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Pouvoir monétaire et dette publique

En tant que simple citoyen, il y a longtemps déjà que j'ai cherché à comprendre comment la finance avait imposé son emprise sur les Etats eux-mêmes. J'ai découvert, en m'informant auprès des plus éminents économistes, que la réponse loin d'être compliquée est toute simple, comme le décrit Michael Hudson, économiste étasunien, considéré par ses pairs comme l'un des plus grand au monde : " C’est par le système monétaire que les peuples sont asservis. La finance, sans le système monétaire qui lui est entièrement favorable, ne représenterait plus un danger pour l’économie productive. C’est la sur-liquidité qui autorise toutes les dérives de la finance. La haute finance mondialisée ne peut prospérer sans l’existence d’un gigantesque marché planétaire de la dette publique. Le seul moyen de sortir de l’emprise des marchés est d’écarter les marchés du financement de l’État. La plus grande arnaque du XXe s a été la privatisation de la monnaie ». Ayant à cœur d’éclairer un maximum de personnes sur un sujet aussi central, et pourtant largement méconnu, j’ai rédigé, à partir des notions de base que j’ai acquises, une note synthétique d’initiation sur « la création monétaire et son rapport étroit avec la dette », accessible à tous. Je l'ai diffusée autour de moi mais j'avoue sans guère de succès. C'est ce texte que je vous propose

Présentation

L’argent est notre première préoccupation, car nous en avons besoin pour vivre. Mais que savons-nous exactement à son sujet ? Globalement nous connaissons ses fonctions. Nul n’ignore en effet que l’argent donne un prix aux biens et services que nous achetons (unité de compte) ; qu’il permet les transactions (moyen d’échange) ; qu’il peut être thésaurisé (réserve de valeur) ; et qu’il est enfin un moyen d’enrichissement (l’argent rapporte de l’argent). Mais d’abord, l’argent est un moyen de production puisque tout développement économique nécessite au préalable une avance monétaire. Nous avons conscience qu’il est aussi un instrument de pouvoir et de domination dans les relations politiques, économiques et sociales. Paradoxalement, malgré son importance majeure, rares sont ceux qui ont un minimum de lumières sur le processus de création de la monnaie moderne, de ses caractéristiques ainsi que de ses potentialités.

J’ai essayé d’être clair et de m’en tenir à l’essentiel. Je pense en effet que des notions de base suffisent amplement pour comprendre comment fonctionne globalement le système monétaire.

Si j’ai voulu me documenter sur la monnaie, ce n’est pas parce que cela est particulièrement distrayant, comme on peut s’en douter, le sujet étant plutôt austère. J’ai cherché à savoir comment la finance avait réussi à imposer son emprise sur les Etats eux-mêmes. La réponse est toute simple, c’est au moyen de la dette. Un Etat endetté, devient débiteur, il n’est plus souverain, et dépend donc du bon vouloir de ses créanciers qui disposent d’un moyen de domination sur lui. C’est le recours au marché pour financer les déficits publics qui est à l’origine de l’endettement massif des Etats et de la toute puissance de la finance, dont l’arme de prédilection est la dette.

Si la source de l’argent ne provenait que de l’épargne pour financer les déficits publics, l’État serait effectivement obligé de solliciter les détenteurs en excès de monnaie. En ce cas, la dette publique serait légitime et justifiée. Mais ce n’est pas la réalité puisque c’est le crédit qui est à l’origine de toute émission de monnaie initiale. Ainsi, l’État a parfaitement la possibilité, comme il l’a fait dans le passé, de recourir à un financement hors marché, directement auprès de sa Banque centrale, sans intérêt, ni même obligation de rembourser. Alors, la question de la dette publique ne se poserait plus.

L’argent moderne (immatériel) est un outil formidable, un flux magique, si on le met au service des sociétés. Le problème n’est pas l’argent en tant que tel. C’est son fonctionnement actuel qui n’est pas optimal et qui doit donc être amélioré dans l’intérêt de tous.

Note d’initiation

- A – La création de la monnaie ex-nihilo (à partir de rien !)

Avant (pour faire court), la masse monétaire en circulation dépendait des réserves de stock d’or ou autres valeurs physiques. On ne pouvait donc battre plus de monnaie que la quantité détenue dans les coffres. C’est ce qu’on appelait la « loi d’airain de la monnaie ».

Mais, aujourd’hui, la monnaie n’est plus liée à une contrepartie matérielle, le processus de création monétaire se fait ex-nihilo, à partir de rien, ce qui signifie que l’argent créé ne se trouvait pas initialement en dépôt, qu’il n’était pas détenu physiquement avant d’être émis (sauf pour les billets et les pièces).

La monnaie est donc « dématérialisée », « abstraite » (ne pas confondre la monnaie elle-même, et les supports et moyens de paiements dont certains sont aussi dématérialisés), exactement depuis 1971 (1), date à laquelle le dollar (la principale monnaie du commerce international et de réserve) a cessé d’être convertible en or, c’est-à-dire que, depuis, cette devise n’est plus garantie par une valeur physique. C’était la dernière monnaie à être adossée à une valeur matérielle.

Donc, toutes les monnaies sont issues de ce qu’on nomme « la planche à billets » qui permet en théorie une création illimitée de monnaie. Dans la zone euro, il n’existe que deux planches à billets : la BCE (Banque centrale européenne) et les banques commerciales, dites de « second rang », ce qui signifie que ceux qui diabolisent la planche à billets devraient comprendre qu’en toute logique ils devraient recommander la fermeture de toutes les banques !

En résumé, on distingue deux niveaux.

- 1 - Le niveau supérieur relève des prérogatives de la Banque centrale (appelée Institut d’émission), seule à pouvoir créer la monnaie centrale (monnaie de base), considérée comme la « vraie monnaie ».
Elle prend deux formes. La monnaie de base physique qui comprend les billets et les pièces, soit 15 % environ de la masse monétaire. Cette monnaie de base est bien entendu fabriquée à l’avance avant d’être distribuée (vendue contre des titres) aux banques qui, elles-mêmes, au travers de leur réseau, la fournissent aux particuliers, entreprises, institutions publiques.

L’autre forme, c’est la monnaie dite scripturale (2), c’est-à-dire issue d’écritures comptables (3), créée sur demande des banques de second rang, en échange de titres remis par ces dernières. Elle ne circule qu’entre titulaires d’avoirs auprès de la Banque centrale, soit les banques commerciales et le Trésor, et de ce fait ne peut irriguer l’économie réel (4).

Précisons que les banques, pour exercer leurs activités, sont tenues d’avoir des réserves obligatoires (5) en monnaie centrale scripturale en fonction du volume des dépôts gérés et des crédits distribués, doivent respecter des règles prudentielles (6) et se procurer de la monnaie fiduciaire. C’est pourquoi elles ont toutes des comptes et lignes de crédit au sein de la Banque centrale (7). De plus, dans le cadre de la compensation entre les banques commerciales (8), et depuis la crise dite des « subprimes », certains titres considérés comme toxiques ne sont plus acceptés, les banques manquant de garanties fiables sont tenues de régler leur position en monnaie centrale (9).

Toutes ces obligations légales, placées sous la supervision de la Banque centrale, servent en principe (10) à contrôler et à réguler l’activité bancaire.

- 2 - La seconde forme de création ex-nihilo, c’est la monnaie d’usage (secondaire) que nous utilisons tous, elle est issue du crédit et elle est en volume la plus importante (11). Ce sont les banques de dépôt (12) qui ont ce privilège extraordinaire par délégation de la puissance publique (il suffit pour cela d’avoir une licence bancaire ce qui implique de remplir certaines conditions, dont la gestion des dépôts et du système des paiements, la mise à disposition de moyens de paiement, la domiciliation, l’accès à la compensation etc.). Le processus est le même que celui utilisé par la Banque centrale pour la monnaie scripturale (13).

Le banquier, sollicité par un client désireux d’obtenir un crédit, n’a pas à se soucier de savoir si le montant du crédit demandé est couvert intégralement pas les dépôts qu’il détient. Ce qui est important, c’est que la banque soit en conformité avec la réglementation, que le ratio réserve légale/volume d’affaires soit respecté ainsi que les ratios de solvabilité et de liquidité (règles prudentielles). La banque doit également veiller à détenir suffisamment de monnaie physique centrale (billets et pièces, appelée monnaie « fiduciaire ») pour faire face aux fuites (14).

Ainsi donc, le banquier, après avoir vérifié la solvabilité de son client et pris des garanties, va, opération proprement magique, en inscrivant la somme prêtée sur le compte de son client, créer de la monnaie qui l’instant d’avant n’existait pas. Le contrat de prêt et les garanties prises constituent la contrepartie du crédit.

En pratique (sans entrer dans les détails), compte tenu des règles à respecter, une banque peut, avec 1 euro de fonds propre et zéro en dépôt, faire 10 euros de crédit.

Contrairement à une fausse croyance largement répandue, les banques ne prêtent pas les dépôts de leurs clients. Elles ne peuvent en disposer sans autorisation des déposants, tout simplement parce qu’ils ne leur appartiennent pas (15, 16).

Toute la monnaie que nous utilisons prend donc sa source dans le crédit. Il s’agit d’une monnaie-dette qui est temporaire puisqu’elle est détruite au fur et à mesure de son remboursement, contrairement à la monnaie centrale qui, elle, est une monnaie permanente. Nous sommes donc dans un système d’économie monétaire d’endettement qui repose pour fonctionner sur une progression constante du recours au crédit pour rembourser les emprunts antérieurs, sans oublier les intérêts, lesquels sont nécessairement prélevés sur la masse existante, et également pour neutraliser les effets négatifs de l’épargne bancaire qui, quand elle n’est pas investie dans la production, « dort » sur des comptes de dépôt.

Grâce à leur privilège, les banques perçoivent des intérêts à partir de monnaie venant du néant, mais ce processus n’est pas gratuit, il représente un coût réel : prime de risque, frais administratifs, amortissements des infrastructures. Plus les taux sont élevés, plus les banques s’enrichissent. Les opérations les plus rentables et les plus sûres sont évidemment les prêts accordés aux Etats (bons du Trésor, obligations) pour financer les déficits publics. Aujourd’hui, les taux sont au plus bas. La situation actuelle de taux bas ne durera pas éternellement : dès la remontée des taux, la dette des États grimpera à nouveau. Les taux immobiliers se situent également à un niveau historiquement très bas, en dessous de 1,5 %. Les banques ne font donc guère de profit dans cette branche d’activité, elles se rattrapent largement en investissant massivement dans le secteur de la finance grâce aux liquidités déversées par la BCE avec son programme d’assouplissement quantitatif « quantitative easing » (17).

C’est ainsi que le système fonctionne (de façon très schématique bien sûr). La seule contrainte, le garde-fou, c’est que la quantité de monnaie en circulation soit globalement en adéquation avec les richesses produites, biens et services. Son émission doit donc être régulée finement, par la création ou la destruction, pour s’ajuster à la marche de l’économie en fonction des capacités de notre système productif : s’il y a trop de monnaie, il y a inflation, pas assez, c’est la déflation. Seul l’État est en mesure d’opérer cette régulation. Certes, l’inflation monétaire peut influer sur les prix, mais elle n’est pas la seule. Dans le langage courant, le terme inflation est souvent utilisé à tort au lieu de hausse des prix, due à l’évolution des coûts de certains biens et services, matières premières, énergie, et aussi impôts, taxes, et charges diverses (sans oublier les intérêts invisibles répercutés dans les prix (18). En réalité, il n’y a inflation que lorsque la masse monétaire en circulation est trop importante par rapport aux richesses réelles produites. A partir du moment où les besoins existent et que la production peut les satisfaire, non seulement l’augmentation de la masse monétaire ne peut entraîner d’inflation mais elle est indispensable, ne serait-ce que pour faire face à l’accroissement de population. Ce qui compte vraiment ce sont nos ressources en « homme et en matière ».

Aujourd’hui, nous sommes quasi en récession, non pas parce que nous ne sommes pas en capacité de produire plus (les entreprises ne fonctionnent pas à plein régime et le taux de chômage est élevé), mais parce que l’argent fait défaut dans l’économie réelle. Les grands détenteurs de capitaux (banques, fonds de pensions, fonds de placements, assurances, multinationales, grandes fortunes) préfèrent investir dans l’économie « casino », c’est-à-dire la finance spéculative (19), ce qui rapporte beaucoup plus que de prendre des risques dans l’économie réelle.

- B - Financement du déficit public

La question du financement des besoins de l’État est fondamentale. Elle ne reste que trop peu souvent posée sur les plateaux télévisés et dans les colonnes des journaux. Dans un système démocratique, le choix du mode de financement doit répondre nécessairement à l’intérêt commun. En dehors des impôts et taxes, il n’existe que deux autres sources de financement, surtout lorsque la pression fiscale est déjà trop forte :

1- Le recours au marché (bons du Trésor, obligations) qui sollicite donc des créanciers privés.
2- Le financement hors marché par la Banque centrale, soit par des avances remboursables à taux faibles, soit par de la monnaie dite permanente sans intérêt ni échéance de remboursement. Ce type d’alimentation de la trésorerie de l’État a été pratiqué en France jusque dans les années 70, sous le nom du « circuit du Trésor ». Depuis cette époque, c’est la mise en marché de la dette publique qui s’est imposée en France, comme partout ailleurs. Les réformateurs libéraux accusaient les financements administrés et les facilités de trésorerie de laisser « filer » l’inflation en encourageant l’indiscipline monétaire et budgétaire de l’État. L’idée était d’obligée l’État à vivre comme un emprunteur (20).

Le Traité de Maastricht a entériné cet état de fait, en interdisant à la BCE de financer directement les Etats et organismes publics de la zone euro (21).

Résultat, au lieu d’être limitées, les dettes publiques ont explosé, à cause des intérêts qui ont connu une forte inflation dans les années 90 (effet « boule de neige »), mais aussi en raison de la baisse des recettes liée à une forte diminution des impôts des contribuables les plus aisés et des grandes entreprises (22).

Autre conséquence, l’endettement public important a conduit les États à prendre des mesures de réduction des dépenses publiques, à savoir des politiques d’austérité. Loin de résorber le stock de la dette, cette solution a, au contraire, aggravé les déficits du fait d’une récession économique provoquée en grande partie par la baisse des investissements publics, qui représentent une part importante du carnet de commandes des entreprises, et par la baisse de la consommation, résultant d’un pouvoir d’achat moindre des travailleurs. Ce sont ces deux facteurs principaux qui ont amplifié le ralentissement de la croissance.

Le recours à l’emprunt par l’État, qui pouvait se concevoir quand la monnaie était représentative d’une certaine quantité de métal (or ou argent), n’a maintenant plus aucune justification depuis que la monnaie est entièrement dématérialisée. D’autant que d’un point de vue macroéconomique (23), la dette publique, si elle est constituée par de l’investissement de patrimoine et d’infrastructure, donc de long terme, devrait être couverte non par des emprunts, mais par de la création en monnaie centrale permanente qui n’a pas à être remboursée, puisque l’État, propriétaire de sa Banque centrale, se prête à lui-même ; les impôts et taxes servant à couvrir les dépenses de fonctionnement et d’amortissement. Pour cela, l’État doit recouvrer son pouvoir monétaire. Si cela avait été le cas, le stock de la dette publique française serait négligeable, alors qu’à ce jour il représente près de 116, 4 % du PIB soit 2650 M d’euros à fin 2020 (24).

Enfin, il est important de noter, ce qui est rarement précisé, qu’une Banque centrale ne peut faire faillite (un Etat non plus d’ailleurs (25, 26 et 27), contrairement à toutes les autres entités économiques, en raison de son statut de prêteur en dernier ressort. Cela signifie que son passif n’est pas exigible.

- C – Confiscation du pouvoir monétaire par des intérêts privés

La dématérialisation de la monnaie aurait dû conduire à une libération des peuples. C’est au contraire une logique d’asservissement du plus grand nombre par quelques-uns qui s’est mise en place. Pourquoi ce paradoxe ? Parce que le pouvoir monétaire, principal attribut des États, a été abandonné à des banques privées qui, soumises à l’obligation de résultats (exigence de rentabilité), ne sont animées que par leurs intérêts propres de la recherche du profit et donc ne créent de la monnaie par le crédit seulement pour les projets et activités qui leur rapporteront un bénéfice financier, sans se soucier des conséquences, qu’elles soient utiles ou nuisibles à la société.

Par des lois et traités, le système bancaire privé a conquis le pouvoir de création des moyens de paiement en totale indépendance du pouvoir politique. S’il a acquis la légalité, il ne saura jamais prétendre à une légitimité quelconque. La souveraineté en matière monétaire ne se partage pas.
Comment en est-on arrivé là ? Les théoriciens de l’école classique et néoclassique ont développé une réflexion monétaire connue sous le nom de « théorie quantitative de la monnaie ». Ils ont réussi à convaincre les décideurs politiques que la monnaie est externe aux échanges de biens et services, que les phénomènes monétaires ne sont qu’accessoires, que l’échange préexiste à la monnaie (28), et que la quantité de monnaie n’a pas d’influence sur le fonctionnement de l’économie, au moins sur le long terme, la monnaie est « neutre », elle n’est qu’un « voile ».

Cependant, ils ont souligné (ce qui est presque toujours omis) qu’une augmentation de la masse monétaire n’est inflationniste que lorsqu’elle ne permet pas une création de valeur économique correspondante. Ce qui est souvent le cas dans un contexte de pénurie, quand les ressources en homme et en matière sont insuffisantes, mais ce qui n’est plus vrai aujourd’hui dans nos pays industrialisés dans lesquels l’appareil de production est capable de répondre rapidement à la demande courante des agents économiques.

Fondée sur des situations de pénurie, la théorie monétariste a été généralisée aveuglément à toutes les circonstances de la vie économique. C’est cette croyance générale, encore dominante aujourd’hui, qui a entraîné une refondation des structures monétaires à partir des années 1980 dont les principaux facteurs sont :

1- L’indépendance des banques centrales ; 2- La lutte prioritaire contre l’inflation ; 3- La délégation du pouvoir monétaire confiée au système bancaire privé.

Parallèlement, cette reconfiguration monétaire s’est accompagnée d’un mouvement de dérégulation des activités bancaires et financières, dont les principales caractéristiques sont la fin de la séparation des activités de dépôts et d’affaires des banques et la libre circulation des capitaux (29). C’est ainsi que la sphère financière a pris son essor au détriment des Etats, affaiblis par une dette publique toujours plus importante (30). La dette était le seul moyen de faire entrer les économies des nations dans l’ère de la finance globalisée (31).

Ainsi, si les Etats (zone euro) veulent desserrer l’emprise de la finance et recouvrer leur souveraineté, il est impératif qu’ils reprennent en main leur pouvoir monétaire (32), et dans le même temps, qu’ils se donnent les moyens, à l’instar de la Chine – d’une main de fer, certes – (33, 34), de mieux contrôler les activités du secteur financier pour les mettre au service de leurs objectifs économiques. Il va de soi que reprendre le pouvoir monétaire ne résoudrait pas pour autant tous nos problèmes, mais sans un tel levier, qui constitue l’un des piliers régaliens de l’État (battre monnaie) il est impossible de faire prévaloir le bien commun sur les intérêts privés.

Thomas Erpé


(1) - Pourquoi le dollar était-il la seule monnaie convertible en or ? Parce qu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Etat-Unis détenaient 3/4 de la réserve mondiale d’or, raison pour laquelle les accords de Bretton Woods en 1944 ont décidé d’organiser le système monétaire mondial autour du dollar, mais avec un rattachement nominal à l’or. Au fil du temps, la banque centrale des EU (la FED) a abusé de ce pouvoir extraordinaire en émettant plus de dollars qu’elle n’avait d’or en stock, notamment pour financer la guerre du Vietnam. Beaucoup de pays se sont inquiétés de cette situation et ont commencé à réclamer la conversion de leurs dollars en or. Pour éviter cela, le Président Richard Nixon a mis un terme à cette faculté le 15 août 1971.

(2) - Bref historique de la monnaie scripturale : son origine est dans la lettre de change inventée au Moyen Age pour éviter le transport périlleux des espèces. Les orfèvres faisaient office de dépositaires pour l’or et l’argent, et les reçus qu’ils émettaient pour de tels dépôts commencèrent bientôt à circuler, endossant ainsi le rôle de premiers billets de banque, surtout lorsqu’ils eurent l’idée de les rédiger au « porteur » au lieu de les lier à un dépôt spécifique. Le caractère pratique de ces billets de banque, plus faciles à porter que des sacs d’or et d’argent, les rendit rapidement populaires, et il ne fallut pas longtemps aux orfèvres pour réaliser que les dépôts étaient rarement réclamés en grandes quantités. Il s’ensuivit qu’un orfèvre pouvait prêter temporairement ses dépôts de métaux précieux et toucher des intérêts sur ces prêts. Jusque-là tout va bien, c’est une pratique légitime des banques. Mais les orfèvres décidèrent d’aller un peu plus loin, en émettant des reçus supplémentaires d’or, même si ces reçus n’étaient en réalité pas garantis par un dépôt. C’est ce que l’on appela plus tard « la réserve bancaire fractionnée », pratique consistant à prêter bien plus d’« argent » que ce que l’on possède réellement sous forme de dépôts. Ceci est clairement de l’escroquerie. Néanmoins, elle est parfaitement légale aujourd’hui, mais elle demeure essentiellement la même escroquerie que celle qu’elle a toujours été, à la différence principale qu’elle est aujourd’hui plus sophistiquée et officiellement approuvée.

(3) – La monnaie scripturale est créée, transférée et détruite par voie d’écritures comptables, et c’est ce qui lui confère son caractère abstrait. Elle ne sort pas du champ bancaire et, pour se transmettre, nécessite un support : chèque, virement, lettre de change, carte bancaire.

(4) - Il existe deux compartiments étanches : La monnaie centrale scripturale s’échange entre les seuls titulaires de comptes ouverts à la Banque centrale, tandis que la monnaie secondaire s’échange entre les seuls titulaires de comptes ouverts dans les banques de dépôts (les agents non bancaire). Le Trésor sert de passerelle ou de sas entre les deux monnaies, centrale et secondaire, par les échanges qu’il pratique avec les autres agents non bancaires puisqu’il est le seul agent non bancaire à disposer d’un compte ouvert à la banque centrale. Pour être exact, ce sont les banques de dépôt qui servent de passage obligé de l’une vers l’autre monnaie dans un sens comme dans l’autre. Les deux monnaies s’échangent à parité l’une contre l’autre mais ne se substituent pas l’une de l’autre. Le processus est assez complexe, il ne peut être explicité qu’en suivant les schémas comptables (Jean Bayard, « macroéconomie »).

(5) - Réserve obligatoire ou réserve légale : les banques de la zone euro sont tenues de conserver un certain montant de réserves sur leur compte courant auprès de leur banque centrale nationale. Jusqu’en janvier 2012, les banques devaient détenir au moins 2 % de certains engagements, essentiellement des dépôts de la clientèle. Depuis lors, ce ratio a été ramené à 1 %.

(6) – Règles prudentielles : ensemble des règles régissant la bonne conduite des banques afin d’éviter les faillites en cascade. Un manque de fonds propres par rapport aux crédits accordés peut conduire la banque à un manque de liquidités et à un risque trop élevé en cas de crédits non remboursés. Les accords du Comité de Bâle imposent un seuil minimum de 8 % de fonds propres par rapport aux engagements de la banque (ratio de solvabilité dit de « Cooke »).

(7) – Les banques disposent de monnaie centrale assez facilement à partir de trois sources : a) cession de devises à l’Institut d’émission ; b) cession ou/et mise en pension de titres reconnus admissibles (bien notés) ; c) politique non conventionnelle de la Banque centrale alimentant les banques en liquidité de façon massive. Même les titres toxiques ou douteux sont acceptés.

(8) - Compensation interbancaire : La compensation bancaire est une technique mise en œuvre par les banques afin de compenser les créances et dettes qu’elles détiennent les unes envers les autres. Elle permet aux banques de connaitre en détail (et en valeur) les ordres passés par leurs clients et de régulariser les transactions correspondantes. Toutes ces opérations sont centralisées par un seul interlocuteur, la chambre de compensation interbancaire.

(9) – Uniquement pour les transactions de gros, dans la zone euro (Target 2), concerne le marché interbancaire. En France, les transactions de détail ou de masse (CORE), dont les positions nettes débitrices et créditrices portées à la Banque de France, sont réglées de gré à gré entre banques sans garantie.

(10) – En fait, les banques ont réussi à échapper au contrôle de la Banque centrale quand elles émettent de la monnaie, et aussi profitant des lacunes de la réglementation, quand elles utilisent le système de la compensation à leurs fins propres (transactions pour propre compte). Ainsi, ni les taux directeurs, ni les réserves obligatoires, ou la supervision des transactions ne permettent au pouvoir monétaire de contrôler l’émission monétaire par les banques, qui sont seulement limitées par la demande solvable et le ratio de solvabilité. (Jean Bayard)

(11) - Le crédit consenti est la principale source de création monétaire, mais il en existe deux autres : l’achat de devises étrangères et l’activité propre des banques, si la somme de leurs actifs propres est supérieure à celle de leurs passifs propres. La caractéristique de cette troisième source de création et de destruction monétaires, est que la banque monétise ses dépenses (pertes) et démonétise ses recettes (profits). Ainsi, par exemple, elle crée de la monnaie quand elle verse les salaires de son personnel en créditant leurs comptes et elle détruit de la monnaie lorsqu’elle débite les comptes de ses clients des intérêts, agios et autres frais qui lui sont dus. Si les deux premières sources de création sont bien connues des spécialistes, il n’en va pas de même de la troisième source sur laquelle il règne le silence d’un cimetière ! En principe, une banque ne peut jamais être en rupture de paiement puisqu’elle crée la monnaie (les besoins en monnaie centrale répondent à d’autres nécessités). Il faut attendre que le ratio de solvabilité soit détérioré pour qu’une banque soit déclarée en difficulté. (Jean Bayard, « macroéconomie »)

(12) – Il faut distinguer les banques de dépôt qui créent la monnaie et les sociétés et institutions financières qui se bornent à la faire circuler, après l’avoir collectée. Les autorités monétaires entretiennent pourtant la confusion en regroupant ces deux fonctions sous le même vocable « d’établissement de crédit » (Loi du 24 juillet 1984).

(13) - Le pouvoir de création de monnaie scripturale s’exerce par le fait que les banques de dépôt, à l’instar de la Super-banque, ont la faculté de « tirer » sur elles-mêmes, fait capital dont on ne semble pas ou ne veut pas mesurer toute la portée. En termes techniques, « tirer » sur soi veut dire pour une banque qu’elle n’a aucun besoin d’un compte approvisionné, comme tout un chacun, pour s’acquitter de ses dettes. (Jean Bayard)

(14) - Les « fuites » monétaires : en permanence, la banque doit s’assurer qu’elle possède suffisamment de billets pour faire face aux éventuelles demandes de ses clients. Ces demandes sont appelées « fuites ». La couverture n’est que partielle, car en général les clients ne demandent la conversion en espèces que d’une faible partie de leurs avoirs (couverture dite fractionnaire). La banque ne peut obtenir les billets et pièces dont elle a besoin qu’auprès de la Banque centrale.

(15) - La monnaie scripturale est une monnaie d’écritures comptables et sa traçabilité est garantie par le fait même. Chaque transaction est enregistrée, comptabilisée. Si la banque prêtait les dépôts de ses clients, ils disparaîtraient. On cherchera en vain l’écriture comptable qui constaterait le transfert, il n’y en a pas. On ne peut pas par un acte de foi prétendre que cette monnaie est utilisée par les banques. (Jean Bayard)

(16) - a) En 1971, la Banque de France a édité un opuscule dénommé « La Monnaie et la Politique monétaire » dans lequel elle précisait : « Les particuliers – même paraît-il certains banquiers – ont du mal à comprendre que les banques aient le pouvoir de créer de la monnaie ! Pour eux, une banque est un endroit où ils déposent de l’argent en compte et c’est ce dépôt qui permettrait à la banque de consentir un crédit à un autre client. Les dépôts permettraient les crédits ». Dans une note plus récente (« Comment la monnaie est créée »), la Banque de France a confirmé sa position. Dans son bulletin de mars 2014, intitulé « Money Creation in the Moderne Economy » la Banque d’Angleterre explique comment les banques ne prêtent pas les dépôts qu’elles reçoivent, mais au contraire, créent des dépôts par l’acte de crédit. Tout l’inverse de la séquence généralement décrite dans les manuels scolaires.

(17) - Quantitative-Easing : Le terme assouplissement quantitatif - traduction de l’anglais - désigne un type de politique monétaire dite « non conventionnelle » consistant pour une banque centrale à racheter massivement des titres de dettes aux acteurs financiers, notamment des bons du trésor ou des obligations d’entreprises, et dans certaines circonstances des titres adossés à des actifs comme des titres hypothécaires. Cette politique a été mise en œuvre par la BCE à partir de 2015.

(18) - Ne croyons pas que seuls ceux qui empruntent payent des intérêts, nous en payons tous car les intérêts des emprunts nécessaires à toute activité de production sont répercutés dans les prix des biens et services que nous achetons. (Margrit Kennedy : Libérer l’argent de l’inflation et des taux d’intérêts)

(19) - Les fonctions des marchés financiers : a) - Assurer une adéquation optimale entre besoins et capacité de financement, mais aussi b) - fournir aux agents économiques de l’information et des instruments de protection contre les risques liés à leurs opérations. Les deux grandes catégories d’activités financières sont celles (a) qui consistent à prêter de l’argent ou (b) à spéculer (anticipation, opération financière ou commerciale fondée sur les fluctuations du marché).

(20) – Il faut que le financement de la trésorerie « coûte » quelque chose (sacrifice expiatoire), que le prix soit imposé par le marché, soit juste, nécessaire au bon comportement monétaire, budgétaire et financier de l’État. L’État doit se plier aux exigences du marché, seule voie autorisée conformément au courant économique néolibéral. Le système de financement administré était assimilé par les nouvelles générations de hauts fonctionnaires à un « vestige de droit féodal », un dispositif de « vassalisation des banques » par la posture de « seigneur » du Trésor. Les banques sont au-dessus des Etats, elles seraient mieux à même de défendre l’intérêt collectif ! (Benjamin Lemoine, L’ordre de la dette, enquête sur les infortunes de l’Etat et la prospérité du marché, La Découverte).

(21) – En constituant la zone euro, les Etats membres ont renoncé à leur souveraineté monétaire et ont réduit la souveraineté budgétaire à une peau de chagrin en imposant des normes strictes en matière de déficit et de dette publics. En bloquant l’accès souverain aux instruments monétaires et budgétaires de la politique macroéconomique, les Etats se sont eux-mêmes contraints à ne soutenir leur économie que par la compétitivité sur un vaste marché de libre-échange, c’est-à-dire par des politiques néolibérales « de l’offre ». (Jacques Généreux, Quand la connerie économique prend le pouvoir, Le Seuil).

(22) – L’impôt sur les sociétés de 33,3 % en 2017 est passé à 25 % en 2022. La réduction de la fiscalité des ménages les plus riches était censée stimuler l’investissement privé, ce qui ne s’est pas vérifié dans les faits. Les concessions fiscales accordées aux riches ont créé d’un seul coup un surcroît de dette publique et de rente privée dans le même mouvement. Elles ont mis en place un flux de redistribution à l’envers. Les riches bénéficient d’une double récompense : le cadeau fiscal d’un côté, le paiement d’intérêt de l’autre. Le premier leur permet de dégager l’épargne qui financera la dette. Laquelle a été créée par le cadeau fiscal lui-même (Frédéric Lemaire : « Cette dette dont les créanciers raffolent », Le Monde diplomatique, septembre 2021).

(23) - Sur 20 ans (1996 à 2015) l’endettement public au sens de Maastricht est passé de 683,6 M d’euros à 2097,4 M d’euros, soit une augmentation de 1413,8 M d’euros. Dans le même temps, l’investissement de patrimoine ou Formation Brute de Capital Fixe (FBCF) des administrations publiques (Etat et collectivités) s’est élevé à un total de 1388,8 M d’euros. Ainsi la dette publique a servi à financer sur 20 ans un déficit qui correspond presque entièrement à l’investissement public (97%).

(24) – Les déficits publics ont surtout explosé lors de la crise dite « subprime » en 2008-2009, et plus récemment depuis la crise sanitaire toujours en cours qui a obligé l’État à des dépenses massives (tests, vaccination, soutiens à l’économie).

(25) - Il est indispensable de bien assimiler que les principes comptables de base ne s’appliquent pas à une Banque centrale qui n’est en rien comparable aux autres banques normales. Elle n’est donc pas tenue de valoriser ses actifs en valeur de marché. Cela signifie qu’il n’y a pas obligation pour une Banque centrale à se recapitaliser comme une autre banque lorsque ses fonds propres baissent en raison des moins-values latentes ou réalisées sur certains actifs détenus. Rien n’empêche économiquement et réglementairement une Banque centrale de survivre sans aucun fonds propres et avec seulement des dettes. Cela en raison de son statut de prêteur en dernier ressort. (Jean-Claude Werrebourck - la crise des années 2010).

(26) – La banque centrale n’a, en réalité, pas besoin de capital puisqu’elle est seule émettrice de la monnaie ayant cours légal. N’y a-t-il alors aucune limite à cette extension du bilan d’une banque centrale ? La réponse est différente selon que le Trésor public est débiteur de la banque centrale de son pays ou non. Dans le cas de l’Union économique et monétaire, la Banque centrale européenne n’est pas la banque centrale d’un pays ; de ce fait les Trésors publics nationaux peuvent très bien être débiteurs vis-à-vis d’une banque centrale extérieure. C’est bien là la tenaille dans laquelle la construction européenne a enfermé les Etats qui se trouvent acculés à aller chercher des financements sur des marchés financiers. (Jean-Marie Harribey : Le trou noir du capitalisme, le Bord de l’eau).

(27) - Une entreprise en faillite peut être mise en liquidation, c’est-à-dire disparaître. Un Etat ne disparaît pas, même s’il peut connaître des difficultés financières.

(28) - En réalité, c’est tout l’inverse. La production de marchandises ne crée pas la monnaie : toute accumulation, tout développement économique, qu’il soit capitaliste, socialiste ou écologiste ne change rien, nécessite un investissement macroéconomique net et donc une création de monnaie (une avance). Or, la monnaie – mais pas la valeur – est nécessairement créée par les institutions de nature bancaire (peu importe ici pour le raisonnement qu’elles soient privées ou publiques, ou qu’elles exigent un taux d’intérêt ou pas). Cette création intervient pour lancer un processus productif, elle ne résulte donc pas de celui-ci. La monnaie n’est ainsi pas créée « par la médiation de la marchandise » mais pour pouvoir réaliser monétairement la valeur de la marchandise. C’est donc une erreur factuelle que de dire : « la monnaie n’est créée qu’à l’occasion du prix attribué aux marchandises des entreprises capitalistes ». Erreur qui en entraîne une autre implicite : celle de ne pas voir que l’anticipation des besoins sociaux croissants nécessiterait une création de monnaie pour les satisfaire. Les concepteurs et rédacteurs des traités européens interdisant le financement monétaire des investissements publics par la banque centrale, eux, l’ont bien compris ! « (Jean-Marie Harribey, à propos du livre de Bernard Friot Le travail, enjeu des retraites sur le site d’Attac).

(29) - La déréglementation financière a provoqué un brouillard d’informations contradictoires (les prix de marchés financiers) qui sèment une énorme confusion sur les tendances économiques lourdes, et paralysent aussi bien les investissements de long terme que la décision politique. En ce sens-là, l’expérience de la déréglementation nous a plongé dans un monde “complexe”, au sens de confus. Mais ce n’est nullement irréversible, et c’est une raison supplémentaire pour ne pas faire dépendre notre prospérité des marchés financiers. (Gaël Giraud)

(30) – Dans son livre Capital Rules : The construction of Global Finance, Rawi Abdelal montre que ce sont bien, en matière financière, des décisions politiques qui ont permis de libérer les mouvements de capitaux. Ces événements majeurs de notre époque ne sont pas le fruit d’un mouvement naturel s’imposant avec la puissance de l’évidence. Ils résultent de choix politiques conscients. Sans des gouvernements, sans des autorités publiques détentrices du droit de promulguer des lois, la finance n’aurait pas pu se libéraliser. Par ailleurs, Rawi Abdelal défend la thèse que les socialistes français ont joué un rôle pionnier et directeur dans la « libéralisation » de l’économie à l’échelle mondiale.

(31) – Idéale éponge à devises permettant que le vase de l’épargne ne déborde pas, la dette publique a joué un rôle déterminant dans l’extension des marchés financiers à partir des années 1980. A partir des années 2000, la dette publique a également constitué l’adjuvant indispensable à l’essor des marchés financiers. Elle facilite, au cours de cette période, la généralisation d’un modèle bancaire « de marché » distinct de son ancêtre, fondé sur le crédit. (Frédéric Lemaire « Cette dette dont les créanciers raffolent », Le Monde diplomatique, septembre 2020)

(32) - Toutes les dérives de la finance ont pour origine la création ex-nihilo des moyens de paiement privés qui accaparent la planète. La privatisation du pouvoir monétaire, bien que résultant de la volonté des Etats porte en elle-même dans un effet de rétroaction, la destruction de la souveraineté de ces mêmes Etats, et par voie de conséquence, du bien-être des populations.

(33) – Une finance aux ordres : comment le pouvoir chinois met le secteur financier au service de ses ambitions, (Nathan Sperber, Institut Rousseau).

(34) - « La chine contrôle véritablement la finance comme un service public. La création monétaire et le crédit sont gérés par la Banque populaire de Chine, qui crée du crédit à des fins d’investissement direct en capital tangible pour accroître la production et financer des investissements qui amélioreront le niveau de vie, et non pour générer des profits financiers”. (Michael Hudson)

Mise à jour mai 2022

Note : Ce texte d’initiation, portant sur la création monétaire et son rapport étroit avec la dette publique, a été « construit » à partir des écrits des auteurs ci-après (liste non exhaustive) :
- Jean-Bayard, Macro(n)économique, politiquement incorrect, La Monnaie source de vie économique, Edilivre-Aparis.
- Benjamin Lemoine : L’ordre de la dette, enquête sur les infortune de l’État et la prospérité du marché, La Découverte.
- Jean-Claude Werrebrouck, blog « La crise des années 2010 ».
- André-Jacques Holbecq et Philippe Derruder : La dette publique, une affaire rentable. A qui profite le système ?. Yves Michel.
- François Chesnay. Les dette illégitimes. Quand les banques font main basse sur les politiques publiques. Liber.
- Attac « Le Piège de la dette publique ». (nombreux articles portant sur le sujet)
- Nicolas Dufrêne et Alain Grandjean. La monnaie écologique. Odile Jacob, et le blog d’Alain Grandjean « Chroniques de l’anthropocène ».
- Les Economistes atterrés « La monnaie, un enjeu politique ».
- Philippe Derruder. Une monnaie au service du bien commun. Le Soufle d’or.
- CADTM « Comité pour l’annulation des dettes illégitimes » (nombreux billets portant sur le sujet).
- Gaël Giraud. L’illusion financière, Les Editions de l’Atelier, et nombreux articles sur la monnaie, les banques et la dette publique.
- Michel Aglietta et André Orléan. La violence de la monnaie  1982, La monnaie souveraine 1998, « La monnaie entre violence et confiance » 2002. PUF.
- Etienne Chouard, blog « Le Plan c ».
- Jean Gadrey, blog « Debout ! ».
- Margrit Kennedy. Libérer l’argent de l’inflation et des taux d’intérêts. Editions Vivez Soleil. 
- Bertrand Séné « Ecosophia : roman d’anticipation économique ».
- André-Jacques Holbecq. Argent, dettes et banques, comment sortir de la crise ?. Editions Yves Michel.
- Jacques Généreux. Quand la connerie économique prend le pouvoir. Le Seuil.
- Michel Crinetz, blog « L’économie, c’est d’abord de la politique ».
- Jean-Marie Harribey. Le trou noir du capitalisme. Le Bord de l’eau, et son blog « L’économie par terre ou sur terre ? ».
- Michael Hudson. Dette, rente et prédation néolibérale. Le Bord de l’eau, mars 2021, Super Imperialism. The Economic Strategy of American Empire (Super impérialisme. La stratégie économique de l’empire américain) septembre 2021 3ème édition, Killing the Host : How Financial Parasites and Debt Bondage Destroy the Global Economy “(Tuer l’hôte : comment les parasites financiers et l’esclavage de la dette détruisent l’économie mondiale) 2015, et The Destiny of Civilization : Finance Capitalism, Industrial Capitalism or Socialism (Le destin de la civilisation : capitalisme financier, capitalisme industriel ou socialisme) mai 2022.
- Stephanie Kelton. Le mythe du déficit. Les Liens Qui Libèrent.
- Marjorie Kelly. Wealth Supremacy : How the Extractive Economy and the Biased Rules of Capitalism Drive Today’s Crises . Berrett-Koehler (Suprématie de la richesse : comment l’économie extractive et les règles biaisées du capitalisme alimentent les crises actuelles)

COMMENTAIRES  

30/09/2025 13:51 par Vincent

Certaines piqûres de rappel sont moins nocives que d’autres ; merci pour celle-ci.
Plusieurs remarques :
(mes excuses au modérateur, je suis un peu long malgré un gros effort de concision)

- La grande arnaque du 20ème Siècle c’est la privatisation de la monnaie :
Oui, et pour ce qui nous concerne, faut-il encore redire que ça date de 1973 lorsque VGE alors ministre des finances de Pompidou promulguait la loi dite "Rothschild" obligeant dès lors la Banque de France à acheter des devises aux banques privées contre des intérêts, plutôt que de simplement en émettre.
La courbe exponentielle de la dette illégitime et irrécouvrable s’infléchit à partir de là :
En effet, les intérêts s’accumulant, ils deviennent supérieurs à la masse monétaire réellement mise en circulation. On nous demande donc en quelque sorte - et schématiquement - de rembourser un truc fictif qui aurait le volume d’une montgolfière avec un truc sonnant et trébuchant qui aurait le volume d’un ballon de football : c’est forcément compliqué !
D’où le fait qu’on puisse carrément comparer l’émission de monnaie par les banques privées à une pyramide de Ponzi. Une arnaque, un crime même, auquel il suffirait de mettre un stop si nous avions encore la moindre souveraineté, chose dont l’UE - qui est l’outil administratif des criminels cupides ploutocrates si utile à nous soumettre à des pseudo-lois iniques - s’est bien assurée que nous n’en ayons plus. Je dis ça, hein...
Bref.

- 1971 et fin de la convertibilité du Dollar en or :
"depuis, cette devise n’est plus garantie par une valeur physique" :
Je pense que ce propos est à nuancer ou à corriger, puisque c’est le pétrole (d’où le Pétrodollar) qui était encore jusque très récemment la valeur physique qui assurait au Dollar d’être adossé à quelque-chose de tangible.
C’est d’ailleurs un point absolument crucial de la géopolitique actuelle et des enjeux autour du bloc BRICS+ dont la puissance ne cesse de croître, et qui n’a de cesse de dé-dollariser les échanges de biens (et notamment d’énergies) entre ces nations qui - à juste titre - se revendiquent souveraines et intéressées par le respect de la Charte de l’ONU, pour ce qu’elle vaut encore.

L’accord dit "pétrodollar" a expiré en juin 2024 et n’a pas été renouvelé par l’Arabie Saoudite (AS).
Souvenons-nous par exemple que lorsque Saddam Hussein avait voulu libeller le pétrole irakien en Euros plutôt qu’en Dollars, il s’est immédiatement fait assassiner, avec toutes les conséquences que l’on sait pour la région. Idem pour Kadhafi d’ailleurs, à peu de choses près et outre les tonnes d’or de l’énorme réserve libyenne, disparues.

L’AS libelle désormais son pétrole à son plus gros client en volume - la Chine - en Yuans, échangeables en or.
C’est à mes yeux une clé de compréhension absolument fondamentale du mouvement qui a cours.
MBS, très certainement pour se mettre à l’abri des remontrances inévitables de l’oncle Sam, vient d’ailleurs d’officialiser la protection nucléaire que lui offre le Pakistan. Mais il n’a pas été assassiné ni renversé.
L’image envoyée au monde par la célèbre photo officielle de MBS recevant Blinken dans une salle où manquait ostensiblement le pavoisement du drapeau étasunien est suffisamment éloquente, il me semble, quant à la nature réelle et nouvelle des relations entre ces nations.

Par ailleurs, l’AS et la Chine qui en étaient de très gros détenteurs, se séparent de leurs bons du Trésor US dans des proportions vraiment massives. Seul un laquais aussi gravement inconséquent que Macron continue d’en acheter. C’est un autre signe important de la minimisation de l’importance du Dollar dans les échanges mondiaux et qui, j’en ai l’intime conviction, conduira inévitablement au prochain conflit mondial dont on assiste actuellement à la mise en place.
Des indices aussi importants que le port de Rotterdam préférant désormais réserver un quai et ses grues aux déchargements militaires de l’OTAN plutôt qu’au commerce, ou encore le malaxage quotidien des esprits éteints de la masse consentante, avec le danger soi-disant toujours plus prééminent des drones et avions russes qui violeraient partout nos espaces aériens, sont sans équivoque. On instille méticuleusement l’idée que la guerre devient inévitable, et les budgets qu’on y consacre sont sans précédent. C’est la solution qui a déjà été choisie, et qui sera très vraisemblablement (encore) mise en œuvre.

- La dérégulation des activités bancaires et financières dont les principales caractéristiques sont la fin de la séparation des activités de dépôt et d’affaires des banques :
C’est le bon démocrate Bill Clinton qui a mis fin en 1996 au "Glass-Steagall Act" qui obligeait à cette séparation des activités bancaires, mise en place par Roosevelt en 1933 pour prémunir l’économie d’un nouveau Krach du type de celui de 1929.

Notons donc que c’est la fin de cette séparation des activités qui a conduit les banques à s’échanger toujours plus de produits toxiques (de type "subprimes") en guise de collatéral, et qui conduisit donc, mécaniquement, à la crise de 2008.
Cette même crise qui conduisit l’ex Directeur Europe de la banque étasunienne Goldman-Sachs Mario Draghi, alors Directeur de la BCE (!), à "inventer" les Quantitative Easings (QE), qui allèrent jusqu’à voir les banques centrales recourir à des taux négatifs sur la dette dite « souveraine » de certains pays !
Une supercherie dont on est toujours pas sortis des conséquences. Mais puisqu’on vous dit que tout est la faute du Covid, hein.
Ce sont donc les gens (les citoyens libres et éclairés de nos belles "démocraties libérales") qui ont remboursé en argent physique et par une austérité sévère toujours dûment appliquée, les pertes immatérielles des banques au casino de la cupidité.
Il avaient appelé ça "bail-out", et depuis ils ont produit des lois prévoyant que la prochaine fois ce sera "bail-in", c’est à dire que les pertes des banques seront directement couvertes par l’épargne des déposants. (CF : Directive BRRD, promulguée par Hollande - en 2014 je crois - dans le droit français. Bien entendu, on vous jure, promis, que votre épargne est assurée par un soi-disant "mécanisme de protection" jusqu’à 100 000€, mécanisme qui a tout de l’arlésienne, mais tant que la masse le croit tout baigne...).

Pour ce qui est de la "réserve bancaire fractionnée" mise en œuvre par des orfèvres du temps où l’Empire avait son siège à Venise (jusqu’à ce que ceux qui y faisaient commerce d’usure n’en soient chassés...) , ça me rappelle fortement le célèbre film d’animation "l’Argent-dette" de Paul Grignon, dont il existe plusieurs versions (courte et longue, et un même second volet dont le sous-titre est carrément "La mafia Rothschild"). Une œuvre éminemment - et comme il se doit - qualifiée d’"antisémite" et/ou "d’extrême-droite", que je ne saurais que fortement recommander à quiconque souhaitera prendre le temps de creuser un peu ce sujet crucial de la création monétaire, et du mécanisme de l’argent-dette qui fait de nous tous littéralement les esclaves des plus cupides parmi les cupides.

30/09/2025 18:05 par RV

L’introduction de ce texte est assez problématique.

L’argent est notre première préoccupation, car nous en avons besoin pour vivre. Mais que savons-nous exactement à son sujet ? Globalement nous connaissons ses fonctions. Nul n’ignore en effet que l’argent donne un prix aux biens et services que nous achetons (unité de compte) ; qu’il permet les transactions (moyen d’échange) ; qu’il peut être thésaurisé (réserve de valeur) ; et qu’il est enfin un moyen d’enrichissement (l’argent rapporte de l’argent). Mais d’abord, l’argent est un moyen de production puisque tout développement économique nécessite au préalable une avance monétaire. Nous avons conscience qu’il est aussi un instrument de pouvoir et de domination dans les relations politiques, économiques et sociales.

À la lumière des analyses développées par Paul Jorion dans "L’argent, mode d’emploi", le texte proposé, bien que reflétant des idées communément admises, contient plusieurs approximations et contre-vérités fondamentales sur la nature de l’argent.

1. Affirmation : « L’argent donne un prix aux biens et services... (unité de compte) »
C’est une vision "fétichiste" de la monnaie.
Paul Jorion insiste sur le fait que le prix n’est pas une propriété intrinsèque que "donne" l’argent. Au contraire, le prix est le résultat d’un rapport de forces social qui se traduit dans le langage commun qu’est la monnaie. L’argent est le langage dans lequel le prix est exprimé, pas la force qui le détermine. La valeur (et donc le prix) émerge de la confrontation entre l’offre et la demande, elle-même structurée par des rapports de pouvoir et des conventions sociales.

2. Affirmation : « [L’argent] peut être thésaurisé (réserve de valeur) »
C’est l’une des plus grandes illusions liées à l’argent. L’argent n’est pas une "réserve de valeur" fiable. Sa valeur est intrinsèquement instable car elle dépend de la confiance dans le système social et économique qui le soutient. En période d’hyperinflation ou de crise de confiance, cette "réserve" s’évapore. Thésauriser de l’argent, c’est faire le pari que le système qui lui confère son pouvoir d’achat restera stable. C’est un pari risqué, pas une propriété naturelle de la monnaie.

3. Affirmation : « [L’argent] est enfin un moyen d’enrichissement (l’argent rapporte de l’argent) »
Cette affirmation confond l’argent (le signe monétaire) avec le capital.
C’est un glissement sémantique fondamental que Jorion dénonce. L’argent en tant que tel, sous forme de billets dans un coffre, ne rapporte rien. Pour qu’il "rapporte", il faut le transformer en capital, c’est-à-dire l’investir dans un processus de production (machines, main-d’œuvre, etc.) qui générera un profit. L’idée que "l’argent travaille" est un abus de langage qui masque les rapports sociaux de production et d’exploitation qui génèrent réellement le profit.

4. Affirmation : « Mais d’abord, l’argent est un moyen de production puisque tout développement économique nécessite au préalable une avance monétaire. »
C’est une inversion de la causalité réelle.
L’argent n’est pas un "moyen de production" au sens où le sont une machine ou une usine. Il est un moyen de mobiliser les moyens de production. L’ "avance monétaire" (que Jorion analyse comme le capital de départ, M, dans le cycle M-A-M’ de Marx) est une condition de déclenchement du processus productif dans une économie monétarisée, mais elle n’est pas productive en soi. La production réelle vient du travail et des outils. L’argent n’est que le jeton qui permet de lancer la partie.

5. Affirmation : « Nous avons conscience qu’il est aussi un instrument de pouvoir et de domination... »
C’est la seule affirmation pleinement juste, et Jorion en ferait même le cœur de son analyse.
Pour Jorion, la fonction primordiale de l’argent est d’être un instrument de comptabilité sociale qui traduit et renforce les rapports de pouvoir. Il permet de quantifier le crédit, la dette (qui est une relation de domination), et la richesse relative des individus et des classes sociales. L’argent est le système nerveux du capitalisme, acheminant l’information et le pouvoir à travers le corps social.

Ce texte d’introduction reprend une vision orthodoxe et fétichiste de la monnaie, celle que l’on enseigne généralement en économie. Il présente l’argent comme un objet aux propriétés techniques et neutres.
Pour Paul Jorion, au contraire, l’argent est avant tout une institution sociale fondée sur la confiance, un langage pour exprimer des rapports de valeur et un instrument de pouvoir et de domination.
Les "fonctions" de l’argent ne sont pas des lois naturelles, mais des usages sociaux qui peuvent être contestés, modifiés ou qui peuvent s’effondrer lorsque le consensus social qui les sous-tend se dissout. En présentant ces fonctions comme des évidences, le texte occulte leur nature profondément politique et instable.

30/09/2025 18:51 par RV

A propos de "La création de la monnaie ex-nihilo (à partir de rien !)"

Erpé mentionne les contraintes, mais les minimise dans sa narration centrale :
- Il les liste. Cependant, le récit principal de l’article tourne autour de l’idée d’un pouvoir "magique" et "extraordinaire" de création "à partir de rien". La description des contraintes arrive comme une liste technique, presque en aparté, sans être intégrée de force dans l’explication du processus de création monétaire. L’impression générale qui reste, et que l’auteur cherche peut-être à donner, est que ces contraintes sont des détails techniques qui n’altèrent pas fondamentalement la nature "ex-nihilo" du processus. La métaphore de la "planche à billets" domine.
- Jorion insisterait sur le fait que ces contraintes ne sont pas des détails, mais le cœur du système :
Pour Jorion, le système n’est pas "d’abord une planche à billets, puis on ajoute quelques contraintes". Le système est l’ensemble de ces contraintes. La création monétaire n’existe que dans les interstices et les limites définies par ces règles. La contrainte ultime n’est pas tant les réserves obligatoires (dont le rôle a diminué), mais bien les fonds propres (les ratios de Bâle). Une banque peut toujours se procurer des réserves a posteriori si elle a accordé un crédit. En revanche, si elle n’a pas les fonds propres réglementaires, elle ne peut tout simplement pas accorder le crédit en premier lieu. C’est une limite ex-ante bien plus stricte.

Différence de perspective :
Erpé présente un système où la banque a un pouvoir quasi-souverain ("magique"), simplement encadré par une régulation externe.
Jorion décrirait un système où la banque est un acteur contraint, dont le "pouvoir" de création est entièrement défini et limité par un cadre réglementaire et comptable dont elle dépend pour sa survie. La création n’est "ex-nihilo" que dans le sens comptable du terme (c’est une écriture), mais pas dans le sens économique ou pratique, car elle est immédiatement adossée à une contrepartie (la créance) et limitée par des capitaux.

La critique que l’on peut faire, à la lumière de Jorion, est que l’article ne donne pas à ces contraintes le rôle central et déterminant qu’elles ont dans la réalité. Il laisse planer l’idée d’une création monétaire qui serait potentiellement infinie si on levait ces "obligations légales", alors que Jorion montrerait que sans ce cadre, le système de crédit (qui repose sur la confiance) s’effondrerait immédiatement.

30/09/2025 20:12 par Vincent

RV (qui me semble infiniment plus compétent que moi sur ce sujet) dit :
[...] "Pour qu’il "rapporte", il faut le transformer en capital, c’est-à-dire l’investir dans un processus de production (machines, main-d’œuvre, etc.) qui générera un profit. L’idée que "l’argent travaille" est un abus de langage qui masque les rapports sociaux de production et d’exploitation qui génèrent réellement le profit."

Je risque fort d’être caricatural, mais il me semble que ceci est devenu relativement théorique, et que c’est faire peu de cas de la masse colossale que représente la spéculation, puisque les détenteurs de capital n’investissent plus dans les outils de production (ils les détruisent, même), mais investissent désormais l’argent que les gouvernements leur offre dans le rachat de leurs propres actions, pour en augmenter la valeur et se rémunérer très fortement en dividendes, qu’ils convertissent ensuite rapidement en biens tangibles.
Par exemple, je ne crois pas qu’Elon Musk se soucie réellement de la pérennité de la farce Tesla. En revanche cette bulle là aura fait de lui "l’homme le plus riche du monde", ce qui est par ailleurs une autre farce.

En gros, nous avons des milliardaires en bulles qui volent une très grande partie de la valeur de ce que nous produisons. Rien de nouveau et je rejoins donc la fin de l’extrait cité plus haut de votre commentaire éclairé. Je situerais la différence avec Marx dans la nature du capital, qui a quand même radicalement changé en ce qu’il est devenu principalement fictif, et adossé à une dette absolument illégitime qui devrait simplement être illégale.

Une question : Les dettes ont a de nombreuses reprises été répudiées dans l’histoire. L’idée qu’il serait impossible de le faire à nouveau ne découle donc que d’un habile conditionnement des esprits.
Pourquoi cette question est-elle si taboue, si ce n’est qu’elle traduit -si je tire cette ficelle - la lâcheté dont est faite la non-violence qui nous sert de carcan et nous maintient bien dociles ?
Bon sang : Pourquoi acceptons-nous encore d’être esclaves et sous le joug d’absolus criminels qui méritent simplement le plus définitif de tous les châtiments (ne serai-ce que pour donner l’exemple) ?!
Parce que, pour faire court : Si on ne les bute pas pour nous donner une chance d’assainir le système, alors c’est eux qui nous buteront (encore !) pour pérenniser le système qui fait d’eux nos maîtres. Non ?
Les adorateurs de Malthus ont quand même mis en œuvre un truc énorme pour réduire considérablement la masse des humains, plutôt que d’accepter le fait que l’idée d’une croissance infinie dans un système fini relève de la folie pure.
On les laisse encore faire ?

30/09/2025 22:39 par RV

@ 30/09/2025 20:12 par Vincent
D’où pensez-vous que viennent ces dividendes si ce n’est de la création et de l’extraction de la valeur obtenue à travers des outils de travail et de leurs servants, et aussi, vous avez raison, de la destruction d’outils de travail, à travers leur acquisition et revente à la découpe et de l’accaparement des brevets qui eux retournent bien dans le processus de création de valeur obtenue à travers des outils de travail et de leurs servants ?

01/10/2025 01:31 par Vincent

"D’où pensez-vous que viennent ces dividendes si ce n’est de la création et de l’extraction de la valeur obtenue à travers des outils de travail et de leurs servants"
Eh bien : de la dette (justement). Donc d’une valeur fictive créée ex-nihilo, qui est rendue valable par le truchement de lois fallacieuses qui nous asservissent, et dont la valeur colossale est bien supérieure à celle produite par le travail, ce qui la rend irrécouvrable autant qu’elle est illégitime.
D’accord, la valeur créée par le travail est volée. Mais les ploutocrates s’enrichissent aussi - ou surtout - de l’obligation qui nous est faite de rembourser en réel les gains fictifs de la finance ; non seulement en travaillant pour rien, voire à perte, mais aussi en engageant plusieurs futures générations à elles aussi devenir esclaves de la dette d’aujourd’hui...
C’est insoutenable à plus d’un titre, je dirais.
Tout ce monstrueux édifice "néolibéral" et capitaliste ne tient que sur un grossier mensonge qu’il suffirait que les peuples - infantilisés et acculturés en tout - cessent de croire.
Enfin, je crois.
Toujours est-il que, bien conscients de la nature irréelle de tous ces milliers de milliards qui leurs seraient promis, les ploutocrates mettent en place un système totalitaire, qui leur permettra à (court) terme de mettre la main sur l’épargne qui elle est bien concrète.
Rien de tel qu’un bon vieux désastre global - fut-il évidemment fabriqué - pour en accélérer l’avènement.
En attendant qu’éventuellement ça nous révolte (bof : en manifestant, sérieusement ?!), l’impunité des criminels prévaut et c’est intolérable.

01/10/2025 07:42 par RV

@ 30/09/2025 20:12 par Vincent
Ma réponse précédente est vraiment incomplète pour ne pas dire à coté de la plaque !

Les dividendes sont une partie du résultat net d’une entreprise, après déduction des charges.
Ils proviennent de la richesse produite par l’entreprise et captée sous forme de bénéfices.
Au lieu d’investir leurs bénéfices dans l’outil de production, les entreprises peuvent aussi racheter leurs propres actions ce qui fait mécaniquement grimper leur cours, augmenter le rendement pour les actionnaires sous forme de dividendes mais réduit leurs investissements productifs.

Il y a au moins trois procédés de spéculation.
- à la hausse : Acheter ou vendre un actif, en pariant sur son évolution future
- à la baisse : emprunter une action à une banque, la vendre et attendre qu’elle baisse pour la racheter et la rendre à la banque
- avec des paris purs sur la variation sans posséder l’actif :
__ Options : droit d’acheter ou de vendre un actif à un prix fixé à l’avance.
__ Futures / contrats à terme : engagement d’acheter/vendre à une date future un actif à un prix convenu.
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Une entreprise distribue des dividendes à partir de son résultat net global, qui est un mélange de son résultat d’exploitation et de son résultat financier/non courant qui inclut les gains de spéculation.

01/10/2025 08:45 par Thomas Erpé

Thomas Erpé
D’abord, je souhaite remercier les personnes qui ont pris la peine de lire ma petite note et de faire connaître leurs commentaires que je trouve pour la plupart très pertinents.
Je rappelle, comme je l’ai précisé, que je suis nullement un experts des questions monétaires. Ma note s’adresse principalement au grand public peu au fait de la réalité de la monnaie. Mon but n’était donc pas de dévoiler totalement la complexité du système monétaire, mais de tenter de convaincre plus simplement, comme le font nombre de vrais économistes depuis fort longtemps, que les besoins de financement de patrimoine et d’infrastructures de l’Etat devraient être monétisés par de la monnaie centrale libre de dette, ce qui mettrait fin à la dette souveraine sur les marchés, ce qui n’est pas possible dans le cadre de l’Ue.
D’autre part, j’aimerais répondre à quelques objections.
1- L’argent n’est pas une valeur de réserve fiable. Cela est peut être vrai dans certaines circonstances exceptionnelles, rien n’est sûr et stable éternellement. Reconnaissons toutefois que l’épargne des français qui représente des milliards n’a jusqu’à présent (époque contemporaine) pas disparu et qu’il est donc toujours disponible, jusqu’à quand nul ne le sait…
2- L’argent est un moyen d’enrichissement. Il est exact que pour cela, il faut le transformer en capital. J’aurais dû le préciser, mais je pensais que cela allait de soi. Je n’ai pas développé ce point car il est accessoire dans ma démonstration.
3- L’argent n’est pas un moyen de production. Là aussi c’est exact, et je partage le point de vue de RV. J’ai manqué de précision, mais j’ai bien spécifié néanmoins que tout développement économique nécessite une avance monétaire. Ce qui compte vraiment, comme je l’ai indiqué, ce sont nos capacités productives et donc nos ressources en homme et matière.
4- La confiance dans la monnaie. Cette notion est souvent invoquée pour justifier qu’elle soit acceptée. Mais qu’en est-il en réalité, acceptons-nous de payer nos dépenses courantes en euros parce que concrètement nous avons confiance dans cette monnaie, ou le faisons-nous parce que nous sommes légalement tenus de le faire par la puissance publique qui a fait de l’euro notre monnaie ayant cours légal. C’est pourquoi la monnaie est dite réglementaire et s’impose donc à tous. Il en est bien sûr autrement au niveau des transactions internationales.
5 – Sur le cadre réglementaire et comptable qui fixe les limites du pouvoir de création monétaire par les banques. J’ai abordé brièvement les contraintes qui encadrent le pouvoir “magique” des banques lorsqu’elles accordent des crédits. Certains économistes défendent l’idée que les banques ont réussi à échapper au contrôle de la Banque centrale quand elles émettent de la monnaie. Pour plus d’explications, je renvois aux auteurs que j’ai cités qui se sont concentrés sur cet aspect-là.
Encore merci, pour ces échanges fructueux, le débat est le seul moyen de se tromper le moins possible.

01/10/2025 11:23 par Vincent

"Les dividendes sont une partie du résultat net d’une entreprise, après déduction des charges.
Ils proviennent de la richesse produite par l’entreprise et captée sous forme de bénéfices."

Pardon d’insister encore, mais pas seulement.
Je prends un exemple :
Quand l’État distribue des milliards d’aide publique à Sanofi, qui en retour détruit la R&D, sa masse salariale et ses outils de travail, alors la direction de Sanofi n’en a strictement rien à foutre de dégager du bénéfice, et redistribue directement les aides publiques en dividendes.
Après ça, le patron de Sanofi auditionné par les sénateurs peut dire : "les aides publiques sont extrêmement utiles à la compétitivité", et repartir de là avec une impunité toujours aussi pimpante...

Ça vaut aussi disons par exemple pour Carrefour (ardent soutient de la politique d’Israël, au passage - combien de lecteur de LGS y font-ils leurs courses dans un souci de cohérence ?...), qui touche des milliards de l’État, et en échange détruit sa masse salariale et surtout les avantages sociaux dont elle dispose, en éclatant le groupe en franchises, puis Carrefour licencie dans le plus grand silence une dizaine de milliers d’hôtesses de caisses ayant trop d’ancienneté, pour les remplacer par des jeunes de moins de 26 ans en contrat d’alternance, dont environ 80% du salaire (!) est pris en charge par d’autres aides de l’État sous la dénomination "un jeune une solution" de l’excellente ministre du travail qui était alors une certaine Élisabeth Borne...
Pratique comme méthode de "déduction des charges" pour améliorer "la richesse produite par l’entreprise" et l’aider à "capter du bénéfice". Tu m’étonnes !

Bref ces exemples peuvent se répéter presque à l’infini.
Je ne mentionne pas les dizaines de grosses boîtes qualifiées de "zombies" et qui ne doivent leur pérennité qu’aux aides publiques.
C’est quand même chouette la "politique de l’offre" qu’impose le néolibéralisme, non ?!
Donc, à travers ces exemples ce que je veux mettre en lumière c’est la part de la dette (encore plus illégitime !) qui est émise dans l’unique but de fabriquer directement du résultat net, donc des rachats d’actions et de plus gros dividendes. Un vol massif qui se superpose à celui du seul fruit du travail.

01/10/2025 12:22 par RV

@ 01/10/2025 08:45 par Thomas Erpé
A mon tour de vous remercier d’avoir lu les commentaires et qui plus est de poursuivre l’échange !

Vous avez raison de dire que l’épargne des français est, jusqu’à présent, disponible. Cependant, il est erroné de croire qu’elle est à l’abri de tout risque. L’histoire récente nous fournit des contre-exemples frappant.
- Chypre (2013) - Dépôts > 100 000€ confisqués partiellement (jusqu’à 47.5%) - Application directe du "bail-in" sur les comptes bancaires - Les dépôts inférieurs à 100 000€ protégés
- Grèce (2015) - Gel complet des retraits (plafonné à 60€/jour) - Blocage des virements vers l’étranger - Restrictions sévères pendant plusieurs mois
- Italie (2015-2017) - Obligataires subordonnés(*) dont nombreux petits épargnants ont tout perdu - Produits vendus comme "sûrs" mais considérés comme créances risquées - Quatre banques touchées : Banca Marche, Banca Etruria, CariChieti, Carife
- Islande (2008) - Dépôts étrangers gelés et partiellement confisqués - Les déposants nationaux protégés - Refus de l’État de couvrir les dettes des banques privées
- Argentine (2001-2002) - Gel généralisé des comptes - Conversion forcée des dépôts en dollars vers des pesos dévalués - Perte de 70%* de la valeur réelle pour les épargnants

(*) Les obligataires subordonnés sont des prêteurs (créanciers) d’une banque ou d’une entreprise, mais ils sont tout en bas de la liste pour être remboursés en cas de faillite. En tête, Les déposants (garantis jusqu’à 100 000€), juste derrière, les créanciers "ordinaires" (obligataires "seniors"), tout au fond : Les obligataires subordonnés, et après eux, il n’y a plus que les actionnaires, qui perdent tout.
Les drames récents est que beaucoup de gens sont devenus obligataires subordonnés sans en comprendre le risque, croyant avoir simplement placé leur épargne en sécurité.

01/10/2025 17:26 par Aquarius15

Il laisse planer l’idée d’une création monétaire qui serait potentiellement infinie si on levait ces "obligations légales", alors que Jorion montrerait que sans ce cadre, le système de crédit (qui repose sur la confiance) s’effondrerait immédiatement.

Je n’ai pas eu cette lecture. L’auteur semble affirmer qu’un Etat monétairement souverain peut créer une quantité très importante de monnaie pour couvrir ses besoins en investissement et ne peut pas être déclaré en faillite, ce qui est juste.
Une création monétaire "infinie" et déconnectée de l’économie réelle créée toutefois bel et bien de l’inflation.
Le système de création monétaire actuel n’empêche de toute façon pas des dérives/délires budgétaires (aides COVID, vaccins etc.), à ceci prêt que l’Etat doit en plus supporter les intérêts, que ce soit pour des dépenses pertinentes ou d’éventuelles gabégies.

Les dettes ont a de nombreuses reprises été répudiées dans l’histoire. L’idée qu’il serait impossible de le faire à nouveau ne découle donc que d’un habile conditionnement des esprits.

Merci Vincent !

Encouragements à Thomas Erpé pour ce sujet important, mais complexe quand on n’est pas économiste.

03/10/2025 10:49 par sylvain

Un corrolaire de l’argent dette est que toute croissance globale est un accroissement de la dette globale. Une des bases de la sicence economique, c’est la loi de fisher, qui dit que PIB=MV . C’est une simple loi de debit qui dit que la somme des dépenses (PIB), c’est la masse monétaire (M) multiplie par sa vitesse de circulation (V).
Donc si la vitesse de circulation reste constante ( ce qui est globalement la cas), un accroissement du PIB (la croissance) équivaut à un accroissement de la masse monétaire, et donc de la dette.
Ce qui est totalement a l’opposé de ce qu’on nous vend : pour éponger la dette, il faut de la croissance. Ce qui est une vérité locale ( plus ou moins, disons si votre croissance ne procède pas d’un déséquilibre de la balance commerciale) mais une contre vérité globale. Et ca, c’est très malin de leur part

04/10/2025 20:44 par Louise de Bretagne

Chaque religion à commencée la fois où le premier escroc a rencontré le premier imbécile.
"Mark Twain"

En vérité les adeptes du veau d’or se sont bien débrouillés pour vivre aux dépens de la multitude croyante dans les balivernes et les artifices servies par les maîtres du capitalisme.

07/10/2025 12:05 par Zéro...

La fameuse "dette" n’est qu’un nouveau fouet pour faire avancer, avec le consentement des moutons apeurés, vers toujours plus d’exploitation des travailleurs !!

Tout comme le chômage, loin d’être une malédiction, est une trique du capitalisme...

Tous les pays du Monde sont plus ou moins endettés, la France est dans la moyenne haute mais loin d’être la pire des pays développés - consulter les pourcentages du PIB (colonne de droite) plutôt que les chiffres bruts : https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_de_pays_par_dette_ext%C3%A9rieure *

A compléter par la dette publique où la France est très mal placée - les comiques convaincus de la supériorité occidentale devraient s’intéresser, dans la colonne de gauche (celle avec la parité de pouvoir d’achat) à Cuba, au Venezuela, à l’Algérie, la Chine, l’Inde et, mieux, la Russie...
https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_de_pays_par_dette_publique *

Et il ne faut pas finir la lecture de ces deux tableaux sans se pencher attentivement sur les chiffres du Japon (!!), des USA et des pays les plus développés d’Europe...

Est-ce que, finalement, la richesse est celle qui s’étale devant les yeux ou dans ce qu’on ne voit pas ?

L’Occident a de très belles devantures... avec beaucoup de vide en réserve qui fait qu’il est au bout de ce qu’il peut faire pendant que le reste du Monde (pas le sous-développé....) a de bien modestes vitrines et un potentiel d’investissement et de développement intacts !!

Si le BRICS se met en place, il va rester aux Occidentaux les yeux pour pleurer : son agitation envers la Russie et la Chine n’a rien d’une crainte militaire mais tout d’une peur de définitive perte hégémonique.

Le grand souci est qu’une bête blessée est d’autant plus dangereuse...

* une réserve : les chiffres datent un peu...

15/10/2025 05:59 par Daniel

Excellent article et un grand merci aux intervenants , si seulement ça pouvait éveiller les masses endormies ...

05/11/2025 08:25 par Thomas ERPE

A « Zéro » vous avez effectivement raison, les chiffres datent un peu… en revanche, les mécanismes de l’endettement eux sont toujours en vigueur, c’est pourquoi le stock de la dette publique ne cesse de croître (3416,3 milliards, à la fin du deuxième trimestre 2025, selon l’Insee), pesant de plus en plus lourd sur les épaules de la grande majorité, pour le plus grand profit des créanciers qui sont heureux de voir se creuser le déficit public qui leur procurent une rente perpétuelle. Pour redonner les marges de manœuvre perdues aux gouvernements (zone euro), il n’y pas pas d’autre solution que de mettre fin au « mode marché » pour le financement de la sphère non marchande (les biens publics).

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