Et si on supprimait les banques ?

A l’origine, la banque se résumait à la présence d’un agent de change sur les lieux de vie sociale, où un homme était chargé de convertir les différentes monnaies pour correspondre à celle locale. Peu à peu, et pour faire simple, elle est devenue un organisme fonctionnant de la manière suivante : les individus possédant de l’argent en liquide lui confiaient celui-ci, afin qu’il soit protégé des vols. Pendant ce temps-là , il payait une taxe pour ce service. Mais peu à peu l’idée germa qu’il était possible au banquier (un usurier à l’époque) de prêter une partie de cette argent à un tiers, pour peu que ce dernier s’engage à lui rembourser la somme, plus un petit intérêt pour la prise de risque. Sachant cela, le prêteur se mit à exiger lui aussi une petite partie de ce surplus.

Tout cela alla doucement en se complexifiant et en se développant, car plus la banque avait le pouvoir de prêter, plus elle gagnait d’argent, et disposait de liquidités à prêter. Devenant à force immensément riches, elles finirent par faire peur à l’Etat, car elles risquaient de créer une faillite de ce dernier par la survenue d’une crise économique : si tous les épargnants venaient à retirer leurs liquidités en même temps, les banques n’auraient pas les fonds propres suffisants pour rembourser tout le monde. L’Etat se mit donc en frais pour d’une part être le seul batteur de monnaie, et ensuite pour garantir les fonds propres des banques, tout cela par l’intermédiaire d’une banque centrale, ou nationale, forte et toute puissante. Ce fut le début d’une longue bataille pour le contrôle de la monnaie, dont les répercussions sur l’Histoire furent gigantesques.

Aujourd’hui, il semble que la bataille soit terminée, et se soit soldée par une alliance du pouvoir politique et du pouvoir financier. Les banques sont assurées par des organismes supérieurs comme le FMI, qui garantit au plus haut niveau politique la solvabilité des plus gros centres financiers. Elles peuvent donc désormais légalement prêter de l’argent qu’elles n’ont même pas. Il n’est nul besoin d’avoir cet argent. Il suffit de le créer pour la durée de l’emprunt. cela signifie que si elle vous prête cent euros, elle ne possède en réalité que l’euro que vous avez versé au départ. Simple ligne de compte. Mais cet argent fictif qui vous est prêté, la banque le considère comme acquis (puisque vous vous engagez à le rembourser), et fait monter la valeur de la banque. C’est ainsi que se crée la monnaie.

Et la banque se fait de l’argent sur tout et tous, à chaque instant et dans tous les lieux possibles. Pas de frontières pour l’argent, ni de fermeture. Forte de la création occasionnée par les crédits, elle joue sur les marchés la somme qu’elle n’a pas encore reçu, et fait des profits avec cet argent "fictif" , sans discontinuer.

Mais bien évidemment, la banque ne profite qu’aux riches. Car seuls ceux qui ont satisfait leurs besoins essentiels peuvent épargner, ou emprunter. Cet argent épargné, censé rapporter quelques pourcents, n’est pour la majorité que l’apport nécessaire à l’obtention d’un futur crédit qui leur coûtera en définitive beaucoup plus que ce que les misérables intérêts engendrés leur a rapporté. Et pendant ce temps, la banque aura prêté votre épargne, et taxé votre crédit, et multiplié ses gains. Lorsqu’on imagine qu’une maison coûte à la fin du crédit presque deux fois son prix, il y a de quoi se poser des questions. Mais ceux qui sont les plus riches sont aussi ceux qui empruntent moins, et qui payent donc le moins cher. Un homme capable de payer sa maison en cash peut se payer, pour le même prix que le pauvre, une maison presque deux fois plus grande.

De plus la banque, en prêtant une petite somme à un pauvre (à un taux exorbitant bien sûr), fait ainsi ses plus gros bénéfices, sans véritable prise de risque. Car si le pauvre met plus de temps à rembourser, il ne peut pourtant s’endetter à hauteur d’un pourcentage supérieur à celui du riche. D’autant que lorsqu’un emprunteur cesse de rembourser, la banque conserve ou l’hypothèque, ou l’assurance, ou l’aide de l’Etat.

Mais les fonds propres sur lesquels se base toute cette arnaque ne sont que le fait des épargnants, l’argent "réel" . Cela signifie que si les petits épargnants lâchent la banque et reprennent leurs liquidités, la banque fera faillite en très peu de temps. Ainsi, l’injustice dont sont victimes les pauvres n’est que le résultat du comportement des pauvres eux-mêmes. En refusant de jouer à ce jeu, ils peuvent s’en libérer.

Car en réalité, à quoi servent les banques ? que produisent-elles dont l’homme ne peut absolument se passer ?

Rien, à part peut-être leur propre mise en servitude… En supprimant les banques, nous ne remettrions en cause que leurs bénéfices, leur puissance et notre asservissement. Mais le monde peut très bien fonctionner sans cela. Et je dirais même plus, il pourrait même fonctionner mieux :

Réfléchissez bien à cela :

Qu’est-ce qui empêche de sauver la planète ? des considérations financières
Qu’est-ce qui empêche de nourrir tout le monde ? des considérations financières
Qu’est-ce qui empêche de loger tout le monde, de le soigner, de l’éduquer, de l’habiller, de le rendre heureux ? toujours les considérations financières.

Ce capitalisme, que nombreux défendent pour ce qu’il est censé permettre, est en réalité la cause même des maux qui pervertissent jusqu’à l’âme humaine, qui la conditionne jusqu’à lui faire croire que les maux qu’il engendre ne sont résiliables que par son intermédiaire….

Mais tout cela n’est qu’une illusion. L’Histoire devrait nous le montrer, mais même l’Histoire est transformée par ceux qui ont le pouvoir de L’écrire, et surtout de la diffuser. Ce ne sont pas les bourses qu’il faut supprimer, mais les banques. Pas par la force, mais par leur obsolescence. Elles se sont, au cours des âges, donné une valeur qu’elles n’ont que parce qu’on veut bien y croire. Il est cependant tout à fait possible de le leur ôter, en les rendant inutiles, car elles ne produisent rien d’autre que les conditions de leur puissance, et celles de notre faiblesse. Rien qui ne nous soit ni utile, ni bénéfique, bien au contraire…

En réalité, peu importent les mesures envisagées pour tenter d’amoindrir le pouvoir des banques, elles ne peuvent que conduire au mieux à un échec, et au pire à leur renforcement. Et tant que l’homme est capable de se satisfaire de l’illusion capitaliste pour s’autoriser à continuer à agir dans le cadre de ce système, il doit assumer le fait qu’il accepte tous les maux dont je parlais plus haut. L’argent est un bien rare, et celui qui en profite le fait au détriment de quelqu’un d’autre, ailleurs sur la planète ; c’est aussi simple que cela.

La seule possibilité de sortir de cette aberrante injustice ne peut passer que par la suppression de l’argent, et donc des banques. Et seul un système basé sur le don et la gratuité, dont j’imaginais les bases ailleurs, est capable de résoudre les problèmes créés par le capitalisme. En se passant des banques, on se passe à la fois du pouvoir et de ses dérives, et de l’exploitation du plus grand nombre par le plus petit. Il serait en réalité beaucoup plus facile, et beaucoup moins utopique en définitive, de régler ces problèmes en établissant un système parallèle rendant obsolète le capitalisme que de régler ces mêmes problèmes à l’intérieur du capitalisme.

Pour ce faire, internet est un moyen formidable permettant d’unir, de transmettre et de libérer, et c’est sans doute par ce seul biais que peuvent se réaliser les espoirs des hommes. C’est d’ailleurs bien pour cette raison que d’une part les gouvernements veulent nous supprimer cet outil, et d’une autre que tous les hommes désireux de liberté doivent tout faire pour conserver la liberté et la propriété collective de ce fabuleux média.

ce sera le sujet d’un prochain billet.

Caleb Irri
http://www.calebirri.unblog.fr

COMMENTAIRES  

28/03/2010 11:28 par argeles39

Caleb, après les vieux, c’est la banque et l’argent que vous voulez tuer.
Dans le premier cas c’était très probablement de l’humour, dans le 2ème vous avez l’air convaincu.
Votre argumentation est brillante,les constats irréfutables, mais je me pose une question, si on supprime l’argent pour instaurer la gratuité et le don de soi, comment on fait pour mesurer et canaliser ce don de soi ? n’est-on pas obligés d’inventer un autre mode de comptage, et donc en définive l’argent. Dans les associations qui pratiquent un système local d’échanges je crois qu’il y a des coupons pour le comptage du don de soi, tous les peuples qui se sont éssayés au marxisme n’ont jamais supprimé l’argent.....).
Mais peut-être que dans votre esprit le don de soin ne doit pas être comptablisé, parce que c’est la pente naturelle de l’être humain ?
Pour moi le problème ce n’est pas l’argent,car l’argent est une mesure comme une autre des richesses que nous créeons, le problème c’est la répartition de ces richesses.
Une société plus juste, un degré supérieur de civilisation "A chacun selon ses besoins, de chacun selon ses talents...." aurait quand même besoin d’un système de comptage, donc de l’argent. Mais notre divergence est sans doute plus de forme que de fond....

Amicalement.

28/03/2010 12:24 par pascal

http://video.google.com/videoplay?d...

C’est en anglais, et c’est long (3h30). Mais c’est la video la plus complete et sérieuse pour comprendre réelement le monde dans lequel on vit, au delà des illusions médiatiques.
Le titre : The money masters...
Ca date de 1995, mais ça n’a pas prit une ride.

28/03/2010 14:35 par Anonyme

Oui, je suis d’accord !
Et Siche, si on lançait une pétition pour programmer la suppression des banques, devenues nuisibles à la survie de l’Homme !

28/03/2010 16:46 par Caleb Irri

@ argeles39

bonjour,

dans l’article original, j’avais mis en lien un article à propos de la gratuité (http://calebirri.unblog.fr/2010/03/18/et-si-la-gratuite-cetait-possible/), qui exprime plus clairement la manière dont j’entrevois les choses : il ne s’agit pas d’échanges, mais de "pire" que ça, le "don gratuit". ce système ne propose pas un échange, mais le don de ce que chacun peut apporter à une société, mis en rapport, au travers d’une sorte de plateforme commune, avec ce dont a besoin cette société. celui qui donne ne recevrait donc pas de celui à qui il donne, mais de quelqu’un d’autre...

les chiffres ne sont pas bannis de cette "utopie", mais ne servent pas à donner une valeur aux choses ou aux services. ils servent à mettre en corrélation les besoins avec les possibilités.

Caleb Irri

28/03/2010 20:47 par fidelito

je suis fatigué de le répéter,à toutes ces petites gens qui qui sont majoritaires."faites un trou dans un mur de votre habitation et placez-y un cofrre bien celé et vous gagnerez de l’argent". S’ils voudraient suivre mon conseil, les banques changeraient leur tactique. Pareil pour les syndicats,supprimez les pour les remplacer par un syndicat neutre, sans couleurs politiques. Vous verriez la différence (dsans l’intérêt des petites gens, autrement dit les travailleurs et chomeurs).

29/03/2010 18:54 par Fusagov

Bonjour à tous,

n’ayant jamais fait de crédit de toute ma vie, j’ai toujours pensé que le banquier était inutile.
Malheureusement, tout est organisé en sa faveur.
Je voudrais tellement être payé en liquide mais non, le virement bancaire est la règle.
Bien paie sitôt virée, compte aussitôt vidé.
Je vous invite à faire la même chose.
A bon entendeur...

29/03/2010 22:37 par Bleep

L’économie distributive pourrait être la solution aux problèmes générés par le capitalisme débridé, cette piste étant à étudier sérieusement :

31/03/2010 10:14 par vladimir

Les banques et les Etats,aujourd’hui totalement imbriqués ne sont que les gardiens controleurs profiteurs du rapport social capitaliste qui n’est pas uniquement la propriété privée des moyens de production, mais le binome indissociable capital /salariat.

Les banques sont devenues la puissance gigantesque aussi grace a l’obligation de tout salarié de deposer son salaire argent a la fin du mois a la banque (sous forme de virement,cheque).

Ces depots automatiques sont le fondement de leur main mise sur la société et les salariés,une des chaines invisibles du tous capitalistes .

Pour se liberer du capital, les salariés doivent se liberer du salariat et donc imposer la gratuité,des lors les banques,l’argent,le capital deviedront inutiles...

Paradoxalement le chemin de la gratuité passe par le "paiement en nature" y compris et surtout pour les hors travail (le revenu garanti inconditionnel ),bons de travail et monnaie alternative non porteuse d’interets ,non recuperables par les banques,c’est un pallier dans l’extinction du pouvoir des banques.

La derniere ere de gratuité generalisée fut octobre 1917,en Russie, qui s’est soldée par une gigantesque bombance collective de plus d’une semaine,mais apres les entrepots vidés,les problemes ont commençé...

La reproduction elargie de l’aire de gratuité se heurtera toujours a la limite de biens disponibles,localement comme globalement et a l’ideologie de la propriété et du travail .

Qui organisera la gratuité ,est la question non resolue depuis des siecles de soulevement / repression.

L’Etat n’est que le gestionnaire de la penurie,le pouvoir de la gratuité ne peut etre que le pouvoir de la société du don, jamais encore apparue...mais potentiellement possible grace a l’informatique socialisée en reseau.

Le plus grand obstacle a cette emergence est le scepticisme / conservatisme des salariés, que seule la crise parvenue a son paroxisme peut pousser a tenter l’aventure comme ultime solution...

S’engager partout dans l’economie du sans but lucratif :

Comment faire ?

mercredi 31 mars 2010

par 8119

Ceci est un condensé des différentes idées élaborées au cours des années. Pour que les échanges qui font l’activité humaine puissent «  faire système », c’est à dire que la mécanique permette à ces activités d’avoir lieu de façon pérenne, il faut que cet ensemble d’activités soient le fait d’un processus. Le processus à l’oeuvre en l’absence de système comme c’est le cas aujourd’hui est celui de l’appauvrissement et de la destruction, c’est à dire l’entropie.

Ce qui facilite grandement la conception d’un système (ceci est un euphémisme) est d’en définir les buts. Les buts ne peuvent pas se contenter d’être unidimensionnels et figés dans le marbre, car au fur et à mesure de l’enrichissement d’un système de nouveaux buts deviennent possible. La question quand on part de zéro comme maintenant est comment faire ? Par où commencer ? Il est certain que dans toute mécanique les rouages préalablement conçus doivent être ensuite assemblés avant d’être pour la première fois initialisés.

Ce à quoi on s’attend à ce moment-là est est un semblant de routine qui va certainement très vite tourner au vinaigre. Mais c’est pas grave car le moindre succès sera porteur d’une énergie d’espérance inestimable. Mais bon ! Il faut travailler dans l’esprit d’une NASA qui va lancer une fusée, en sachant que l’erreur est évitable à condition que le maximum d’énergie soit mise en oeuvre avant le lancement de la fusée. Il faut aussi au préalable avoir obtenu des succès moindres, dont l’assemblage constitue la preuve, et permet la foi en la réussite du système...

http://www.altermonde-sans-frontiere.com/spip.php?article13332

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