L’échec du coup d’état et les phases du conflit
Le 18 juillet des unités de l’armée espagnole, basée au Maroc se soulèvent. Le coup de force réussit dans une partie du pays, mais échoue dans tout le reste. Le gouvernement comprend alors rapidement que seule une partie de l’armée lui obéit encore. Il accède donc à la demande des organisations de gauche et d’extrême-gauche : donner des armes à la population.
On peut ainsi distinguer plusieurs phases dans ce conflit. La première est celle du début de la guerre civile jusqu’au début du mois de novembre 1936. Dans cet intervalle les rebelles nationalistes ne contrôlent que 40% du territoire, le reste étant toujours sous contrôle républicain. C’est aussi durant cette phase que les troupes basées au Maroc, sous le commandement de Franco, peuvent franchir le détroit de Gibraltar grâce aux aides allemandes et italiennes. Franco surprend d’ailleurs tout le monde en choisissant de ne pas lancer ses hommes à l’assaut de Madrid, la capitale, mais plutôt de foncer sur Tolède, ville où des jeunes soldats lui étant favorables étaient assiégés. Cette décision produit deux effets : elle confère une aura et une crédibilité à Franco, mais elle permet aussi aux habitants de Madrid de se préparer et de fortifier la ville.
La bataille de Madrid occupe une place centrale dans les premiers jours du mois de novembre. Elle aboutit d’abord sur une victoire des républicains qui repoussent les nationalistes provisoirement. Les pertes des deux côtés sont considérables. Les nationalistes changent alors de stratégie et se tournent vers d’autres zones de l’Espagne, notamment au Nord et en Catalogne.
D’avril 1937 à novembre 1938 les combats vont alors se concentrer sur le Nord-Ouest de l’Espagne, où les nationalistes conquièrent cette zone tenue auparavant par les républicains. Bien aidés par le blocus anglais qui, sous couvert d’une neutralité censée être respectée par l’Italie, l’Allemagne, la France, l’URSS et le Royaume-Uni, empêche la livraison d’armes par bateaux aux républicains alors même qu’Allemands et Italiens envoient un lourd soutien aux rebelles.
La séquence qui débute au mois de décembre 1937 et se termine au mois de décembre 1938 consiste en un long grignotage des territoires républicains. La tactique des rebelles nationalistes est à la fois simple et efficace. Elle consiste à couper la zone des républicains en deux, ce qu’ils réussissent dès le mois d’avril 1938. Cet acte marque, déjà, la quasi-assurance que les rebelles l’emporteront. Pourtant, la guerre va encore durer près d’un an. Outre la résistance des républicains deux autres raisons peuvent expliquer le prolongement de la guerre alors que l’issue semblait inévitable. D’abord Franco souhaite une victoire absolue et totale sur toutes les zones où se trouvent encore des combattants républicains. Ensuite les autorités républicaines, dont Juan Negrin président du Conseil des ministres à partir d’avril 1937, pensent que la guerre européenne est imminente. Et que, par conséquent, les démocraties occidentales cesseront leur position de neutralité envers la République espagnole. Il faut donc tenir jusqu’au début des hostilités. Malheureusement pour Juan Negrin la signature des Accords de Munich en septembre 1938 prouve que les occidentaux ne sont pas encore prêts à la guerre, et pourtant...
La fin du conflit s’étale du mois de décembre 1938 au mois d’avril 1939. Les armées républicaines sont alors appauvries et démoralisées, encore plus diminuées après le retrait des Brigades internationales à partir du mois de septembre 1938. Le 26 janvier 1939 Franco et ses troupes sont dans Barcelone, le 4 février c’est Gérone qui est prise et, quelques jours plus tard c’est l’ensemble de la Catalogne qui passe sous contrôle nationaliste. Le 27 mars 1939 c’est la reddition des armées républicaines. Le 28 mars les nationalistes entrent dans Madrid, deux jours plus tard ils entrent dans Valence. Enfin, le 1er avril 1939, dans une allocution prononcée à la radio et diffusée dans tout le pays Franco annonce que « la guerre est terminée. »
La fable du comité de non-intervention
Dès le 18 juillet 1936, au commencent de la guerre civile, le gouvernement espagnol du Front populaire demande l’aide à la France, alors gouvernée par un autre Front populaire. Beaucoup au sein du de la gauche française y sont favorables, mais d’autres expriment une vive opposition à l’image du radical Edouard Herriot. De plus, une grande partie des Français ont encore en souvenir l’horreur de la Première Guerre mondiale. Le Royaume-Uni de son côté se refuse à toute aide aux républicains espagnols, par aversion pour le communisme, alors même qu’en 1936 le Parti communiste espagnol (PCE) ne possède que quelques milliers d’adhérents. Les dirigeants britanniques expriment clairement leur position à Léon Blum, qui finalement se résigne.
Le 1er août 1936 un principe de non-intervention est ainsi adopté sous l’égide du Comité international pour la non-intervention qui regroupe la France, l’URSS, le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Italie. Chacun des voisins plus ou moins proche de l’Espagne se voit assigner un rôle : celui d’empêcher la livraison d’arme aux deux camps. La France doit surveiller la frontière des Pyrénées, l’Italie la Méditerranée et l’Angleterre l’océan Atlantique.
Problème les Anglais seront les seuls à réellement appliquer cet accord. Italiens et Allemands vont, dès le début, appuyer les nationalistes, l’URSS, après quelques tergiversations, s’engagera du côté des républicains, tandis que la France ouvrira ses frontières aux combattants blessés espagnols souhaitant se faire soigner, permettra aux volontaires de rejoindre l’Espagne et essayera même de vendre secrètement des armes à la République.
Les forces en présence
Les nationalistes :
Les forces nationalistes sont diverses et mêlent plusieurs courants. On y retrouve la Confédération espagnole des droites autonomes (CEDA), la Phalange qui a pris une dimension tout autre que quelques années plus tôt, les Carlistes (monarchistes), les forces armées basées au Maroc, et une autre partie de l’armée espagnole. Le camp nationaliste fut appuyé par de nombreuses aides extérieures.
L’aide aux nationalistes
Par l’Allemagne et l’Italie :
A partir du 28 juillet 1936 les troupes rebelles parviennent à franchir le détroit de Gibraltar grâce à l’Allemagne et à l’Italie. Mais l’aide de ces deux puissances va aller bien plus loin.
L’Italie envoie ainsi des troupes, regroupées au sein du Corpo Truppe Volontarie (Corps des Troupes Volontaires) dont les effectifs sont estimés à 75 000 Italiens. Par ailleurs Mussolini fut généreux en argent, en matériel militaire et en munition en tout genre : en fournissant des milliers de mitrailleuses et autres fusils mitrailleurs, plus de 150 chars légers, des canons, ou encore plusieurs dizaines de millions de cartouches.
L’aide de l’Allemagne est plus discrète, mais bien réelle elle aussi. Surtout, elle s’accentue à partir des mois d’octobre et de novembre 1936. Hitler fournit aux nationalistes des armes et du matériel (chars, canons, avions de combats etc.) et envoie des soldats via la Légion Condor, qui comporte 6 000 hommes régulièrement renouvelés. Les effectifs totaux allemands engagés sont ainsi de 19 000.
La guerre civile espagnole ne permet pas seulement à ces deux puissances de tester leurs armes, elle enclenche, entre-elles, un rapprochement, caractérisé par la constitution de l’Axe Rome-Berlin en octobre 1936.
L’aide des volontaires
En plus des Allemands et des Italiens d’autres volontaires viennent prendre part au conflit au côté des nationalistes. Quelques milliers de Portugais (environ 4 000), surnommés les Viriatos s’engagent à leurs côtés. La Bandera Jeanne d’Arc regroupa, quant à elle, les volontaires Français (issus du Parti populaire français, du Parti social français, des Croix de feu ou encore des Camelots du Roi) et Belges tandis que la Légion Saint-Patrick regroupa les volontaires Irlandais (près de 700).
Le camp républicain
Du côté des républicains les forces étaient tout aussi nombreuses et variées. L’ensemble de la gauche d’abord, des socialistes au PCE en passant par les anarchistes, les partis indépendantistes notamment de Catalogne et du Pays Basque et les syndicats comme l’UGT. De plus le reste des forces armées qui n’avaient pas rejoint Franco se rangèrent du côté des Républicains. Dès octobre 1936 l’armée restée fidèle au gouvernement fut d’ailleurs renommée Armée populaire de la République espagnole, à laquelle furent intégrées les Brigades internationales. Les forces aériennes restèrent également en majorité du côté des républicains de même que les forces de police regroupées au sein de la Garde d’assaut.
Mais les différentes composantes du camp républicain ne s’entendent pas entre elles et leurs stratégies divergent. Alors que socialistes et communistes du PCE souhaitent d’abord gagner la guerre avant d’entamer une transformation de la société, anarchistes et militants du POUM, Parti ouvrier d’unification marxiste, souhaitent faire d’une pierre deux coups : mener la guerre et faire la Révolution. Dans certaines campagnes, et notamment en Catalogne les terres sont collectivisées et les ouvriers occupent les usines des villes.
Le gouvernement républicain tente pourtant de centraliser toutes les milices ouvrières et de coordonner leur action avec celle de l’Armée populaire. Mais en mai 1937 ces oppositions se transforment en conflit interne au sein du camp républicain, caractérisé par les combats au début du mois à Barcelone. Au terme de ces affrontements, le POUM est dissout. Andreu Nin, l’un de ses dirigeants est torturé et assassiné sous ordre d’agents du NKVD soviétique. Ces affrontements entre républicains seront l’une des causes de la défaite face aux nationalistes.
L’aide aux républicains
Par l’URSS et le Mexique
Comme les nationalistes, les républicains reçurent de l’aide extérieure malgré le principe de non-intervention. A partir d’octobre 1936 Staline décide, en effet et après quelques tergiversations, d’apporter une aide à la République. L’URSS fournit des chars, des avions, des munitions et des armes aux combattants républicains, en contrepartie de l’or espagnol. L’URSS tente par ailleurs de susciter une forme de mobilisation de l’opinion publique et à encourager le départ de volontaires. Elle envoie aussi des conseillers militaires, mais aussi des agents du NKVD qui font des rapports très réguliers à Staline sur l’évolution de la situation et participent à la répression des mouvements anti-staliniens. D’ailleurs, en l’espace d’un an, le PCE minoritaire passe de 5 000 à 300 000 adhérents.
Le Mexique, qui à l’inverse des autres nation n’a pas signé pour la non-intervention, va envoyer de l’argent, du pétrole, de la nourriture et accueillir également des orphelins et des combattants espagnols après la Retirada. (Pour plus de détails sur l’aide du Mexique, lire : Le Mexique, la République espagnole et les républicains).
Les volontaires
Les Brigades internationales seront l’objet de la troisième partie de ce dossier consacré à la guerre civile espagnole. Toutefois avant même la création des Brigades internationales, des volontaires sont sur place dès le début de la tentative de Coup d’état et prennent les armes pour la République. Ce sont souvent des réfugiés politiques (d’Allemagne ou d’Italie) à qui l’Espagne avait accordé un asile.
Par ailleurs les partis communistes ne restent pas longtemps sans réagir et appellent à la solidarité internationale. Ainsi, le comité central du Parti communiste allemand demande à ses militants ayant une expérience militaire d’aller se battre en Espagne. Même son de cloche du côté du Daily Worker, quotidien du Parti communiste de Grand-Bretagne. En France le Parti communiste envoie d’abord des observateurs, avant d’organiser les hommes en France pour aller se battre aux côtés de la République. De nombreux autres organismes tentent d’organiser une aide : le Comité international d’aide au peuple espagnol, le Comité d’aide aux victimes du fascisme, ou encore le Secours rouge international. Futur ministre de la Culture, André Malraux s’engagera également pleinement dans ce combat antifasciste en créant une une escadrille aérienne baptisée Espana.
Un bilan difficile
Compte tenu des différentes sources qui varient, parfois énormément, et des nombreux travaux réalisés sur ce sujet je ne ferai pas un tableau précis du nombre de victimes qui se comptent en centaines de milliers. Les combats auraient ainsi causé la mort de 100 000 à 250 000 soldats, il faut ajouter à cela un nombre quasi-similaire (de 120 000 à 220 000) victimes civiles. Conséquence directe de la guerre, la famine causera la mort de près de 50 000 personnes. Dans les zones contrôlées par chacun des camps des violences sont orchestrées. Près de 7 000 ecclésiastiques sont ainsi exécutés dans les zones républicaines tandis que, à Séville, par exemple, ville contrôlée par les nationalistes, ce seront près de 9 000 ouvriers qui seront tués en quelques jours. A tout cela il faudra ajouter la terrible répression qu’exercera la dictature de Franco par la suite et l’exil de plusieurs centaines de milliers de personnes (plus de 400 000 qui fuiront en France entre les mois de janvier et de mars 1939).
Dans ces années de terreur, les Brigades internationales allaient constitué un acte de solidarité mondiale, marquant un contraste net avec les démocraties occidentales qui refusèrent de prendre parti pour la République. La troisième et dernière partie traitera donc uniquement des Brigades internationales.
A suivre...