Le problème de l’ONU est que les grandes puissances qui siègent au conseil de sécurité forment de fait un exécutif qui se croit au-dessus des décisions du législatif qu’est l’assemblée générale. Le conseil de sécurité ne devrait être que l’exécutif des décisions prisent par l’assemblée générale. Le problème est que les grandes puissances ne l’accepteront jamais, pas plus la Russie que les USA.
Poutine parle avec raison qu’il est dangereux de faire croire qu’un pays serait plus exceptionnel qu’un autre. Il enchaîne sur les pays petits et grands, riches et pauvres, mais il ne dit pas un mot du fait qu’il y a un gang de grandes puissances qui a le monopole des sièges permanents au conseil de sécurité, et que de toute façon le mandat du conseil de sécurité outrepasse celui de simple exécutif des décisions de l’assemblée générale.
Ce qui nous ramène à l’antiquité, cette époque ou un gang de guerriers a pris le pouvoir sur la société. Nous en sommes toujours là aujourd’hui, et ces gens-là doivent comprendre que dans un système où la démocratie n’est pas, comme dans la Grèce antique, réservée à la petite minorité de citoyens non esclaves, mais l’apanage de tous et de chacun quel que soit son rang dans la société, et bien ces gens-là doivent comprendre qu’ils doivent se soumettre aux décisions de la majorité.
Or, à l’ONU, la majorité n’est pas représentée par le conseil de sécurité, mais par l’assemblée générale. De même que dans un pays, la majorité n’est pas le gouvernement mais le peuple. Quand je vois un pays comme la France, qui a une grande tradition démocratique, et aussi une autre tradition colonisatrice, et que je vois son gouvernement, qu’il soit de gauche ou de droite, mépriser la volonté populaire sur le nouveau traité européen, je ne me fait pas d’illusion. En France comme à l’ONU, ce sont les fous de guerre qui sont au pouvoir.
Et dans cette galère, le moins fou est certainement Poutine. Il ne faut pas oublier qu’il a commencer par débarrasser la Russie d’une bonne partie de la corruption qui la gangrenait depuis l’après perestroïka,
Quand à son couplet sur Dieu, c’est certainement une pique à Obama, lequel comme tous ses prédécesseurs, ne prend jamais la parole sans en référer à dieu. C’est certainement aussi une manoeuvre électoraliste dans un monde dans lequel la majorité des gens sont croyants. C’est un fait têtu, et ce n’est pas en leur disant que dieu n’existe pas que l’on s’en fait des amis. Tout au plus pouvons-nous, comme Garaudy le remarque très bien (il n’a pas écrit que des conneries), inviter les croyant à se demander si l’idéal d’amour de leur foi, et de manière générale les valeurs qu’ils donnent à leur foi, correspondent aux valeurs de leurs religions.
Et c’est là que cela devient intéressant. Garaudy fait une assez bonne critique des religions et de leurs dogmes, mais il s’arrête à mi-chemin. S’il relève le fait que les dogmes de base des religions sont à l’origine de la coupure de l’homme et de la nature, ainsi que de la séparation de l’esprit et de la chair, il ne remarque pas suffisamment à quel point c’est une élément fondamental de la pensée humaine contemporaine. Ceci même s’il remarque que la séparation de l’homme et de la nature s’est aggravée par deux fois depuis l’apparition de ces dogmes lors de l’antiquité. Je rajouterais qu’elle est même encore en train de s’aggraver avec la fascination pour les nouvelles technologies qui devraient résoudre tous nos problèmes alors qu’elles ne font que rajouter de nouvelles sources de pollution aux anciennes, que la majorité des habitants de la planète n’y a pas accès, et que le monde virtuel n’est qu’un succédané de la vrai vie.
Les religions organisées sont apparues en même temps que les peuples de guerriers. Ce n’est pas un hasard car pour pouvoir exploiter son semblable, il est nécessaire, dans toutes les formes de sociétés, de le rabaisser au préalable à un rang inférieur. Les religions organisées ont toutes des dogmes de base qui attribuent aux choses des qualités superstitieuses, bien, mal, yin, yang, ..., ce qui permet d’établir deux hiérarchies, la première entre les dieux, les hommes et le reste de la création, la deuxième entre les hommes, certains se retrouvant plus proches des dieux que les autres. Ces dogmes servent donc de justification morale à toutes les formes d’exploitation, que ce soit l’exploitation de l’homme par l’homme, ou celle de la nature par l’homme.
Les sociétés d’avant l’antiquité, il en reste quelques-une dans ce qui reste des forêts humides, ont des modes de vie qui contribuent à augmenter la bio-diversité de leur environnement. Les peuples apparus depuis l’antiquité ont des modes de vie qui appauvrissent la bio-diversité de leur environnement. Notre mode de vie est le pire de tous, et comme par hasard c’est aussi celui qui a inventé le plus de moyens pour tuer. Les deux problèmes sont indissociables l’un de l’autre, et comme le montrent les dogmes des religions, ce qui rend possible l’exploitation de l’homme par l’homme est l’exploitation de la nature par l’homme,
Les indiens ne dirent pas autre chose aux colons puritains qui les massacraient et qui massacraient les bisons :
« Un être humain qui ne respecte pas son environnement est incapable de respecter ses semblables, »
Marx le dit aussi :
« Le rapport borné de l’homme avec la nature conditionne les rapports bornés des hommes entre eux. »
Wilhelm Reich rajoute une couche :
"Il faut cesser d’adorer des dieux personnels pour adorer la nature en essayant de la comprendre." (de mémoire)
Quand aux anthropologues par la bois de Philippe Descola (de mémoire) :
« Le rapport de l’homme avec la nature conditionne toute l’ontologie d’une société. ... L’ontologie d’une société n’est pas une théorie car c’est non seulement sa représentation du monde mais inclus aussi son mode de vie. ... Il y a autant de formes de rapports de l’homme avec la nature que de formes de société. »
Cela implique que la seule façon de provoquer un changement réel n’est pas de ne s’en prendre qu’à l’économie, mais de s’en prendre à la cause de toutes les causes en changeant notre rapport avec la nature. Cela implique que la satisfaction des besoins humains chers autant au capitalisme qu’au communisme doit être subordonné à la satisfaction des besoins de notre environnement.
Cela implique de faire table rase sur ces dogmes superstitieux et de les remplacer par un concept scientifique : le respect de la Terre, notre seule source de vie qui nous donne l’air, l’eau, notre nourriture et toutes sortes de matériaux pour nous habiller, nous loger et travailler. Comme c’est le rapport de l’homme avec la nature est ce qui conditionne tous les autres rapports humains, et donc notre mouvement historique, les autres formes de rapports humains s’en trouveront profondément modifiés.
En d’autres termes, le respect de la nature est la forme fondamentale de respect, celle qui conditionne les autres formes de respect.
Ceci implique aussi que tout discours politique qui ne tienne pas compte de ce fait têtu n’est que du vent. Au point où en sont les choses sur le plan environnemental sur cette planète, la guerre en Syrie n’est qu’une priorité de second ordre car il ne s’agit que de la survie de quelques millions d’individus, alors que notre mode de vie est en train de conduire toutes les formes de vie supérieure de la planète, humains comme non humains, au suicide collectif. Voilà l’ampleur du désastre : la disparition massive d’espèces animales et végétales la plus rapide de l’histoire de la Terre a déjà commencé, ceci sur terre comme dans les mers et les océans. Et nous sommes le sommet de la chaîne alimentaire...
L’écosocialisme et des initiatives comme la Charte des peuples de la Terre sont notre dernière chance de pouvoir changer les choses, et pour une fois ce changement a une chance d’être réel car il s’en prend à la cause première, notre rapport avec la nature. N’en déplaisent aux capitalistes, il faudra aussi passer par la décroissance. L’alternative d’aujourd’hui n’est plus barbarie ou socialisme, c’est continuer la course au suicide collectif de la planète ou essayer de sauver notre peau tout en restaurant l’ordre naturel des choses.
Cela pose aussi la question de l’emploi de la technologie, et pas seulement dans le cadre de son obsolescence, mais dans le cadre d’un enrichissement de la biodiversité. Autrement dit, nous sommes condamné à cesser de tuer pour nous mettre à respecter. Et respecter signifie comprendre les choses, à commencer par comprendre la nature et notre place dans la nature, ce qui permettra à chacun de comprendre sa place. Et c’est certainement pas au conseil d’insécurité de l’ONU.