Cette décision est la dernière d’une série d’atteintes aux droits juridiques et démocratiques d’Assange par le pouvoir judiciaire britannique. Cela signifie que l’éditeur et journaliste sera détenu jusqu’au mois de février prochain pour son extradition vers les États-Unis, où il risque 175 ans de prison pour avoir dénoncé des crimes de guerre américains.
Étant donné que la procédure d’extradition entraînera probablement une longue bataille juridique, la décision de Baraitser confine potentiellement Assange à la prison de haute sécurité de Belmarsh pour les années à venir.
L’affaire a été largement présentée dans les médias bourgeois comme une audience sur le cautionnement d’Assange. Un communiqué publié par le compte Twitter officiel de WikiLeaks ce vendredi a rejeté ces affirmations, expliquant que : « L’audience de ce matin n’était pas pour la liberté sous caution, c’était une audience technique. Malgré cela, le magistrat a refusé à titre préventif la libération sous caution avant que la défense ne la demande. »
WikiLeaks a déclaré : « Le magistrat dit qu’Assange restera en prison indéfiniment. Il est de plus en plus privé de liberté depuis son arrestation il y a 9 ans, une semaine après avoir commencé à publier Cablegate. » « Cablegate » fait référence à la publication par WikiLeaks en 2010 de centaines de milliers de câbles diplomatiques étasuniens, exposant les intrigues sordides du gouvernement américain et de ses alliés dans le monde.
Dans des remarques adressées à Assange, Baraitser aurait déclaré : « Vous avez été amené à cette audience aujourd’hui parce que votre peine d’emprisonnement est sur le point de prendre fin. Quand cela se produira, votre statut de prévenu passera de prisonnier en service à personne menacée d’extradition. »
Elle a continué : « J’ai donc donné à votre avocate l’occasion de présenter une demande de libération sous caution en votre nom et elle a refusé de le faire. Peut-être cela n’est pas surprenant étant donné votre habitude à vous soustraire à la justice dans cette procédure. » La déclaration de WikiLeaks contredit cette affirmation. Elle accuse la juge d’empêcher toute demande de libération sous caution par les avocats d’Assange.
Baratiner a déclaré : « À mon avis, j’ai de bonnes raisons de croire que si je vous relâche, vous vous échapperez à nouveau ».
Une autre audience administrative est prévue pour le 11 octobre, suivie d’une audience de gestion de cas le 21 octobre.
La décision de Baratiner était fondée sur l’affirmation frauduleuse selon laquelle Assange s’était illégitimement « soustrait à la justice » en étant en liberté sous caution en 2012. En réalité, Assange a exercé son droit, protégé par le droit international, de demander l’asile politique à l’ambassade de l’Équateur à Londres. Il l’a fait après que les tribunaux britanniques eurent décidé de le faire extrader vers la Suède pour « répondre à des questions » sur des allégations d’inconduite sexuelle fabriquées et politiquement motivées.
Les autorités britanniques et suédoises ont refusé d’expliquer pourquoi l’extradition était nécessaire pour qu’une « enquête préliminaire » puisse avoir lieu. Ils n’ont pas expliqué non plus pourquoi les procureurs n’accepteraient pas l’offre répétée d’Assange de répondre aux questions de Londres. Les procureurs suédois ont finalement interrogé Assange, en décembre 2016, après quoi ils ont abandonné leur « enquête » frauduleuse en avril 2017.
Le problème pour Assange était que les autorités suédoises refusaient de garantir qu’elles ne l’extraderaient pas vers les États-Unis s’il était sous leur garde.
Le fait que la demande d’asile était nécessaire pour protéger Assange d’un procès-spectacle à motivation politique aux États-Unis a été pleinement confirmé en avril de cette année. Le département de la Justice de l’administration Trump a dévoilé 17 accusations d’espionnage contre lui. S’il est reconnu coupable des accusations d’espionnage et d’une infraction moindre, Assange serait passible d’une peine d’emprisonnement à perpétuité pouvant atteindre 175 ans.
Assange a été reconnu coupable de s’être soustrait à la justice, à la suite de sa demande d’asile politique quelques heures à peine après son expulsion illégale de l’ambassade de l’Équateur à Londres et son arrestation par la police britannique le 11 avril.
La juge britannique qui présidait l’audience n’a pas tenu compte du fait qu’Assange avait renoncé à la caution que ses partisans avaient payée, qu’il avait passé près de sept ans comme un véritable détenu des autorités britanniques dans le petit bâtiment de l’ambassade, et que les organes des Nations Unies avaient confirmé son droit de demander l’asile politique à plusieurs reprises.
On a condamné Assange à 50 semaines de prison. En vertu de la législation britannique, la peine maximale pour une violation de la liberté sous caution est de 52 semaines. Toutefois, les personnes reconnues coupables d’une telle infraction sont admissibles à la mise en liberté après la moitié de la période de détention.
Le refus de Baraitser de libérer Assange démontre le mépris vindicatif de l’establishment britannique pour les avertissements concernant sa santé physique et mentale.
Des personnes qui ont récemment rendu visite à Assange, dont John Pilger et Gabriel Barber-Shipton, le frère du fondateur de WikiLeaks, ont déclaré qu’il avait perdu beaucoup de poids. Barber-Shipton a dit publiquement, après sa visite à Assange le mois dernier, qu’il craignait de « ne jamais revoir » son frère.
Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture, Nils Melzer a condamné à plusieurs reprises les autorités britanniques pour l’avoir mis en détention dans une prison de haute sécurité. En le visitant en prison plus tôt cette année, il a découvert qu’Assange avait été victime d’une longue campagne de « torture psychologique ».
Dans une lettre adressée au gouvernement britannique en mai, Melzer a déclaré que les conditions de détention d’Assange lui avaient valu « une exposition continue à des souffrances psychologiques de plus en plus graves et l’exacerbation continue de son traumatisme préexistant ».
Au cours des cinq derniers mois, on a souvent détenu Assange dans des conditions de quasi-isolement cellulaire. On a fortement restreint son droit de recevoir des visiteurs et on lui a refusé l’accès à un ordinateur, à la bibliothèque de la prison et aux documents juridiques pertinents aux fins de sa défense contre l’extradition américaine.
La décision de vendredi démontre la détermination de l’establishment juridique et politique britannique à fouler aux pieds les droits démocratiques d’Assange et à faciliter son extradition. Une poursuite américaine contre Assange pour les activités licites d’édition de WikiLeaks constituerait une attaque généralisée contre les droits démocratiques fondamentaux, y compris la liberté d’expression et la liberté de la presse.
Ce jugement brutal souligne la nécessité urgente de transformer la compassion de masse pour Assange parmi les travailleurs, les étudiants et les jeunes du monde entier, en un mouvement politique conscient qui lutte pour sa liberté immédiate.
En Australie, une pression maximale doit être exercée sur le gouvernement fédéral libéral-national pour l’obliger à faire respecter les droits d’Assange en tant que citoyen et journaliste australien. La communauté internationale doit exiger que le gouvernement australien intervienne avec tout son poids diplomatique et sa discrétion juridique pour obtenir la libération immédiate d’Assange de la prison de Belmarsh. Le gouvernement doit aussi assurer son droit de retourner en Australie, s’il le souhaite, avec une garantie contre son extradition vers les États-Unis.
(Article paru en anglais le 14 septembre 2019)