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Une petite idée de lecture pour un Eté à réflexion avant un Automne à contestation !

Depuis quelques années, à l’heure des vacances, j’ai la présomption de vouloir donner des idées de lecture, au nombre desquelles figuraient par exemple Debord ou Marcuse. Les textes que je conseille sont-ils lus ? Est-ce important….

C’est vrai qu’ils sont parfois peu dans un l’air d’un temps qui est de plus en plus à la superficialité. On en sait l’une des raisons, le capitalisme en faisant de la centralité du travail comme réflexion existentielle réduit volontairement l’espace que l’on pourrait réserver à d’autres formes conceptuelles, et qui se trouveraient de fait en dehors de la pensée unique. C’est pourquoi, lors de mes sujétions, j’essaie de proposer des passages édifiants que l’on doit à des auteurs rarement lus, et dont les oeuvres sont loin d’être considérées comme livre de chevet chez beaucoup. En effet, cela saute aux yeux qu’il n’est pas courant à travers les livres de la bibliothèque de maintes maisons d’y trouver quelques ouvrages d’Herbert Marcuse ou Guy Debord, faisant désordre dans la série complète de Barbara Cartland ou même parmi les Harry Potter. Pourtant ces grands penseurs souvent ignorés sont d’importance si l’on ne veut pas tomber dans un formatage essentiellement consumériste de l’esprit.

Certes, Debord n’est pas d’un abord toujours facile, voire parfois obscur, et Marcuse aura dérouté ceux habitués à un marxisme plus orthodoxe ; du moins, d’une orthodoxie héritière de l’obsession productivisme du communisme de l’ancienne URSS, et dont il est difficile d’en faire abstraction pour certains tant ils considèrent encore que ce concept peut être un avantage incontournable pour le bien des populations ; tombant d’ailleurs dans la même illusion que celle du productivisme capitaliste. C’est pourquoi ces lectures là sont nécessaires si l’on ne veut pas sombrer dans la tendance qui mène ce monde, c’est-à -dire l’uniformisation de la pensée. Alors j’insiste !

On peut considérer les deux auteurs précités comme nos contemporains puisqu’ils ont, au cours du siècle précédent, décortiqué essentiellement le capitalisme et ses rouages néfastes. Leurs analyses sont donc postérieures aux grandes mutations sociétales et particulièrement à la Révolution Française. C’est pourquoi, en ces temps où l’on sent notre société perdre son esprit critique, j’ai voulu aller chercher la quintessence de la politique chez ceux qui les premiers ont remis en question les fondements intellectuels et sociaux des sociétés monarchiques, voire féodales. S’appuyant sur des critiques évidentes certains avaient tenté de jeter les bases d’une société nouvelle, ce qui nous permet, en les lisant, de voir s’il y a vraiment eu une évolution ou si leurs théories sont encore d’actualité, confirmant ainsi la prédominance du profit sur la raison.

Je n’irais pas jusqu’à dire que Thomas Moore est devenu à la mode, mais c’est souvent que dans certains écrits nous le voyons cité, c’est la raison qui m’a orienté vers quelqu’un de moins lus sans doute, mais néanmoins reconnu comme un penseur premier au siécle des Lumières. Il s’agit de Jean-Jacques Rousseau et particulièrement « Du contrat social. ». Alors j’ai revisité la version de 1762 dont le sous-titre est évocateur car il est libellé ainsi : « ou principes du droit politique ».

Ce sous-titre est intéressant dans la mesure où de nos jours le mot « politique » est devenu une sorte de repoussoir, pourtant il construit nos sociétés et mérite assurément un peu plus d’égards. Par conséquence, la bouffée d’éthique que Rousseau va apporter au sens politique devrait faire considérer les choses autrement pour ceux qui font dans le scepticisme.

Je sais, certains diront que Rousseau a lui aussi mélangé la religion et la politique. Cependant, il ne fut pas le seul à une époque où l’on n’avait pas encore en France promulgué la séparation de l’église et de l’Etat. Du reste, cette séparation devient plus symbolique que réelle puisqu’une imprégnation forte du spirituel se fait sentir dans beaucoup d’actes politiques, comme la déviance de la droite française favorisant l’éducation privée et surtout confessionnelle, d’autant que le pataquès autour de la « burqa » sert d’écran de fumée pour cacher une laïcité qui s’étiole ; quand la religion n’influe pas directement dans la conduite des états comme aux USA où le Président jure sur la bible ; voire même chez des propagateurs d’un socialisme nouveau comme Chavez qui cite Jésus pour un oui pour un non ; sans oublier les Etats islamiques sous l’emprise totale des religieux.

A la lumière de ces éléments on s’aperçoit que Rousseau à eu une réflexion paradoxale dans la partie « De la religion civile » au chapitre VIII du Livre IV. Effectivement, il considère que le paganisme mettait un dieu à la tête de chaque société politique et que le monothéisme, par contre, avait permis de séparer le système théologique du politique, je le cite : « Le culte sacré est toujours resté ou redevenu indépendant du souverain, et sans raison nécessaire avec le corps de l’Etat. ». Il se rattrape d’ailleurs en signalant une évolution du monde arabe un peu différente du principe qu’il énonce après la disparition de Mahomet, mais surtout en donnant une explication limite sur les rois d’Angleterre qui sont aussi chefs de l’église, explication d’ailleurs tout aussi alambiquées pour les czars de Russie.

Nous laisserons donc ce passage, qui reflète encore dans son esprit l’imprégnation profonde de la croyance, en donnant à lire quelques passages plus politiques et de nature sociale. C’est d’ailleurs étonnant puisqu’il nous sert un paragraphe significatif sur l’aliénation alors que le conditionnement religieux auquel il succombe peut être considéré comme une forme d’aliénation. Sans doute en n’était-il pas encore arrivé à suffisamment de démarquage intellectuel à l’encontre du spirituel. Au demeurant, allons voir ce qu’il nous dit sur l’aliénation.

Dans le regard critique vis-à -vis du pouvoir et de ses exploiteurs on considère volontiers dans nos société moderne qu’aliéner est le fait de soumettre quelqu’un à des contraintes, lui enlever son libre arbitre… Rousseau utilisera une formule plus étymologique autour de laquelle il brodera une réflexion allant finalement vers le sens couramment donné de nos jours :

«  Aliéner c’est donner ou vendre. Or un homme qui est esclave d’un autre ne se donne pas, il se vend, tout au moins pour sa subsistance : mais un peuple pour quoi se vend-il ? Bien loin qu’un roi fournisse à ses sujets leur subsistance il ne tire la sienne que d’eux, et selon Rabelais un roi ne vit pas de peu. Les sujets donnent donc leur personne à condition qu’on prendra aussi leur bien ? Je ne vois pas ce qu’il leur reste à conserver.

On dira que le despote assure à ses sujets la tranquillité civile. Soit ; mais qu’y gagnent-ils, si les guerres que son ambition leur attire, si son insatiable avidité, si les vexations de son ministère les désolent plus que ne feraient leurs dissensions ? Qu’y gagnent-ils, si cette tranquillité même est une de leurs misères ? On vit tranquille aussi dans les cachots ; en est-ce assez pour si trouver bien ? Les Grecs enfermés dans l’antre du Cyclope y vivaient tranquilles, en attendant que leur tour vînt d’être dévorés. »

Nous somme en République et pourtant, peu de choses ont changé et le fond de cette réflexion pourrait fort bien s’adapter à l’oligarchie capitaliste réduisant à l’esclavage un travailleur qui se vend pour glaner une sorte d’aumône chichement donnée par l’exploiteur. Et surtout dans une République comme la nôtre où le chef de l’Etat se transforme au fil des jours en sorte de Roi républicain menant notre pays vers l’autocratie.

C’est pourquoi, en guise de conclusion, en recommandant la lecture ou la relecture « Du contrat Social », les quelques lignes suivantes donnent les raisons pour nous opposer avec force aux diktats des capitalistes. Les mots forts de Rousseau sont une sorte d’appel à se débarrasser du carcan, du conditionnement, du formatage, du consentement que les exploiteurs tentent de généraliser pour mieux mettre à merci les peuples.

« Renoncer à sa liberté c’est renoncer à sa qualité d’homme, aux droits de l’humanité, même à ses devoirs. Il n’y a nul dédommagement possible pour quiconque renonce à tout. Une telle renonciation est incompatible avec la nature de l’Homme, et c’est ôter toute moralité à ses actions que d’ôter toute liberté à sa volonté. » (Livre I, Chapitre IV, De l’esclavage)…

Par Michel MENGNEAU

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