En janvier 2014, dans un livre intitulé La gauche radicale et ses tabous, j’avançais une explication à l’échec électoral du Front de gauche et à la montée, simultanée, du Front national. Cette explication est double : un problème stratégique, d’une part – celui du lien qui perdure entre le PCF et le Parti socialiste – et un problème programmatique – celui du manque de clarté sur les questions du libre échange, de l’Union européenne et de la souveraineté
Dans la rubrique « aménageons le système pour le préserver », les nouveaux emplois « verts » de la révolution écologique rivalisent avec la régulation supposée de la finance dans les discours des institutions. Les Nations Unies, le G20, le Fond Monétaire International, l’Organisation Mondiale du Commerce, le MEDEF ou son équivalent européen BusinessEurope... tous nous assurent que les énergies renouvelables, le véhicule électrique et le recyclage vont générer des centaines de milliers d’emplois de qualité, et, mieux que tout, non délocalisables. L’idée est séduisante, d’autant qu’elle est soutenue à bout de bras par une grande majorité d’écologistes. Ainsi, le programme d’Europe écologie mentionne les « gisements d’emploi massifs dans les énergies renouvelables, le bâtiment, le transport, l’agriculture, l’entretien, la maintenance, la réparation, le recyclage, le commerce de proximité, la recherche et l’innovation ou la protection des écosystèmes ». D’après ce mouvement, il faut également créer des postes « socialement utiles et non délocalisables [dans] l’économie sociale et solidaire » et réduire le temps de travail. L’objectif annoncé : créer 10 millions d’emplois en Europe en 10 ans et diviser par deux le chômage en France « en quelques années ». Qui ne souhaiterait pas partager cet optimisme ? Malheureusement, un examen rationnel de la situation nous montre tout autre chose.
Fermons les yeux et rêvons un peu. Nous sommes en 2012, au printemps. La Gauche radicale française sort enfin victorieuse des élections présidentielles et législatives. Mais passée l’immense fête populaire que mérite un tel succès et la mise en place d’un gouvernement, il se pose un problème crucial aux nouveaux dirigeants. Si cette Gauche radicale se réfère au droit communautaire qui s’impose aux états membres, elle doit renoncer à mettre en oeuvre son programme social, écologique et solidaire, qui est par nature incompatible avec les traités de l’Union européenne.
Faut-il que la gauche soit au fond du gouffre idéologique pour qu’elle fuie à ce point le débat sur l’identité nationale ! Même si l’initiative du gouvernement est avant tout une grossière manoeuvre médiatique pour détourner l’attention de la crise, elle constitue une excellente opportunité de clarifier des notions clés et de faire véritablement de la politique.
Fermons les yeux et rêvons un peu. Nous sommes en 2012, au printemps. Pour la première fois, la Gauche radicale française est unie derrière un candidat aux élections présidentielles. Unie également pour mener la bataille des législatives. Et elle gagne, dans les deux cas ! Mais passée l’immense fête populaire que mérite un tel succès et la mise en place d’un gouvernement, il se pose un problème crucial à nos nouveaux dirigeants. Si cette Gauche radicale se réfère au droit communautaire qui s’impose aux états membres, elle doit en effet renoncer à mettre en oeuvre son programme social, écologique et solidaire, qui est par nature incompatible avec les traités de l’Union européenne.
Nous le pressentions, mais les débats récents sur la taxe carbone le confirment : nous sommes confrontés à l’émergence dans la sphère politique d’une vision libérale de l’écologie dont nous aurions tort de sous-estimer la capacité de nuisance. Dans les mains de l’actuel gouvernement, la crise environnementale devient une nouvelle source de profits, habilement maquillée sous le terme de « capitalisme vert », et constitue un alibi supplémentaire pour mettre en oeuvre des mesures antisociales. Comme le rappelle Nicolas Sarkozy au congrès de Versailles, pour lui, la seule voie pour sortir de la crise est de « produire plus pour consommer plus » (sic). Dès lors, tous les moyens sont bons : des superbonus pour l’achat de voitures électriques, la relance du nucléaire et des agrocarburants, la promotion d’énergies « décarbonées » détenues par Areva, les autoroutes écologiques de Vinci, le marché du carbone et ses projets de « développement propre »... De vieilles recettes productivistes remises au goût du jour, une couche de finance, et le tour est joué. Rien qui ne vienne perturber le refrain « croissance-production-consommation » ravalant le citoyen au rang de consommateur. Pas la moindre mesure qui permettrait une redistribution des richesses, bien au contraire. Pour ceux qui n’avaient pas encore compris ce qui se tramait lors du Grenelle, les choses s’éclaircissent : grâce à l’alibi écologique, le capitalisme se prépare une deuxième jeunesse.