Regroupant 120 membres à l’heure actuelle, la CPI a été créée pour répondre à la nécessité de la mise en place d’un tribunal international permanent afin que soient traduits en justice les auteurs de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre. Le Statut de Rome, entré en vigueur en 2002, jeta les bases juridiques de la création de la Cour pénale internationale et des tribunaux ad hoc. Mais, ne disposant pas en propre d’un mécanisme d’application de ses décisions, la Cour dépend fortement de la coopération des États pour fonctionner.
Le Sommet d’Addis Abeba a attiré l’attention sur le fait que la CPI mène actuellement des enquêtes dans huit pays, tous africains, (Kenya, Côte d’Ivoire, Libye, Soudan, Ouganda, Centrafrique, RD du Congo et Mali), ce qui représente un pays africain sur huit mis ainsi à l’index.
Et pourtant, les atrocités commises par les États-Unis et leurs alliés en Irak, en Afghanistan et dans chacune de leurs « interventions humanitaires » ne devraient-elles pas être considérées comme des crimes de lèse-humanité ?
Selon plusieurs dirigeants africains, la CPI est une instance qui pratique le « colonialisme judiciaire », même si certains pays comme la République démocratique du Congo où l’Ouganda ont demandé l’intervention de la CPI.
Dans cette perspective, les chefs d’État et de gouvernement réunis pendant deux jours à Addis Abeba ont demandé le report des procès contre le président kenyan Uhuru Kenyatta et son vice-président William Ruto accusés par la Cour pénale internationale de crimes contre l’Humanité lors de la crise postélectorale de 2007-2008.
L’Union africaine a également réclamé la suspension des procédures de la CPI contre le président soudanais Omar el-Béchir, et adopté une résolution pour que les chefs d’État en exercice ne puissent être poursuivis le temps de leur mandat par la justice internationale.
Mme Nkosazana Dlamini-Zuma, présidente de la Commission de l’UA, a démenti les rumeurs quant à un éventuel retrait collectif de l’Union africaine de la Cour pénale internationale, rappelant que les États africains, de leur propre volonté et pour la défense de la justice internationale, sont signataires du Statut de Rome, et que beaucoup de pays africains ont eu une participation active aux différentes phases de négociations pour l’instauration de la CPI.
Elle a souligné que l’objectif de cette réunion est d’envoyer un message politique fort à la Cour pénale internationale afin qu’elle prenne les préoccupations de l’Afrique au sérieux, sans se limiter uniquement à juger et condamner des dirigeants africains. « La CPI doit cesser de vouloir civiliser l’Afrique », a-t-elle dit.
« Nous aimerions que le Conseil de sécurité de l’ONU et la CPI travaillent de concert avec nous au renforcement du processus de stabilisation, de réconciliation et de paix », a déclaré la commissaire Dlamini-Zuma en abordant en particulier le dossier kenyan. « L’Afrique s’oppose à une déstabilisation du Kenya », a-t-elle dit.
L’UA considère les procédures ouvertes contre Kenyatta et Ruto comme une entrave à la normalisation de la situation dans ce pays.
Pour sa part, le ministre éthiopien des Affaires étrangères Tedros Adhanom Ghebreyesus, dont le pays occupe la présidence pro tempore de l’UA, a signalé que « loin de promouvoir la justice et la réconciliation, la CPI s’est transformée en instrument politique visant l’Afrique et les Africains ».
« La façon dont la Cour fonctionne, particulièrement son traitement injuste de l’Afrique et des Africains, laisse à désirer », a-t-il dit.
Concernant le kenya, M. Tedros a lancé une mise en garde contre les méthodes de la CIP, qui, d’après lui, pourraient provoquer une escalade de violence régionale.
« Il est regrettable que nos appels répétés soient tombés dans l’oreille d’un sourd et que nos inquiétudes aient été complètement ignorées », a-t-il indiqué.
Claudia Fonseca Sosa