Il semblerait qu’un vent nouveau souffle sur l’Amérique Latine depuis quelques temps, avec la distanciation de plusieurs pays, et non des moindres, des États-Unis. La théorie des « dominos » qui leur était si chère dans les années 70 semble se retourner contre eux.
Inutile d’insister sur le Cuba de Fidel Castro qui résiste depuis quatre décennies à un féroce embargo, ou le Vénézuéla de Hugo Chávez qui a déjoué un coup d’état il y a juste un an, dont la sympathie pour Fidel est connue de tous, et qui demande à intégrer le Mercosur depuis plusieurs années.
Après les élections de Toledo au Pérou et de Lula au Brésil, dûment averti par la Maison Blanche, après qu’il eût déclaré vouloir tisser des liens plus étroits avec le Vénézuéla, les déclarations d’intention mais aussi les faits laissent peut-être présager une sensible évolution.
Après leur refus de voter la guerre contre l’Iraq au Conseil de Sécurité de l’ONU, le Mexique et le Chili sont dans l’oeil du cyclône et leurs relations avec les Etats-Unis se sont sérieusement rafraîchies. Le 5 mai, jour de la fête nationale mexicaine, G.W Bush s’est rendu en Arkansas, alors que traditionellement une manifestation en l’honneur du Mexique est donnée à la Maison Blanche. Dans son discours, Bush n’a fait allusion qu’aux valeureux américains d’origine mexicaine qui servent si bien les Etats-Unis. Du Mexique, nenni. Finies les chaleureuses poignées de main avec Vicente Fox, le dialogue est rompu. Malgré le limogeage de l’Ambassadeur du Chili à l’ONU, Washington regrette toujours la position du Chili sur la guerre et l’accord de libre-échange qui devait être signé a été reporté, alors que, dans le même temps, il l’était avec Singapour. Le Chili s’est par ailleurs, rapproché récemment de l’Union Européenne. Mais, un pas en avant, deux pas en arrière, le nouvel Ambassadeur à l’ONU a déclaré que le Chili soutiendrait la prochaine résolution sur l’Iraq.
En Argentine, le très probable futur président Néstor Kirchner a déclaré pendant sa campagne que, s’il était élu, il renforcerait les liens avec le Brésil et le Chili.
En août 2003, le Brésil et le Pérou signeront un traité de libre-échange.
Ces jours-ci, lors de son passage à Santiago, le chanteur et Ministre brésilien de la Culture Gilberto Gil signera un mémorandum de coopération culturelle avec le Chili.
Le Brésil, le Vénézuela, le Mexique, l’Argentine et le Chili sont les pays les plus riches d’Amérique Latine et constituent ensemble une force économique non négligeable, certes encore très liée aux Etats-Unis.
En somme, assisterait-on aux prémices d’une redistribution des cartes en Amérique Latine ?
A moins que G.W Bush n’abandonne son jeu de cartes iraquien pour se remettre aux dominos.