Mais WSWS.org a relevé hier un tweet particulièrement extraordinaire de Trump, qui présente un jugement global radical et totalement négatif sur toute la politique extérieure des EU depuis le 11 septembre 2001, – ce que nous désignons comme la “PolitiqueSystème” :
« Les États-Unis ont dépensé HUIT MILLE MILLIARDS DE DOLLARS à combattre et à maintenir l’ordre au Moyen-Orient. Des milliers de nos Grands Soldats sont morts ou ont été grièvement blessés. Des millions de personnes sont mortes de l’autre côté. ALLER AU MOYEN-ORIENT EST LA PIRE DÉCISION JAMAIS PRISE... DANS L’HISTOIRE DE NOTRE PAYS ! Nous sommes partis en guerre selon le postulat faux et prouvé comme faux de la présence d’armes de destruction massive. »
WSWS.org observe que la PresseSystème a choisi d’ignorer ce tweet explosif qui met en cause toute la politique des EU dans l’ère nouvelle ouverte le 11 septembre. Le site explique, d’une façon assez accessoire nous semble-t-il, qu’il existe une fracture dans les milieux de la politique de sécurité nationale à Washington entre ceux qui, autour de Trump, veulent se concentrer sur l’affrontement avec la Chine et écarter les autres conflits ou situations critiques (Russie, Moyen-Orient), et ceux qui, autour des extrémistes-neocons, démocrates, etc., veulent au contraire poursuivre l’entièreté de la PolitiqueSystème depuis “ 9/11 ”.
Cette explication nous semble accessoire, ou disons sollicitée, parce qu’elle veut faire la part trop belle à la logique de la raison dans une situation qui est caractérisée essentiellement par l’irrationnel et l’affectivisme radical comme l’on voit dans les affrontements de haine d’une extraordinaire intensité. Par contre, le contenu lui-même du tweet signalé par WSWS.org a certainement une très grande importance à la fois symbolique et historique, surtout venant de la plus haute autorité de l’administration en place. Le commentaire de WSWS.org, mettant en évidence une responsabilité des EU qui devrait être sanctionnée par des tribunaux internationaux comme le fut l’Allemagne nazie, est appuyé sur une logique incontestable.
« Mais au-delà de ces querelles sur la politique géostratégique, l’aveu par un président des EU en exercice que Washington a déclenché une guerre pour une cause “fausse” et “démontrée comme fausse”, qui a fini par tuer “des millions de personnes”, a des implications politiques directes, quelle que soit l’intention de Trump.
» Il s’agit d’un aveu officiel du gouvernement des EU selon lequel les administrations étasuniennes successives sont responsables de crimes de guerre ayant entraîné des massacres.
» Trump reconnaît que Washington a lancé l’invasion de l’Irak en 2003 selon “le postulat faux et prouvé comme faux de la présence d’armes de destruction massive.” En d’autres termes, l’administration de George W. Bush a menti au peuple des États-Unis et à la planète entière afin de faciliter une guerre d’agression.
» Au regard du droit international, cette guerre était une action criminelle et une violation manifestement injustifiée de la souveraineté de l’Irak. Le Tribunal de Nuremberg, convoqué au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, a déclaré que la planification et le lancement d’une guerre d’agression constituaient le crime suprême des nazis, d’où découlaient toutes leurs horribles atrocités, y compris l’Holocauste. Sur la base de ce principe juridique, Bush, le vice-président Cheney et d’autres hauts responsables étasuniens, ainsi que leurs successeurs dans les administrations Obama et Trump qui ont poursuivi l’intervention au Moyen-Orient – l’étendant en Syrie et en Libye, tout en menaçant une nouvelle guerre contre l’Iran – devraient tous être poursuivis comme criminels de guerre. »
Cette affirmation remarquable du Président des Etats-Unis n’a guère provoqué de sensation, comme elle aurait dû le faire selon l’argument de WSWS.org qui est tout à fait fondé. L’abstention des journaux, souvent dits “de référence”, de la PresseSystème est certainement tout à fait extraordinaire et nous en dit beaucoup sur les univers parallèles dans lesquels nous évoluons. D’une façon différente et selon une ou des causes différentes, dans une situation différente, l’“incident” rejoint un peu ce qui s’est passé avec le président français Macron le 27 août, lorsqu’il glissa dans son discours “aux ambassadeurs” quelques constats eux-mêmes extraordinaires, et qui furent à peine sinon pas du tout relevés comme tels :
« Nous sommes sans doute en train de vivre la fin de l’hégémonie occidentale sur le monde. Nous nous étions habitués à un ordre international qui depuis le XVIIIe siècle reposait sur une hégémonie occidentale, vraisemblablement française au XVIIIe siècle, par l’inspiration des Lumières ; sans doute britannique au XIXe grâce à la révolution industrielle et raisonnablement américaine au XXe grâce aux deux grands conflits et à la domination économique et politique de cette puissance. Les choses changent. Et elles sont profondément bousculées par les erreurs des Occidentaux dans certaines crises, par les choix aussi américains depuis plusieurs années et qui n’ont pas commencé avec cette administration mais qui conduisent à revisiter certaines implications dans des conflits au Proche et Moyen-Orient et ailleurs. »
Ces deux démarches que nous rapprochons soulèvent au moins deux questions, – pour commencer, dans tous les cas, et en attendant que d’autres viennent à l’esprit, – et aussi divers commentaires qui ne sont que des ouvertures ou des suggestions intellectuelles.
• La première question est de pure communication. Il est évident que ce que disent ces deux chefs d’État est d’une importance capitale, qu’ils l’aient ou non voulu dans ce sens. Il est également évident que ces démarches n’ont, jusqu’ici, été ni entendues, ni simplement imprimées ou diffusées à leur juste valeur, de la part du système de la communication (PresseSystème en gros, pour notre compte). Il est ainsi démontré une fois de plus que cet instrument (Le système de la communication dans la structure considérée, notamment de la PresseSystème) est du type Politiquement-Correct (PC), c’est-à-dire répondant à un emprisonnement de la pensée voulu par le Système pour que se poursuive et se perpétue son autorité quasiment dictatoriale, cela impliquant l’absence complète de mise en cause de ce qui a été fait depuis le 11 septembre. La question est donc de savoir si et comment ce mur, cette barrière, sera franchi, et quel effet aurait un éventuel franchissement.
• La deuxième question concerne les intentions, le degré de perception de leurs propres déclarations, la mesure de la vérité-de-situation qu’on y trouve, – de la part des deux hommes, Macron et Trump, dans leur démarche de mettre en cause des fondements de la puissance du Système (Système néolibéral, Système du suprêmacisme de la Civilisation euro-atlantique, etc.). Réalisent-ils l’importance de ce qu’ils disent et, disons, les conséquences potentielles si la communication se fait finalement ; ou bien les implications gravissimes si, justement, la communication ne se fait pas ?
• Faut-il envisager – cette fois c’est moins une question qu’une hypothèse de réflexion et de travail – que ces déclarations produisent tout de même un effet important par le biais de la seule circulation par des systèmes de communication alternatifs, pour des psychologies ouvertes à de telles descriptions qui bouleversent complètement le discours-PC du Système ? L’espace de la réflexion est en effet ouvert, selon nous, pour des hypothèses dépassant les limites habituelles d’une logique rationnelle subvertie (voir la raison-subvertie), – c’est-à-dire dans ce cas et pour traduire opérationnellement ce propos, des hypothèses “dépassant les limites habituelles” de la communication dès lors que cette communication est totalement infectée par le Système, pour trouver d’autres voies de pénétration et d’influence.
• Dans tous les cas, il est important de remarquer ces remises en cause fondamentales, par des personnalités très différentes, selon des modes de raisonnement et pour des causes très certainement différentes, mais qui se produisent dans la même séquence du temps politique, et selon des circonstances et des situations crisiques que nous avons tendance à rapprocher. (Voir PhG sur son Journal-dde.crisis, le 8 octobre.) Il y a là, sinon un signe métahistorique identifié, dans tous les cas une concordance de couleur et d’humeur du jugement qui constitue une prise en compte de ce qui peut être perçu, de ce que nous percevons nous-mêmes comme un processus d’effondrement.
Mis en ligne le 10 octobre 2019 à 15H04