« Mai 68 : la haine en plus. »
L’inquiétude des éditorialistes, au lendemain de la Chirac Academy et des sondages qui donnent toujours le non au TCE vainqueur, est telle qu’ils en perdent toute mesure, comme l’indique ce titre que Bernard Guetta a donné à son édito du quotidien suisse le Temps le 16 avril :
« Le fantôme de »mai 68 », « la haine en plus »
Qu’est ce qui nous vaut ce dérapage incontrôlé ?
« Il se passe quelque chose en France ». Quoi ?
« ..des éditorialistes ...reçoivent quotidiennement des paquets de lettres et de courriels pleins d’une fureur vengeresse . »
A partir de là , le vocabulaire ne cessera de renvoyer aux pires déchaînements révolutionnaires vus du côté des défenseurs de l’ordre ancien.
Les rédacteurs de ces courriers sont des « procureurs ». On entend déjà la tête de Guetta qui n’a pas « de circonstances atténuantes » rouler dans les copeaux...
Guetta n’en peut plus : « je ne lis plus ce qui continue d’arriver, ces effarantes injures.. »
Le pauvre, comme Chirac devant les jeunes à la télé, n’y comprend plus rien. « Que se passe-t-il ? »
« Il se passe, répondront les mêmes citoyens en fureur, que vous ne nous y prendrez plus, vous, les « élites manipulatrices ». D’accord, mais encore ? »
Et Guetta de nous expliquer les raisons de cette « fureur », raisons qui sont pour lui de mauvaises raisons de voter non. Quel respect du citoyen !
1. « ...une grande partie de la gauche ne veut pas revoter Chirac ». Ne peut on les comprendre ? Pourquoi refaire le coup de 2002 ?
2. « ..une grande partie de la droite se sent trahie par ce même Chirac ». Ils ont peut-être d’aussi bonnes raisons qu’à gauche ?
3. « ..une grande majorité de Français ne croient de surcroît plus à rien ».
Là , Guetta en donne les raisons qui, après tout, ne constituent pas une si mauvaise analyse des 25 dernières années :
« il est malheureusement vrai qu’entre le « changer la vie » de François Mitterrand et la dénonciation de la « fracture sociale » par Jacques Chirac, la gauche et la droite n’ont pas cessé depuis vingt cinq ans, de leur faire des promesses non tenues ».
Bravo ! Quelle lucidité, quand il veut. Pourquoi s’étonner alors que les électeurs veuillent tirer les bilans ?
4. « si l’on ajoute à cela un profond malaise social, la persistance du chômage et la volonté d’humilier un président qui a gardé le même premier ministre malgré l’avertissement des régionales de l’année dernière.. »
Ne sont ce pas quatre bonnes raisons pour l’électeur d’en arriver « vite au rejet de cette constitution, dénoncée et vue comme un instrument de libéralisation des économies européennes » ?
Il ne semble pas, pour Bernard Guetta, qui n’a pourtant donné un seul argument en sa faveur tellement le oui lui paraît naturel.
Et dans le dernier paragraphe, Guetta semble prendre la mesure, mais un peu tard, de la coupure entre les citoyens et le monde politico-médiatique :
« La mobilisation, les conversions se font de bouche à oreille, amplifiées par Internet, ses « chats », ses blogs et ses méticuleuses et fausses analyses (aucune preuve de ce qu’il avance n’est donnée et pour cause !), du projet qu’on y trouve à foison. »
Ce qui prouve au moins que les gens en question ont lu le traité pour une Constitution européenne, puisqu’ils la décortiquent et en débattent sur le seul média qui n’est pas encore aux mains des médias officiels.
Et le comble du mépris et de la trouille de possédants clôt la diatribe :
« Une radicalité pré-politique de type américain rencontre le vieux fonds révolutionaire français. Il y a dans l’air, quelque chose de mai 68, la haine en plus. »
On en reste baba !