Du Caucase aux Caraïbes

Face à la lourde structure centralisée de l’OTAN où tout est fait pour que l’organisation exécute collectivement les consignes des Etats-Unis, la Russie est en train de mettre en oeuvre une méthode stratégique souple qui lui permet d’intervenir dans diverses zones de la planète dans le cadre d’accords régionaux entre partenaires égaux élaborés dans des dispositifs généraux « de coopération d’amitié et de solidarité ».

En Asie Centrale cette action est conduite au sein de l’organisation de coopération de Shanghai (OCS voir notre bulletin n° 196 ) , dans la partie centrale de l’Eurasie elle l’est dans celui de l’organisation du traité de sécurité collective (OTSC) où elle retrouve les 4 républiques ex soviétiques d’Asie Centrale mais cette fois sans la Chine et avec le Belarus et l’Arménie auxquels vont très prochainement s’adjoindre les deux nouvelles républiques du Sud-Caucase : Abkhazie et Ossétie du Sud (qui viennent de signer cette semaine des accords de coopération avec la Russie).

Cette politique est en train de connaître un développement nouveau et spectaculaire dans les Caraïbes et en Amérique du Sud. Le fait est d’autant plus notable que dans le schéma statique de la guerre froide l’URSS elle-même n’avait pas, à l’exception notable mais sans suite du cas cubain - crise des missiles de 1962 - , mis vraiment les pieds dans cette zone.

Quand les putschistes chiliens renversèrent le gouvernement d’Allende, la seule présence militaire étrangère locale était celle des USA dont la flotte mouillait au large de Valparaiso et assura les communications des putschistes à l’extérieur de l’appareil militaire légal chilien.

Quand Reagan fit miner les ports nicaraguayens pour étrangler le pays et la révolution sandiniste il n’y eut aucune force militaire pour l’en dissuader.

Or voici que la Russie officiellement invitée sur ce continent à l’initiative du Venezuela répond prestement à l’invitation et le fait savoir.

Trois réponses :

- une militaire, immédiate :
des manoeuvres militaires communes d’abord aériennes et bientôt navales qui permettent de surveiller la zone que tente de contrôler totalement la IV° Flotte US remise en activité pour encercler le sous-continent depuis le mois de Juillet. L’engagement aérien de la Russie est somme toute modeste : deux bombardiers supersoniques TU 160 sans armement atomique et quelques chasseurs basés sur des aérodromes vénézuéliens. Mais cette présence permet de scruter le ciel et d’éviter par exemple que l’avion de Chavez, qui se déplace beaucoup, soit victime d’un tir de missile « par erreur » ou que des sous-marins US débarquent nuitamment des commandos sur les côtes vénézuéliennes. Cette présence énerve beaucoup les militaires US qui font escorter sans cesse les deux bombardiers en balade. Il est notoire et significatif que le Brésil ait également donné son accord à la Russie pour le survol par les avions russes de l’ensemble du bassin amazonien, d’où pourraient partir des commandos colombo-péruvo-israélo-étasunien (au hasard !) chargés de déstabiliser le Venezuela et l’Equateur.

- une militaire, différée :
l’intégration de l’armée vénézuélienne dans le système russe de positionnement satellitaire GLONASS en cours de mise en place (tous les satellites nécessaires ne sont pas encore en orbite) lui permettant d’échapper au GPS étasunien qui peut, à tout moment, rendre l’armée vénézuélienne aveugle.

- l’autre politico-économique en cours
une forte délégation russe est au Venezuela pour organiser une étroite coopération pétrolière visant à la mise en exploitation des immenses ressources en pétrole lourd du bassin de l"Orénoque (le pétrole vénézuélien est aujourd’hui principalement extrait dans le nord (zone de Maracaibo) et le pétrole lourd presque visqueux nécessite un traitement un peu plus complexe et onéreux que le pétrole léger d’où des gros investissements à réaliser.

Il s’agit d’une très forte délégation puisque, outre les représentants du gouvernement sont présents des cadres dirigeants des plus grandes compagnies pétrolières russes : ROSNEFT, LUKOIL, GAZPROM NEFT (filiale pétrole de Gazprom) SIBNEFT et TNK-BP
Un mot sur cette dernière : filiale commune de droit russe à 50/50 du russe TNK et du géant britannique elle vient, après des mois de bataille politico-financière de passer sous contrôle russe. Le capital reste partagé à égalité mais les dirigeants britanniques ont été poussés dehors et remplacés par des russes du métier et proches de MEDVEDEV. BP pourra donc continuer à prendre sa part de la production et des bénéfices réalisées en Russie mais la stratégie de la compagnie ne sera plus élaborée à Londres mais à Moscou, ce qui explique la présence de TNK-BP dans la délégation russe à Caracas.

Il est hors de doute que cette implication de la Russie a pesé lourd dans la position de soutien au gouvernement bolivien en butte aux menées sécessionnistes orchestrées par l’ambassadeur US à La Paz adoptée par la très grande majorité des pays sud américains présents à la réunion de l’UNASUR : Argentine, Brésil, Chili Equateur, Paraguay, Venezuela. Ne manquent à l’appel que les deux derniers valets de Washington : Pérou et Colombie.

Si nous ajoutons à tout ceci qu’en Juillet des visiteurs officiels russes à Cuba ont déclaré que la Russie n’excluait pas d’installer sur le sol de l’ile, si les autorités cubaines le souhaitaient, des moyens de défense adaptés aux menaces existantes, on se rend compte que l’énorme bison militaire étasunien est rendu furieux par ces vols de taons russes qui désormais le suivent partout et menacent de le piquer dans ses parties les plus tendres.

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COMMENTAIRES  

23/09/2008 13:11 par Archibald Emorej

Très clairement, ce qui différencie la politique de la révolution cubaine, de son gouvernement et de ses cadres, et ce depuis les premières harangues de la sierra maestra des guérilleros fondateurs, c’est le respect de son peuple, des peuples, des droits élémentaires de l’être humain, et évidemment, il faut le rappeler sans faiblir à chaque occasion, l’amour et la fraternité sans quoi aucune vision d’avenir n’est possible. Y-a-t il dans l’histoire récente un autre exemple de temps de volonté de participer à l’élaboration d’un monde meilleur, malgré les obstacles et les attaques ? Quelle élite peut se targuer de tant de réalisations sans espérer en retour autre chose que la satisfaction d’alléger les souffrances de peuples oubliés et soumis au diktat capitaliste du rendement et du bénéfice, sans autre satisfaction que le devoir internationaliste d’oeuvrer, encore une fois, pour un monde meilleur ? On sait bien ceux que les bons penseurs, les gras penseurs disent de tout cela : ha le virage brejnevien, ha le dénie de liberté, ha le manque de démocratie...pardon...non, ne les excusons même pas ces petits colporteurs de la morale capitaliste. Oui, la révolution toujours sur la défensive a parfois choisi parmi les seuls «  amis » disponibles, et nier la raison d’État est un cynique argument de toutes ces élites qui ont cautionné colonialisme et néo-colonialisme, de ces élites qui ont laissé piller les pays appauvris, dès lors extrêmement appauvris, de ces élites, enfin, qui ne conçoivent la liberté que si elle est liberté de la bourgeoisie de faire régner son ordre mondiale, l’ordre de l’ultra-libéralisme, des bagnoles à cent mille smics, des yachts aux fêtes louches, et des vendeurs d’armes en pagaille.
La révolution cubaine est une révolution dans la révolution, en perpétuelle mouvement, un phare et un exemple, avec ses erreurs et ses triomphes, qui a le mérite de ne jamais avoir menti ni a son peuple ni au monde. Bien sur, bien sur on les entend toujours ses bras cassés de la pensée...A cuba existe la prostitution...certes, ainsi que le trafic de drogue, soit, mais concédons qu’il n’est pas inscrit dans la constitution, pas plus qu’en France, qu’en Colombie ou qu’au États-unis, pays normalement démocratiques ou ces trafic sont dix mille fois plus établis et meurtriers...on dit aussi que tous les cubains et cubaines ne sont pas d’accord avec le régime, pire que certains sont en désaccord a tel point qu’ils émigrent pour des raison économiques...soit, moi-même je ne suis pas d’accord avec les élites et décisions politiques de mon pays, depuis près de 10 ans que j’ai l’age de m’en rendre compte, et a dire vrai moi aussi j’ai émigré pour des raison economico-judiciaire, et pourtant c’est un peu court pour argumenter que la France et le dernier des pays démocratiques, une dictature presque, et la compilation des déboires personnels de chacun ne saurait rivaliser avec les immenses avancées de la révolution cubaine. Une autre critique me vient à l’esprit, critique récurrente que j’ai encore entendu hier dans les rues de Barcelone, la soit-disant oppression contre les homosexuels. La encore ce n’est pas un fait constitutionnel, et la révolution a toujours bataillé contre le machisme de la société, héritage historique. Personne n’a connu a Cuba le sort de James Joyce en Angleterre, et contrairement aux États-Unis d’Amérique, aucune loi ne régule aucune pratique sexuel. Encore une fois, les histoires personnels d’un tel ou une telle, fussent-ils écrivains exilés encensés par la critique parisienne, ne sont pas un argument recevable. Il est d’autre lieux, comme la Seine-saint-Denis ou les quartiers Nord de Marseille ou il ne fait pas bon afficher son homosexualité, cela est même très risqué, voir mortel, et pourtant je n’imagine pas que l’on impute ceci à l’élite politique française. Un peu de sérieux, un peu de vérité, et ma foi beaucoup de respect, les péroraisons des salons chics des capitales occidentales ne sont plus seulement ridicules, elles sont mensonges et donc impliquent sanction.
La révolution cubaine, un exemple,
La révolution cubaine, un chemin.

24/09/2008 11:04 par Ruben

Oh - là Archibald ;
Tu ne serais pas un nouveau Lord Byron ?
Tes idées me sont sympathiques ; je suis d’accord plus ou moins - en tout cas sur le fond.
Mais n’idéalises pas à ce point.
Ouvres grand les yeux ; vas y vivre un mois ou deux juste pour l’avant goût.
Un apparatchik corrompu et démagogue de la Havane n’est pas trop différent d’un voyou de l’entourage de notre roi actuel (notre Joe Dalton à talonnettes).

24/09/2008 12:04 par Viktor Dedaj

"Un apparatchik corrompu et démagogue de la Havane n’est pas trop différent de..."

Encore faut-il qu’il existe. Bon, évidemment qu’il existe. Mais à combien d’exemplaires ? Et quel est son pouvoir réel ? Evolue-t-il comme un poisson dans l’eau ou est-il obligé de "faire attention" ? Parade-t-il à la télé nationale en se vantant de ses exploits ?

Pendant une période de forte crise, est-il réellement "corrompu" ou tente-t-il de "faire vivre sa famille" ? C’est-à -dire sommes-nous dans la logique "toujours plus" ou juste "un peu plus serait pas de trop" ?

Autant de questions qui, selon la réponse, change de tout au tout.

Et le prochain qui dit "vas y vivre un mois ou deux...", je hurle.

Viktor Dedaj

25/09/2008 13:41 par emcee

Et le prochain qui dit "vas y vivre un mois ou deux...", je hurle.

Moi, ça y est, j’ai hurlé ! Parce que ce genre d’argument bidon, ça commence à bien faire !

Evidemment qu’on vit mieux en France !
Enfin, je veux dire les nantis. Parce que les autres ...

Avant de tenter l’aventure à Cuba, on pourrait aller vivre "un mois ou deux" dans les quartiers pauvres, ou dans les caravanes où ont trouvé refuge ceux qui ne peuvent même pas payer un loyer avec leur salaire de misère ou l’aumône gouvernementale, ou dans les bidonvilles qui s’installent un peu partout comme dans les années soixante.

Mais ceux-là , on ne les voit pas. Ou on ne veut pas les voir, parce qu’évidemment, ceux qui ne s’en sortent pas sont des fainéants. Et puis, ça nous en fait plus pour nous, hein ?

Après on pourra aller se mêler aux "pauvres" de Cuba, qui s’ils n’ont pas le superflu, parce que le pays est pauvre, et ostracisé par les prédateurs de la planète, ont au moins l’essentiel. Et l’essentiel, ce ne sont pas les biens matériels, comme tous ces gadgets qu’on nous vend comme indispensables.

La France, nous dit-on, est un pays "riche", mais riche de quoi ?
Très peu de ressources naturelles, en tous cas pas suffisamment pour s’auto-suffire, délocalisation des industries, précarisation de la population active, etc.
Alors, elle est riche de quoi, la France ? Elle est riche de ce qu’elle pille aux pays pauvres qui, eux, ont les ressources naturelles. Et pas d’embargo, pour autant, pas de sanctions, pas d’ostracisme, et une propagande éhontée.

Et elle n’est certainement pas riche d’humanisme et de souci d’égalité.

Et puis, les Français, si prompts à nous envoyer à Cuba, soi-disant pour y constater la misère et l’échec, pensent-ils à nous envoyer vivre en Inde, par exemple, parmi les pauvres, ou dans les camps de réfugiés, résultat des politiques occidentales ?

Alors, arrêtez de faire du psittacisme, réfléchissez un peu !

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