De nombreuses recherches sur la couverture médiatique des « banlieues » dévoilent les représentations stéréotypées des habitants des quartiers populaires des grandes agglomérations françaises...
Ces études pointent tout particulièrement le nombre limité de thématiques – délinquance, islam, immigration, intégration, culture urbaine – qui enserrent les discours publics sur une partie de la jeunesse désignée sous les appellations génériques de « jeunes des banlieues », « jeunes des cités » ou « jeunes des quartiers ».
La plupart de ces travaux s’accordent également sur la coproduction des représentations médiatiques : la fabrication des « reportages » sur les banlieues dépend non seulement des journalistes mais aussi d’agents et institutions divers qui pèsent sur la conception de l’« information ». En effet, les journalistes décident de la réalisation d’un reportage à l’occasion d’un « événement » souvent pré-cadré (fait divers divulgué par la police, projet de loi élaboré par un ministère, etc.) et ils doivent composer avec les stratégies de présentation de soi des acteurs rencontrés sur « le terrain » (associations, mairies, habitants, etc.), qui influent aussi sur la production du reportage.
Pour autant, ces recherches réalisées sur la base d’analyses de contenu de reportages et d’entretiens avec des journalistes n’épuisent pas la compréhension de cette coproduction. La « fabrique de l’information » reste en effet dans l’angle mort des études menées a posteriori sur les produits finis. Notre étude veut restituer ce processus de fabrication des images et des discours sur « les banlieues » à travers l’élaboration d’un reportage sur la « perception des jeunes des cités sur la guerre en Irak », que nous avons suivie lors d’observations menées dans une rédaction de télévision nationale en mars 2003. La restitution des différentes phases de production (la préparation, la confection et la diffusion) révèle les opérations de catégorisation successives qui sont appliquées aux « jeunes » interviewés et à leurs discours afin d’incarner un « point de vue de banlieue ».
Notre article s’intéresse plus particulièrement à l’impact de la division du travail entre responsables de la rédaction et journalistes « dévolus » aux banlieues, pour saisir les contributions respectives et leur combinaison dans les discours produits.
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Jérôme Berthaut