Les autorités syriennes sont-elles assez stupides et maladroites pour faire usage d’armes chimiques au moment même où des inspecteurs des Nations unies, venus pour enquêter sur l’utilisation de telles armes, se trouvent sur le terrain en Syrie ?
La question des armes chimiques resurgit en Syrie. Elle coïncide avec la présence d’inspecteurs de l’Onu à Damas et une offensive de l’armée autour de la capitale.
Les autorités syriennes sont-elles assez stupides et maladroites pour faire usage d’armes chimiques au moment même où des inspecteurs des Nations unies, venus pour enquêter sur l’utilisation de telles armes, se trouvent sur le terrain en Syrie ?
C’est peu plausible, mais c’est en tout cas ce que veut nous faire croire l’opposition syrienne, qui crie depuis mercredi matin au « massacre au gaz toxique », faisant état de 650 morts, dont de nombreux enfants.
Selon les rebelles, les troupes syriennes auraient utilisé des agents chimiques contre les localités de Aïn Tarma, Zamlaka, Jobar, à l’Est de Damas. Des images circulant sur Youtube montrent des enfants dans un hôpital de campagne où l’on tente de leur fournir les premiers soins et leur mettre des masques à oxygène pour les aider à respirer.
On peut voir aussi des médecins qui tentent de ranimer d’autres enfants inconscients dont les corps ne portent pas de traces de sang.
Comme prévu, des voix se sont immédiatement élevées pour réclamer la convocation du Conseil de sécurité pour examiner cette affaire. La Ligue arabe a ouvert la voie, suivie par la Grande-Bretagne.
« Le Royaume-Uni va évoquer cet incident devant le Conseil de sécurité », a déclaré dans un communiqué William Hague, ministre britannique des Affaires étrangères. La France, elle, a demandé que les inspecteurs qui se trouvent en Syrie soient orientés vers les régions où les attaques chimiques supposées ont eu lieu.
Les autorités syriennes ont démenti ces affirmations qu’elle a qualifiées d’« infondées ». « Les informations faisant état d’attaques chimiques dans des banlieues orientales de Damas, dont la Ghouta orientale et occidentale, relayées par les télévisions Al-Arabiya, Al-Jazeera, Sky News et par d’autres chaînes impliquées dans l’effusion du sang en Syrie et soutenant sans vergogne le terrorisme, sont contraires à la vérité. Il s’agit d’une tentative de torpiller le travail des experts de l’Onu enquêtant sur une éventuelle utilisation d’armes chimiques en Syrie », a déclaré un porte-parole du gouvernement cité par l’agence.
Les experts de l’Onu dont la venue avait été réclamée par Damas, doivent en effet visiter trois sites dont celui de Khan al-Assal, au sud-est d’Alep, où les rebelles auraient utilisé du gaz sarin, le 16 mars, selon le régime. Mais cette localité a depuis été occupée par des extrémistes de « l’Armée des partisans du Califat », qui y a massacré 150 personnes, des civils et des soldats.
Selon un expert libanais du dossier syrien, le tapage médiatique autour des armes chimiques coïncide avec le début d’une vaste offensive de l’armée syrienne autour de Damas, notamment dans les Ghouta orientale et occidentale.
Dès les premières heures de l’attaque, les rebelles ont compris qu’il leur serait difficile de résister à la progression des troupes régulières. Aussi, ont-ils répandu les informations sur l’utilisation d’armes chimiques dans l’espoir de stopper l’avancée des troupes régulières.
Moscou soupçonne une provocation préméditée
Moscou n’exclut pas que les informations sur l’emploi d’armes chimiques en Syrie, diffusées au moment où des experts de l’ONU entament leur mission dans le pays, puissent constituer une provocation préméditée et insiste sur une enquête objective, indique le porte-parole de la diplomatie russe Alexandre Loukachevitch dans son communiqué diffusé mercredi.
« Ce qui retient l’attention, c’est que les médias régionaux engagés ont immédiatement lancé une attaque informationnelle agressive en rejetant la responsabilité sur le gouvernement syrien », lit-on dans le communiqué.
« Tout cela nous amène à penser qu’il s’agit, cette fois encore, d’une provocation planifiée à l’avance », souligne le diplomate.
Loukachevitch n’a pas exclu au cas où il s’avère qu’une attaque ait bien eu lieu que le missile contenant une substance chimique ait été tiré par l’opposition syrienne des régions qu’elle occupe .
« Tout cela ressemble sérieusement à une tentative de créer à tout prix un prétexte pour obliger le conseil de sécurité de l’ONU à prendre le parti de l’opposition. Cela ruinerait les chances de convoquer la conférence de Genève alors qu’une rencontre entre les experts. » A l’appui de cette thèse, il cite le fait que cette nouvelle attaque chimique a eu lieu au moment où une mission d’experts de l’ONU vient d’entamer son enquête sur l’utilisation présumée de sarin dans les environs d’Alep le 19 mars dernier.
Selon le diplomate, tout cela fait penser à une tentative visant à « trouver un prétexte pour demander au Conseil de sécurité de l’ONU d’intervenir en faveur des opposants au régime de Damas et de torpiller par là même les chances de convocation de la deuxième conférence de Genève sur la Syrie. »
« Moscou estime qu’il est très important de procéder à une enquête objective et compétente de cet événement », a conclu le porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères.
Des médias ont rapporté mercredi 21 août, citant des défenseurs des droits de l’Homme, que les forces gouvernementales syriennes ont lancé une attaque chimique d’envergure dans une banlieue de Damas, qui aurait fait plus de 600 morts. Les autorités syriennes démentent cette information.
Une dizaine d’inspecteurs
L’équipe de l’ONU est composée d’une dizaine d’inspecteurs et conduite par le suédois Aake Sellström, déjà venu en juillet avec un autre envoyé onusien en Syrie.
Selon le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, elle doit « enquêter de manière simultanée » sur trois sites dont Khan al-Assal près d’Alep où le régime affirme que les rebelles ont fait usage d’armes chimiques le 19 mars, tuant au moins 26 personnes. L’opposition accuse le régime d’avoir mis en scène cette attaque.
L’ONU n’a jamais confirmé l’emplacement des deux autres sites. Mais il s’agirait d’Ataybah, près de Damas, où une attaque avait été signalée en mars, et Homs (centre), pour une attaque suspecte le 23 décembre.
Si elle était confirmée, a conclu M. Ban, « l’utilisation d’armes chimiques par l’un ou l’autre camp (...) serait un crime international et les responsables devraient en répondre ».
Jusqu’ici les réactions internationales étaient prudentes et toutes les parties qui se sont exprimées, à part l’opposition, attendent le résultat de l’enquête.
Le 20 août 2012, le président américain Barack Obama avait averti Damas que l’utilisation d’armes chimiques est la « ligne rouge » à ne pas franchir, sous peine « d’énormes conséquences ». Depuis, les débats se multiplient pour savoir si oui ou non cette « ligne rouge » a été franchie, alors que Damas et les rebelles s’accusent mutuellement d’avoir eu recours à des armes chimiques. En provoquant un tel carnage, certains groupes de l’opposition espèrent ainsi amener Obama à intervenir militairement.