Les agences humanitaires disent que la situation à Gaza est la pire qu’on ait connue depuis 40 ans. Pensez-vous qu’Israël va faire quelque chose pour l’améliorer ?
Cela va dépendre de la situation internationale. S’il n’y a aucun signe dans ce sens de la part de l’Europe et des Etats-Unis, Israël va continuer sa politique contre la population palestinienne dans la Bande.
L’establishment militaire est déjà en train de discuter de la possibilité d’utiliser l’artillerie contre des zones à forte densité de population civile, si des missiles « Qassam » continuent à être tirés sur Israël.
Utiliser l’artillerie contre des zones à densité de population civile élevée est une obsession de Ehud Barak (ministre de la défense), qui a demandé à ses conseillers politiques si une opération de ce type serait interdite par le droit international. Il s’agit d’une option qui est examinée très sérieusement à la fois par le gouvernement et par l’armée qui sont déjà , en partie, en train d’employer cette tactique. Le problème est de savoir s’ils vont l’utiliser à une échelle encore plus vaste.
Après les derniers massacres israéliens (à Gaza, NdT) on a parlé de « shoah » et de génocide. Du point de vue du droit international, comment les opérations de l’armée israélienne contre la Bande de Gaza peuvent-elles être jugées ?
Le terme « shoah » a été évoqué par un ministre israélien. Moi je n’aime pas utiliser ces superlatifs (mais cette fois, l’emploi de ce terme par des gens qui s’en réclament d’habitude comme victimes, est paradoxal et inquiétant, et MW évite de le souligner en répondant de cette façon, NdT). Je pense que la situation est tellement grave qu’elle requiert l’emploi de termes appropriés. Nous sommes devant une violation systématique du droit international et devant des crimes de guerre commis par l’armée israélienne. Attaquer des zones habitées par des civils en utilisant la force de façon disproportionnée représente un crime de guerre. Voilà ce que dit le droit international. Et l’armée israélienne a employé ces méthodes de façon systématique, en particulier la semaine dernière.
Comment réagissent l’opinion publique et les pacifistes israéliens devant cette escalade ?
D’un côté l’opinion appuie ces attaques contre Gaza, parce qu’elle les perçoit comme des représailles contre les tirs de Qassam sur les villes israéliennes de Sderot et Ashkelon. Mais d’un autre côté, selon le dernier sondage effectué, la majorité de cette même opinion publique est favorable à l’ouverture de négociations avec le Hamas. Pour ce qui concerne le camp de la paix, nous n’avons pas plus avancé depuis la situation qui s’était ouverte en 2000. Il y a une minorité qui est toujours active -ces derniers jours nous avons fait des manifestations à Jérusalem et Tel Aviv- mais qui reste une minorité. Il ne s’agit plus du grand camp de la paix qu’il y avait jusqu’à il y a dix ans, mené par Peace Now (sur le « camp de la paix », voir aussi
http://www.ism-france.org/analyses/Uri-Avnery-le-camp-de-la-paix-israelien-la-solution-a-Un-Etat-le-boycott-et-l-apartheid-article-6672 , pour une autre analyse critique, NdT)
En réponse au siège de Gaza, il y a eu dernièrement des mobilisations palestiniennes non seulement en Cisjordanie, mais même à l’intérieur d’Israël. Croyez-vous que quelque chose de nouveau est en train d’émerger ?
J’ai été heureux de voir des manifestations populaires de masse à l’intérieur des Territoires occupés, chose qui est rarement arrivée ces dernières années. Mais il est encore trop tôt pour savoir si on est en train d’entrer dans ce que les médias israéliens appellent « troisième Intifada », un nouveau soulèvement de masse qui dure et ne soit pas qu’une réaction de rage provoquée par les massacres israéliens.
Après la victoire électorale du Hamas en 2006 (janvier 2006, NdT), Israël a intensifié la guerre contre la Bande de Gaza, et la colonisation en Cisjordanie. Quel effet cela peut-il avoir sur la perception d’Israël dans le monde ?
Malgré les crimes (de guerre, NdT) qu’il est en train de commettre, Israël a une image bien meilleure que celle qu’il avait jusqu’à ces dernières années. Ni la communauté internationale ni l’opinion publique internationales ne le critiquent comme à l’époque de Sharon. Parce que la perception mondiale de l’islam comme menace à l’égard de l’occident prévaut (voir note de la traductrice ci dessous en 1). Dans ce contexte, les millions d’hommes et de femmes qui ont élu démocratiquement le Hamas sont perçus et traités comme des sous-hommes.
Edition de vendredi 7 mars 2008 de il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/oggi/art48.html
Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio
1 Grâce ou plutôt à cause du travail de propagande du lobby sioniste ; mais aussi, et de nos « côtés », grâce à l’exacerbation irresponsable des communautarismes jusque dans des associations qui se disent de gauche et laïques mais, assez curieusement, ne renoncent pas à rappeler leur appartenance « ethnique » ou « raciale » même dans leur intitulé.
Grâce ou à cause aussi, dans nos pays européens, des manipulations dangereuses -conscientes et inconscientes- des menaces d’antisémitisme toujours brandies par une certaine gauche, et aboutissant, d’un point de vue médiatique et juridique, à restreindre la liberté d’expression, et cela seulement -toujours- au détriment de l’islam, Nd T.
Sur le « camp de la paix », lire le
Témoignage de David Paenson de Francfort, davepolit@yahoo.de, sur
[http://www.ism-france.org/analyses/Uri-Avnery-le-camp-de-la-paix-israelien-la-solution-a-Un-Etat-le-boycott-et-l-apartheid-article-6672]
et
" Une réponse à Uri Avnery - Menés en bateau par la Gauche israélienne ", analyse de Steven FRIEDMAN et Virginia TILLEY, traduit par Michel Ghys, qu’on peut contacter à : m.ghys@scarlet.be