Après les molosses et autres policiers, certains proviseurs de lycée usent de moyens autrement pernicieux pour ôter à nos enfants toutes velléités de contestation et les préparer à la vie d’obéissance et de soumission qui les attend.
Ainsi au Lycée de Lannemezan, les internes et demi-pensionnaires qui font grève et ne suivent donc pas les cours sont menacés de ne pouvoir prendre leurs repas ou rentrer à l’internat pour y passer la nuit. Ci-dessous la note du proviseur avisant de cette décision ;
"Les services de restauration et d’hébergement (demi-pension et internat) sont des services annexes de l’établissement et sont proposés aux usagers du Service Public qui suivent effectivement les cours qui leur sont dispensés.
Cela implique qu’un élève qui estime (avec pour un mineur l’autorisation écrite préalable signée de son représentant légal) devoir manquer à l’obligation d’assiduité et ainsi renoncer à sa qualité d’usager du Servive Public d’Education renonce du même coup à être usager du service annexe de restauration et du service annexe d’hébergement.
Le lycée n’est pas un restaurant, ni un hôtel sans règles."
Le proviseur magnanime laisse cependant une échappatoire à ses otages : ils pourront profiter de ces services s’ils s’engagent par écrit à ne plus perturber les cours et l’entrée du lycée.
Notez comment au passage, la protestation des lycéens contre le démantèlement de leur école est devenue "un manque à l’obligation d’assiduité". Notez comment un mouvement collectif est transformé en confrontation individuelle avec l’autorité. Dame, il faut s’y faire. Les syndicats et les lois sociales n’existent bientôt plus, seuls règnent, l’entreprise et les lois du marché. Devenu employé, le lycéen devra négocier d’égal à égal avec son patron, ses conditions d’embauche, ses horaires, son salaire et ses congés peut-être. Il devra s’engager à ne pas faire grève, ni contester l’autorité, sous peine de perdre la faveur qui lui est faite de pouvoir travailler. Pour le convaincre, il aura eu à connaître dès son plus jeune age les policiers à l’école, et au lycée les CRS qui cognent et les chiens qui "piquent" quand ils mordent.
Non, le lycée n’est pas un restaurent, ni un hôtel (les chiens n’y sont généralement pas admis !), ce n’est pas non plus un lieu d’ouverture au dialogue et à la société, c’est un lieu d’intimidation et d’encasernement. Dans ces conditions, la disparition des IUFM va de soi ; il n’y a pas besoin de formation poussée pour manier la carotte et le bâton. Nos enfants doivent laisser leurs rêves et leurs espérances à la porte de l’école s’ils ne sont pas conformes à ceux que les maîtres ont concoctés pour eux et qu’ils ne peuvent refuser sous peine de dérive anarcho-gauchiste.
Combien de protestations conventionnelles, manifestations et grèves ponctuelles, combien de propositions des représentants enseignants et étudiants sont traités par le mépris et l’ignorance par les ministres et leurs chiens de garde - les bons éléments sont en classe, les autres sont dans la rue. Devant cette hauteur et ce dédain, que reste-t-il pour se faire entendre sinon des actions plus radicales ?
Comment est-il possible que des directeurs d’établissement et leurs collègues, du personnel technique et administratif aux enseignants, qui à raison se plaignent régulièrement du manque de moyens humains et matériels, ne trouvent pas d’autres façons de parler et d’agir avec leurs élèves qui dans le fond expriment les mêmes préoccupations ? Tous ou beaucoup se sentent-ils obligés, sous peine de perdre leur emploi et au mépris de leurs convictions pédagogiques, d’obéir aux ordres et décrets venant de leur ministère et inspections académiques ? Ont-ils oubliés les précédents de notre histoire quand le pire est arrivé dans la brume des compromissions après que certains fonctionnaires de l’administration eurent posé leurs mouchoirs tachés d’obéissance sur les soubresauts de leur conscience ?