Décryptage

Je suis plus que fatigué par l’utilisation intempestive des mots « décryptage » et « décrypter » par les neuneux des médias dominants.

Lorsque l’on utilise un terme de manière surabondante (en ce moment, chez les djeuns’, c’est « genre ») ou fausse, il y a un problème, une entourloupe, une manœuvre. Que cela soit conscient ou pas importe peu.

Le dictionnaire Robert nous dit que décrypter c’est « traduire des messages chiffrés dont on ne possède pas la clé. Restituer le sens d’un texte obscur. »

La traduction d’un message chiffré implique que l’on casse un code qui a permis l’élaboration de ce message. On a tous en mémoire la célèbre machine allemande Enigma durant la Seconde Guerre mondiale, réputée inviolable mais qui, grâce à Alan Turing entre autres, fut retournée contre les Allemands.

Le sens littéral a facilement débouché sur un sens figuré : « restituer le sens d’un texte obscur ». Lorsqu’on se plonge dans la lecture d’un auteur ardu du style Schopenhauer (« genre ») il est parfois indispensable d’avoir affaire à une glose, simplificatrice ou pas, qui nous aide à déchiffrer, à éclaircir, bref à comprendre une pensée, une écriture peut-être déroutante au premier abord.

Nous ne connaissons pas ce genre de difficulté lorsque nous avons affaire aux neuneux moyens – ou même supérieurs – des médias qui prétendent nous aider à appréhender le sens de la parole dominante.

Ce « décryptage » dénote la complicité entre gens des médias et gens de la politique. Ils sortent du même moule (Sciences-po pour les plus en vue) et leur but n’est pas d’informer mais de produire de la communication. Or si informer c’est aller vers l’autre, lui donner quelque chose, l’enrichir, communiquer c’est aller de soi à soi dans une démarche autotélique. Lorsqu’un journaliste annonce qu’il va décrypter le discours du Premier ministre, cela sous-tend forcément un racisme de classe ou culturel.

COMMENTAIRES  

20/02/2021 11:18 par babelouest

Bonjour Bernard. Effectivement, il s’agit tout simplement (ouiiiiii le mot existe encore) d’interpréter un texte, voire une simple phrase. Non, il ne s’agit surtout pas de l’expliquer ! Souvent en quelque sorte, en fait, le but est de la crypter selon le code du jour afin qu’elle en devienne incompréhensible selon la signification usuelle des mots. Après, les grands-prêtres de la Nouvelle Religion Néolibérale pourront proférer en latin “du fond de la cour” (les anciens comprendront) « Ite, missa est » (allez, le message a été passé, selon la nouvelle nomenclature des mots re-nés au soleil de la nouvelle doxa).

Ah, Victor Hugo avait proclamé « Je mis un bonnet rouge au vieux dictionnaire », comment qualifierait-il cette nouvelle mouture, d’un rose de petticoat usagé......

(pourquoi petticoat ? il s’agit d’un amusant souvenir, de notre fin de campagne législative : nous étions une dizaine, à Évreux, et nous avions fêté notre travail ; la candidate pour cette ville, qui avait pendant des années vécu à Londres, avait à la fin du repas raconté une petite histoire dans un anglais de bon aloi)

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