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Syrie : requiem pour une révolution mort-née

En tant que « chroniqueur du printemps arabe », Cédric Labrousse est une source francophone incontournable du conflit syrien. Dès le départ, il a pris fait et cause pour les groupes armés sectaires anti-régime et a cru dur comme fer en la « révolution » syrienne. Ce n’est qu’après 30 mois de travail informatif assidu que Cédric Labrousse a commencé à se rendre compte qu’il n’avait pas compris l’enjeu réel du conflit syrien.

Il suffisait pourtant de voir la situation sans a priori idéologique pour réaliser que la démocratie à laquelle certains Syriens honorables ont cru n’a jamais été que le rêve d’une poignée de desperados très tôt débordés et récupérés par des gangs agissant pour le compte de contre-révolutionnaires en puissance tels que l’alliance libanaise du 14 mars, le clan Hariri, les groupes takfiris et leurs obligés du Conseil de Coopération du Golfe (CCG), le gouvernement AKP, Israël, les services secrets occidentaux etc., que de nombreux Syriens authentiquement démocrates soit se trouvaient déjà dans le camp loyaliste, soit se sont rangés dans le camp loyaliste à mesure que la rébellion multipliait les crimes contre la population et l’armée, soit ont rejoint l’opposition réformiste et patriotique pour que leur pays ne sombre pas dans la guerre civile, en somme, pour ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain.

Au lieu de présenter la réalité telle qu’elle est, dans son dernier billet sur la Syrie repris aujourd’hui par le magazine Slate, Cédric Labrousse s’est inventé un roman à l’eau de rose qui finit en eau de boudin.

Il suffisait pourtant d’écouter l’opposant syrien Haytham Manna pour comprendre que la « révolution » s’est très rapidement transformée en guerre, que par conséquent, la position la plus en phase avec les intérêts du peuple syrien, c’est-à-dire la plus révolutionnaire et la plus humaniste était celle qui privilégiât la fin des hostilités, la concorde civile, une solution politique et une transition pacifique.

Dans l’édito du 4 août de sa page Facebook, Cédric Labrousse proclame arbitrairement le mois de juillet 2013 période charnière entre la vraie et la fausse révolution. Il voit du confessionnalisme là où il n’y en a pas sans craindre de se contredire en soulignant les clivages entre alaouites syriens et chiites irakiens et feint grossièrement de ne pas en avoir vu là où il en jaillit depuis bien avant le début du conflit syrien parmi les ennemis historiques de la Syrie baassiste.

Le billet de Cédric Labrousse repris par le magazine Slate n’en est pas moins intéressant notamment parce qu’il permet d’appréhender l’état d’esprit d’une partie non négligeable de la rébellion syrienne consciente du danger que la poursuite du conflit armé fait peser sur le peuple syrien.

Bonne lecture et à bientôt.

Bahar Kimyongür

La révolution syrienne est terminée, la guerre pour la Syrie a commencé

Par Cédric Labrousse

http://www.slate.fr/tribune/76200/revolution-syrie-guerre

Cédric Labrousse tient la Chronique du Printemps arabe sur Facebook depuis 2011. Le 4 août, il a publié un édito sur la situation en Syrie. Nous le reproduisons ici, complété par ses soins, avec son accord.

La révolution syrienne a pris fin en juillet 2013 pour laisser place à une guerre où des forces s’affrontent pour une ville, un gouvernorat, ce pays, et, à plus grande échelle, un morceau du monde.

La Révolution syrienne telle que nommée ainsi ne se terminera pas à la fin de cette guerre. Elle a pris fin ces dernières semaines, sous nos yeux. Cet avis est très arbitraire, surtout de la part d’un étranger, mais il est de plus en plus partagé par des contacts locaux.

Oh, cela ne veut pas dire que le clan Assad a gagné, loin de là d’ailleurs, car alors qu’il reprend un quartier en ruines à Homs, il a perdu, dans un certain silence médiatique, de nouvelles villes comme Inkhil, Nawa, ou encore Mansourah (une banlieue d’Alep). Ce jugement est lié à des faits qui font que, tout simplement, il n’y a presque plus rien dans les événements actuels qui symbolise les demandes originelles et les premiers combats.
Ce 4 août, au moment où j’avais déjà débuté cet édito, j’ai appris que des contacts combattants au sein d’une petite katiba familiale avaient déposé les armes et ne participeraient pas aux batailles à venir dans la région de Jisr al-Choghour. Énième nouvelle de ce type. La raison ? Désormais toujours la même : « Nous ne combattons pas Assad pour ce qui arrive derrière… »

Quand on a travaillé pendant plus de deux ans sur ce moment formidable de l’histoire du monde arabo-islamique, qu’on l’a suivi, il y a forcément un profond sentiment de respect envers ces Syriens et Syriennes qui se sont levés, se lèvent et pour beaucoup tenteront encore de se lever.

Je parlais clairement de révolte syrienne et de révolution syrienne. Car le plus solide régime de ce monde arabo-islamique, celui du clan Assad en Syrie (avec celui des généraux égyptiens et celui des généraux algériens), était contesté, malgré la peur.

Je ne suis pas un de ces bobos français qui s’émerveillent de voir la laïcité un jour dans le monde arabe. Je m’en moque comme de ma première chemise, ce n’était et ce n’est pas là mon but d’étude et de suivi. Aux peuples de choisir leurs voies quand ils en ont la possibilité.
Politiciens laïcs ou partisans de l’islam politique, un politicien restera toujours un politicien à mes yeux ! Je n’ai donc jamais voulu prendre parti d’un débat qui ne me concerne pas !

Mais il y avait dans cette révolte des choses plus fortes, qui forçaient le respect : le droit à l’expression la plus claire, l’organisation de comités locaux, des journaux qui se passaient sous le manteau, des banderoles qui défiaient les balles en disant simplement « nous ne reculerons plus », l’idée d’une égalité certaine, et surtout, une volonté de gueuler contre ce monde où les grandes puissances n’avaient que très peu de différences entre elles lorsqu’il s’agissait de tels événements…

Désormais, les militants révolutionnaires se font arrêter et emprisonner par centaines. Un jeune garçon qui dit un mot mal interprété, exécuté. Les journaux révolutionnaires, interdits de presse et de distribution. Les points de passage entre des quartiers loyalistes et révolutionnaires d’Alep ne sont même plus gérés par des Syriens pour certains, avec des restrictions toujours plus grandes.

Tout cela n’a pas lieu dans les zones loyalistes, non ! Mais dans les zones normalement rebelles ! Il y a bien des comités civils qui tentent de tenir l’originelle révolution avec ses slogans. Ils manifestent comme si tout ne faisait que commencer à nouveau, dans leurs villages, dans leurs quartiers, dans leurs rues. Comme si la révolte reprenait vie à chaque Vendredi de Colère.

À Alep, certains croient encore en un espoir devenu mirage. Mais tout a bien changé.
Des hommes venus des quatre coins du monde, en aucun cas pour répondre aux demandes de Syriens révoltés, imposent une terreur que même Celui dont il se revendique n’aurait jamais osé tolérer sur sa propre Oumma… Oh, ils sont malins ! Distribution de bouteilles de gaz à Tall Abyad, de pain à Jarablous, de vivres en tout genre à Raqqa, organisations de festivités pour enfants à Alep.

Une toile qui recouvre les exactions démultipliées qui en sont malheureusement venues à être plus médiatisées que les centaines de morts syriens, chaque mois, de la responsabilité des loyalistes et de leurs supplétifs étrangers.

Alors qu’ils mettent en place un concours de mangeurs de glace pour enfants à Alep, deux autres membres de l’État islamique d’Irak et du Sham se font sauter sur un marché à majorité chiite à Bagdad, tuant autant d’enfants qu’il n’y en avait dans l’assistance à Alep devant leur jeu…

Certains combattent encore clairement pour la rébellion, et j’en connais, mais ces étrangers qui décidaient de mourir non pour leurs idées à eux, mais pour les Syriens et les idées des Syriens sont devenus une minorité…

Dans le même temps, la rébellion, qui devait progresser vers l’unité, a glissé vers les querelles puériles de personnes, de groupes politiques et de forces aux desseins non assumés. Au lieu de mettre de côté temporairement leurs divergences politiques, chacun a décidé de tenir ses positions. Rappelons-nous de ce moment pitoyable au Caire, en 2012, quand des Frères musulmans et des autonomistes kurdes en étaient venus aux mains alors qu’ils affrontent un même ennemi.

De grands chefs rebelles ont été tués et d’autres écartés… Abu Furat, Riad al-Asaad, Abdul Razzaq Tlass, Qassim Saaedine, Hussein Harmoush… et la liste est longue. Tous des déserteurs, tous des hommes de convictions, avec leurs défauts et mauvais actes pour certains, mais tous engagés avec une certaine idée de la révolte. Tous désormais réduits au silence ou à de simples interventions qui n’ont plus de poids… quand ils ne sont pas tout simplement morts, et souvent dans des conditions obscures.

Les ingérences internationales n’ont favorisé que ces actes de sabotage, divisant une rébellion déjà explosée. Je n’ai pas assez de doigts pour compter les forces en présence : l’Armée syrienne libre, le Front islamique syrien, le Front de libération de la Syrie islamique, le Front de l’authenticité et du développement, le Jabhat al Nusra, Ansar al-Khilafa, Ansar al-Sharia pour la Syrie, les forces kurdes diverses et variées, etc. Chacune avec ses soutiens respectifs.

Pendant ce temps, ceux-là même qui, dans les grandes capitales de ce monde, se plaignent que le clan Assad tienne bon, ont laissé passer des milliers de combattants radicaux confessionnels chiites alors qu’ils auraient pu faire pression sur plusieurs pays comme l’Irak ou le Liban.

D’ailleurs, tous sont touchés en Syrie, même le camp d’en face. Là où même celui des pro-Assad était « sérieux » dans le sens qu’il était attaché à son chef avec une certaine rhétorique biaisée sur les minorités avec l’argument grotesque que le régime était laïc, ceux-là même se sont noyés dans le confessionnalisme par un lien de plus en plus clair entre chiisme et alaouites.

Les milices irakiennes chiites se sont ainsi récemment retrouvées attaquées à Damas par des citoyens alaouites pro-régime exaspérés par les actes de ces hommes.

La révolution syrienne est terminée. La Chronique [du Printemps arabe, NDLE] continuera de suivre ce qu’elle appelle à présent la « Guerre pour la Syrie » où désormais des forces s’affrontent pour une ville, un gouvernorat, ce pays, et, à plus grande échelle, un morceau du monde.

Triste fin pour un moment si incroyable de notre Histoire. Et comment finir sur cette symbolique ? Essayez de trouver de manière régulière le mot « Révolution » dans les déclarations de plus en plus de groupes radicaux (dont l’État Islamique d’Irak et du Sham) qui s’incrustent dans la révolte. Vous pouvez éplucher des milliers de documents, il ne reviendra que rarement et jamais pour s’y rattacher à leurs actes…

La révolution syrienne s’est terminée en juillet 2013, sous nos yeux. Certains persisteront à faire vivre cet idéal, saluons-les. Mais une grande partie de cet idéal est partie avec la fumée des bombes loyalistes déversées chaque jour et dans les noirs desseins d’hommes sortis de l’ombre et qui ne songent qu’à amener cette ombre avec eux…

Le reste ne tient plus qu’à un fil. Désormais, l’avenir appartient non aux Syriens révoltés, ni même aux neutres et aux pro-Assad – déjà qu’il leur a très peu appartenu – mais à d’autres : à des politiciens d’opposition ambitieux, à un clan Assad coupé des réalités d’un pays divisé en de multiples morceaux, à des puissances étrangères qui veulent se partager ce gâteau, à des groupes venus de pays voisins décidés à s’imposer dans le sang et la terreur, profitant d’une situation qui tombe de Charybde en Scylla, au figuré comme dans les faits…

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