100 % concrets et immédiats.

C’est sur ces fondations que nous construirons la suite.

»» https://melenchon.fr/2020/04/06/agir-en-politique-maintenant/
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Ministre des Affaires Etrangères des Etats-Unis, 1996

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