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500 ans de dialogues de sourds.

J’avais écrit ceci lors du célèbre «  ta gueule », proféré par Sa Majesté le Roi d’Espagne à l’encontre du Président démocratiquement élu Hugo Chavez.
Je me trouvais en chez ma famille, en Espagne, lorsque cet arrivé, et je j’ai appris à la télé en même temps qu’eux. Même si cela fait longtemps que c’est arrivé, j’ai voulu vous en faire part car je trouve que c’est toujours significatif d’une certaine mentalité.

A peine arrivés chez mes oncles, ils nous ont indiqué, à mon mari et à moi, les places que nous devions occuper au salon : sur le canapé, en face de la télé. Ils allument de suite la sacro-sainte télé, qui chez eux occupe la place d’honneur. Avec sa taille majestueuse, elle règne au milieu du salon, et les fauteuils ne sont que des satellites qui lui tournent autour. Toutes les chaises de la table à manger sont également tournées vers elle, comme si elle était le «  bout de table », place qu’occupait jadis symboliquement le chef de famille, le patriarche, qui a maintenant été remplacé par «  la caja boba », «  la boîte à conneries ».

Nous tâchons de nous y intégrer et nous essayons de nous intéresser à ce que dit la télé, afin de pouvoir en converser avec la famille. Peine perdue. Qu’est-ce que j’en ai à faire si Valence F.C. Est nul ou si la robe de la princesse Letizia n’était pas assortie à ses boucles d’oreilles ?

Soudain, la présentatrice abandonne son regard soporifique, adopte un regard étonné et monte le volume sonore. Quelque chose de grave doit-être en train de se passer !

La présentatrice ahurie articule tant bien que mal qu’un grave incident a blessé le coeur de l’Espagne. Je pense immédiatement à un deuxième 11-M, je me demande ce qui a pu se passer. Est-ce que l’un des petits enfants, ou arrières petits enfants de Franco serait mort ? Ou alors, est-ce que l’Espagne n’a pas été sélectionnée pour la coupe du monde ? Suspense.

Et là , ils ont montré un extrait d’un dialogue dans lequel on voit Chavez invoquer le droit de défendre son pays, et Zapatero, le disque rayé, qui répète «  respeto, respecto » (respect, respect), et soudain surgit du néant, comme une marionnette cachée dans une boîte, le roi d’Espagne, qui éructe les mots suivants : «  pourquoi tu ne la fermerais pas ? ». Il se lève et puis s’en va.

Et c’est là que je me dis oups et que je souhaite de toutes mes forces de pouvoir disparaître.
D’abord, parce que je suis aussi Espagnole et que meurs de honte à l’idée que le roi de mon pays, qui nous a été livré comme un kinder surprise en supplément d’une constitution bâclée demande de la fermer à un président démocratiquement élu, comme si ce président n’avait été qu’un enfant, un singe ou... le journal «  el jueves » qu’il a déjà réussi à faire taire. Puis, dès que je me suis rappelé avec qui j’étais, mon envie de disparaître est devenue plus qu’intense !

Carmen (la tante) : Mon Dieu, regarde ce qu’a fait ce mec au Roi !

Moi : Le roi s’est fâché tout seul, Chavez n’a fait que se défendre.

C : Ce dictateur... il faut qu’on fasse quelque chose, on ne peut pas laisser passer ça (illumination patriotique soudaine, pour ma tante)

Moi : Dictateur ? Tu parles du quel ? De Chavez je suppose ?

C : Ben oui, de qui veux-tu que je parle ? Ce mec est un dictateur !

Moi : Pourquoi ? (je me dis que je vais avoir besoin de patience)

C : Parce que je le sais (olééééé) Regarde les manifestations, et les pauvres étudiants, ils sont en train de les assassiner !

Moi : Pauvres qui ? Ils cherchent la confrontation, et que je sache, il n’y a pas eu de morts. Tu sais nous en France...

C : (qui me coupe la parole) mais regarde, ce mec est là depuis bientôt dix ans, et maintenant il veut être élu à vie !

Moi : Aznar n’a pas été au pouvoir ici pendant huit ans ?

C : (elle crie) Mais dans notre pays, nous avons eu des élections ma belle !

Moi : au Vénézuela aussi.

C : C’est faux (j’adore les arguments des réacs) Là bas, ils n’ont pas d’élections (sa sagesse lui vient directement de Dieu, c’est comme pour le roi, pas besoin d’arguments alors)

Moi : Mais si, ils en ont, et de plus, elles se sont déroulées sous la surveillance des Etats-Unis et de l’Union Européenne, tu ne vas pas me dire que ces bonnes gens nous mentent, quand même...

C : Mais tu ne te rends pas compte qu’il veut être élu à vie (c’est vrai, je suis un peu bouchée, je n’avais pas entendu)

Moi : Mais où est-ce que tu as lu que telle était sa volonté ? (el pais, à mon avis...) Il y aura des élections à chaque fois, entre chaque mandat, et le peuple, s’il n’est pas satisfait, pourra demander un referendum (là elle m’a fait une tête bizarre, je suis sûre qu’elle ne sait pas ce que c’est, pas étonnant dans un régime comme l’Espagne, où les gens n’ont pas l’habitude qu’on leur demande ce qu’ils pensent), c’est ce qu’il veut changer dans la constitution pour...

C : Constitution ? Quelle constitution ?

Moi : Celle du Vénézuela, Carmen.

C : Ils n’ont pas de constitution, eux. Ils ne l’ont jamais eu et ne l’auront jamais (comment argumenter face à une telle lucidité ?)

Grand-mère : maintenant tais-toi !!!

Fin de l’histoire.

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