Pratiquement aucun recoin de ce pays andin n’a été à l’abri des effets désastreux produits par ce TLE. Cet accord couronne l’œuvre entreprise par les gouvernements antérieurs afin de porter à leurs ultimes conséquences le système néolibéral et de privatisation impulsés par Washington, la Banque Mondiale (BM) et le Fonds Monétaire International (FMI).
Le peu de temps passé depuis sa signature a donné raison aux analystes qui prédisaient qu’avec l’entrée en vigueur du Traité - le 15 mai 2012- , la fuite des capitaux s’accélérerait, ainsi que la destruction de l’environnement, les privatisations de services essentiels comme l’enseignement, l’au, l’électricité et la santé. Les inégalités et le travail précaire ont augmenté tandis que la production alimentaire s’est réduite avec l’entrée de produits subsidiés provenant des Etats-Unis. On assiste, enfin, à une perte de souveraineté économique et politique du pays.
Grève Nationale Agraire et Populaire
Les grèves, les manifestations et les blocages de routes actuels dépassent en ampleur la mobilisation des mois de février et mars derniers et se sont caractérisées par leur massivité et combativité. Elles sont menées à bien des paysans, des producteurs agraires et des secteurs solidaires comme la santé, les transports et l’enseignement.
Dans plus de 25 départements, des petits producteurs de pommes de terre, de lait, de café, d’oignons et d’autres produits, ont cessé leurs activités et manifestent contre les dégâts provoqués par le TLE, la remise de vastes surfaces de terres aux multinationales minières et le peu d’aides reçues du gouvernement pour tenter pallier aux dommages. Parmi les régions où la mobilisation est la plus intense figurent Boyacá, Nariño, Catatumbo Cundinamarca, Antioquia, Valle del Cauca, Santander, Norte de Santander, sud de Bolívar, Casanare, Arauca, Meta, Caquetá, Putumayo, Cauca, Nariño, Huila et Tolima.
Mais le gouvernement « démocratique » de Santos a répondu aux revendications de la même manière que son prédécesseur Álvaro Uribe, autrement dit par la militarisation des principales voies terrestres et par la répression policière et militaire contre les participants aux mobilisations.
Quelques jours avant la grève, les autorités avaient lancé une puissante campagne destinée à terroriser la population. Elles ont annoncé à travers tous les médias qu’elles mèneraient à bien une « opération implacable » avec l’armée et la police pour contrecarrer les « émeutiers ». Ces menaces ont été effectivement appliquées puisqu’on a utilisé contre les participants tous les types d’armes et de gaz lacrymogènes, ainsi que l’arrestation de dirigeants et de manifestants.
Il n’est pas moins exact non plus que la répression, le peu d’informations diffusées dans le pays sur les protestations et l’interdiction faite aux manifestants (de la part de l’armée) de se déplacer d’un département à un autre pour coordonner les actions, sont parvenues par la force des choses à maintenir sous contrôle l’extension de cette lutte.
TLE : Cheval de Troie de l’impérialisme
Les efforts destinés à conclure ce pacte néolibéral ont commencé avec le gouvernement précédent d’Álvaro Uribe, qui avait fait de son adoption une véritable obsession politique, obsession qui fut poursuivie par l’actuel président Juan Manuel Santos.
Dès son adoption, les 1.531 pages (ainsi que de nombreux appendices) du TLE signé par Washington et Bogota ont pris force de loi garantie par une série de règles internationales. En conséquence, aucun organisme de l’Etat colombien n’a le droit d’approuver quoi que ce soit qui contredise ce texte. Seuls les tout-puissants Etats-Unis peuvent réaliser des modifications, et toujours en leur faveur.
Ainsi, en signant le premier chapitre sur la propriété intellectuelle, la Colombie s’est engagée à respecter quatre autres accords internationaux qui favorisent la pénétration et la liberté de mouvement des multinationales étasuniennes dans le pays, sans devoir rendre des compte face à des plaintes pour causes environnementales, pour des suppressions d’emploi ou pour des violations des droits humains.
Comme résultat, on a assisté à une invasion de capitaux étrangers dans tous les secteurs de l’économie et de la société : entreprises, banques, mines, électricité, téléphonie, santé, alimentation, éducation, environnement (flore, faune, eaux). Après la mise en vigueur du Traité, du fait des avantages qu’il octroi aux grandes compagnies étrangères, il y a eu une augmentation effrénée des importations et une réduction des investissements et des productions nationales. Le gouvernement importe de grandes quantités de viande, de poulets, de lait, d’oignons, de café, de riz et de maïs. Les marchés se sont remplis de marchandises à bon marché provenant de l’étranger, ce qui entraîne la ruine des paysans, des mineurs, des camionneurs et de petits entrepreneurs.
Au milieu du mois de juillet dernier, un rapport officiel précisait qu’au cours de ces dernières années on a privatisé la Banque Populaire et le Colpatria, presque toutes les grandes et moyennes industries étatiques, les compagnies d’électricité de Boyacán, Pereira, Cundinamarca, Santander, Norte de Santander, Meta et Termocandelaria ; les mines et l’immobilier, les services d’eau potable, la gestion des égoûts, la santé, les assurances et l’enseignement.
On a également vendu à des prix dérisoires de vastes étendues de terrains pour l’extraction des minéraux et pour la construction de centrales hydroélectriques, avec tous les dommages qui en découlent pour les populations originaires et pour l’environnement.
Sage fut la décision prise par plusieurs gouvernements latino-américains de s’opposer, au cours du IIIe Sommet des Amériques de 2005 en Argentine, à la Zone de Libre Echange des Amériques (ZLEA) qui était impulsée par les Etats-Unis. Cependant, ce projet est appliqué bilatéralement avec la néfaste approbation de Traités de Libre Echange par le Chili, la Colombie, le Pérou et d’autres gouvernements. Ceux qui en sortent perdants, ce sont les peuples qui se dressent aujourd’hui pour leurs revendications.
Source :
http://www.rebelion.org/noticia.php?id=173240&titular=tlc-tiro-de-gracia-a-los-colombianos-
Traduction française pour Avanti4.be : Ataulfo Riera
Communiqué des organisations agraires et d’économie sociale colombiennes
Depuis le lundi 19 dernier a débuté en Colombie ce qu’on appelle la Grève Nationale Agraire. Dans les municipalités de près de 19 départements (Putumayo, Nariño, Cauca, Valle, Risaralda, Huila, Caldas, Cundinamarca, Boyacá, Antioquia, Casanare, Santander) se déroulent des mobilisations et des protestations menées par nos paysans et citadins. A la grève agraire se sont ajoutés d’autres secteurs sociaux comme les camionneurs, les mineurs, les étudiants, les enseignants, les travailleurs de la santé, et les organisations syndicales annoncent leur participation aux nouvelles journées d’action programmées.
Les revendications sont diverses : des demandes en faveur de politiques qui protègent la production agraire face à la concurrence et à l’invasion de produits consécutives au Traité de Libre Echange, contre les coûts élevés des intrants, pour la réduction du prix des combustibles, ou encore les revendications des petites entreprises minières face à la méga-industrie extractive, etc. Mais tous les éléments pointent un problème de fond ; la mise en marche d’un modèle déterminé de développement économique, avec des politiques au service du grand capital financier et un modèle extractiviste qui ébranle l’économie nationale.
Nous, signataires de ce communiqué, citoyennes et citoyens appartenant à plusieurs organisations de l’économie sociale et solidaire (coopératives, association mutuelles, fonds de travailleurs, organisations communautaires, fondations, corporations, associations, juntes d’action communale), nous pensons qu’une autre économie est possible et nous faisons le choix d’une modèle de développement plus juste, solidaire, démocratique et soutenable.
Nous exprimons notre soutien aux justes revendications exprimées par les divers secteurs sociaux en lutte. Le pays ne peut pas continuer à tourner le dos au secteur agraire, et particulièrement aux petits producteurs ruraux car ils sont la base de la sécurité et de la souveraineté alimentaire de tous les Colombiens. Nous demandons au gouvernement national qu’il écoute et apporte des réponses en définissant des politiques publiques claires qui répondent de manière efficace et opportune aux revendications actuelles des communautés paysannes.
Nous rejetons également les actes de violence de personnes étrangères aux mobilisations citoyennes ainsi que la répression menée par les forces de sécurité et qui viole les droits humains et les droits légitimes des citoyens.
Indubitablement, la campagne colombienne traverse de graves problèmes structurels. Selon le Rapport National sur le Développement Humain en Colombie (2012), réalisé par le PNUD, le pays est plus rural que nous le pensions puisque 31,6% de la population vit dans les zones rurales et que les trois quart des municipalités, dont la superficie occupe la majorité du territoire national, prédominent des rapports propres aux sociétés rurales. 21,5 millions d’hectares sont aptes à l’agriculture mais seulement 4,9 millions sont exploités, autrement dit à peine 22,7% de cette superficie. Le rapport s’inverse avec l’élevage de bétail puisque 39,2 millions d’hectares y sont consacrés tandis que seuls 21 millions d’hectares sont aptes pour cette activités. 5,8 millions d’hectares sont consacrés à l’exploitation minière, soit un chiffre supérieur à la superficie destinée à l’agriculture. Ce qui est inquiétant c’est que les nouvelles licences accordées pour des activités minières concernent près de 22 millions d’hectares de terres.
La concentration de la propriété terrienne s’est accentuée cette dernière décennie avec le début de la « contre-réforme agraire » qui a modifiée la Coefficient Gini de la propriété de la terre et qui est passé de 0,86 en l’an 2000 à 0,88 en 2009. Cela fait de la Colombie l’une des pays les plus inégaux du monde en cette matière.
Ces 13 dernières années, près de 3,6 millions de paysans ont été violemment expulsés de leurs terres. Entre 1980 et 2010, ce sont près de 6,6 millions d’hectares de terres qui ont été spoliées et laissées à l’abandon à cause de ces expulsions. Il y a bien entendu un conflit rural complexe en Colombie où le conflit agraire s’entrelace avec le conflit armé dont les conséquences sont identiques ; déplacements forcés de la population rurale, dépossession des terres, concentration de la richesse et aggravation de la pauvreté de nos paysans qui n’ont plus accès à leurs droits légitime au logement, à la santé, à l’éducation et à un travail digne.
D’autre part, l’agriculture familiale, celle réalisée par le petit producteur agraire et qui représente la majorité de la production dans le monde et dans notre pays, souffre de la carence de politiques publiques pour son soutien et sa protection et des coûts élevés des intrants. En Colombie, seules trois entreprises importent des intrants pour l’agriculture colombienne et il existe une longue chaîne d’intermédiaires qui imposent des prix d’achat dérisoires au producteur et un prix élevé au consommateur final.
La crise actuelle de la société et de la campagne colombienne placent sur l’agenda politique la discussion sur le modèle socio-économique de développement actuel. Si nous voulons dépasser les grandes inégalités sociales, résoudre les conflits et construire la paix, il faut un changement de nos mentalités, de nos pratiques et de nos politiques. La paix a besoin d’une économie plus solidaire. La crise économique est le résultat d’une économie guidée par la soif du profit. (…)
Source :
http://www.economiasolidaria.org/files/PRONUNCIAMIENTO_PARO_NACIONAL_AGRARIO_REDESS_COLOMBIA.pdf