Le 27 octobre 2015, a eu lieu une énième réunion du Conseil de sécurité consacrée à la situation en Syrie. Le Secrétaire général adjoint des Nations Unies aux affaires humanitaires, Stephen O’Brien, s’est fondé sur le rapport mensuel préparé par les bons soins de son chef, M. Ban Ki-moon [1].
Et, pour la énième fois, l’envoyé permanent de la Syrie auprès des Nations Unies, le Docteur Bachar al-Jaafari, s’est évertué à aider ses collègues à lire entre les lignes des rapports tendancieux qui se succèdent, désignant les choses par leur nom, décrivant la situation telle qu’elle est, autant que faire se peut vu le temps qui lui est imparti et la surdité volontaire de ceux qui ne veulent pas entendre raison.
En tout cas à l’heure où nous achevons la traduction de cette intervention du Dr Al-Jaafari, les gens d’Alep ont parfaitement intégré qu’il n’y a plus aucun distinguo à faire entre les dizaines de factions terroristes qui ont massacré, endeuillé, pillé, maltraité et détruit leur ville. Daech, Jabhat Al-Nosra et leurs sœurs se sont toutes alliées pour couper toutes ses artères et tenter de la saigner à mort. Une alliance qui prouve que le terrorisme qui frappe la Syrie n’est divisible en factions ennemies que pour la propagande et les larcins, et que les cellules d’opération des pays de l’OTAN et de leurs alliés régionaux, dispersées dans les pays limitrophes pour diriger de plus près la guerre contre le peuple syrien, ont sonné le rassemblement devant l’avancée de l’Armée syrienne soutenue par l’aviation militaire russe, et donc devant l’éventualité de l’échec de leur stratégie criminelle. [NdT].
Monsieur le Président,
« La folie c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent », disait Einstein. Mais, soixante ans après son décès, certains gouvernements ne semblent pas avoir intégré cette vérité et persistent à commettre les mêmes fautes sur la base des mêmes calculs erronés s’attendant, à chaque fois, à des résultats différents.
Il est prouvé que l’ingérence étrangère dans les affaires intérieures des États ne mène qu’à leur destruction, engendrant opportunément les crises humanitaires et le chaos, les transformant en usines de fabrication d’extrémistes et de terroristes.
C’est exactement ce qui s’est passé quand ils ont détruit l’Irak, la Libye et d’autres pays. C’est exactement ce qui se passe depuis qu’ils nous ont expédié Daech, Jabhat al-Nosra, Khorassan et d’autres encore ; le terrorisme possédant désormais un État ou un Khalifat, comme certains se plaisent à le qualifier.
Malgré cela, les mêmes gouvernements ayant enfreint la logique qui veut que les mêmes causes produisent les mêmes effets, insistent à appliquer la même recette empoisonnée en Syrie et à user des mêmes slogans mensongers, en dépit des dévastations consécutives à leur ingérence, dont l’ampleur est reconnue par tous, y compris les planificateurs. Témoin en est la dernière sortie de l’ex-premier ministre de Grande Bretagne, Tony Blair, nous avouant vingt-deux ans après l’invasion de l’Irak par les États-Unis qu’elle s’était fondée sur des « informations fausses » [2] et mensongères.
Et nous voici, quatorze années après l’attaque terroriste sur le World Trade Center à New York, bien obligés de constater que les stratégies appliquées dans le cadre de la « Guerre contre le terrorisme » ont créé cent Ben Laden au lieu d’un, et des dizaines d’organisations ayant adopté l’idéologie d’Al-Qaïda dans plusieurs pays au lieu d’une seule en Afghanistan, le terrorisme s’étant propagé jusqu’aux pays de ses créateurs et promoteurs.
Monsieur le Président,
La situation humanitaire en Syrie revient à ce même constat, étant donné que certains gouvernements prétendent vouloir y remédier en continuant de refuser la priorité à la lutte contre le terrorisme, en poursuivant leurs mesures économiques coercitives et unilatérales contre le peuple syrien, en dénigrant le rôle du gouvernement syrien jusqu’à décliner toutes ses offres de coordination aussi bien dans le domaine de l’assistance humanitaire que dans le domaine de sa guerre contre le terrorisme. Tant et si bien qu’au bout de bientôt cinq années, il est clair pour tout le monde que la situation et les souffrances du peuple syrien ont empiré au point qu’une partie de ce peuple a été obligée de se déplacer, voire à émigrer.
Par conséquent, si nous voulons vraiment obtenir des résultats positifs et permanents en matière de situation humanitaire en Syrie, il faudrait faire quelques pas dans ce sens.
Le premier pas consisterait à nous concentrer sur la raison principale ayant engendré cette situation, c’est-à-dire sur l’émergence et la propagation du phénomène terroriste, toujours soutenu de l’étranger, en appliquant les résolutions contraignantes du Conseil de sécurité 2170, 2178 et 2199, relatives à ce sujet, en coordination et avec la pleine coopération du gouvernement syrien.
L’obstination de ceux dont le seul souci est de diffamer le gouvernement syrien, le président syrien et l’armée syrienne, préférant la coopération avec le démon terroriste à la collaboration avec l’État syrien pour le combattre, est absurde et sans aucun rapport avec les règles de la pensée et du comportement, ou avec les principes des sciences politiques et stratégiques.
Une absurdité qui s’est soldée par l’expédition de dizaines de milliers de mercenaires terroristes étrangers en Syrie et en Irak, à partir de plus d’une centaine de pays ; ceci, selon neuf rapports issus de ce respecté Conseil et des Comités de lutte contre le terrorisme qui lui sont rattachés [3].
En effet, Daech, Jabhat al-Nosra et leurs sœurs, ne sont pas venues du vide, mais de ceux qui les ont adoptées, financées, entraînées, facilitant leur transport dans les aéroports et aux frontières, leur offrant tous les visas nécessaires, les aidant à écouler le pétrole et les antiquités volés par l’intermédiaire de médiateurs turcs. Ceux-là ne peuvent être qualifiés d’« opposition syrienne armée non étatique ». Ceux-là relèvent du « terrorisme international » !
Par conséquent, il faut mettre fin à ce type d’expressions inexactes, tout autant qu’aux pratiques de certains gouvernements qui continuent à financer, armer et entraîner ces terroristes.
On ne peut parler de mettre fin aux souffrances des Syriens, et donc à la crise humanitaire en Syrie, en gardant le silence sur les agissements de la Turquie et de la Jordanie qui continuent à faire de leurs territoires des lieux de résidence et de passage pour mercenaires terroristes étrangers.
On ne peut parler de mettre fin aux souffrances des Syriens en affichant sa préférence pour des régimes tels ceux de l’Arabie saoudite, du Qatar et d’autres, qui soutiennent ouvertement et très généreusement ces mêmes terroristes, au lieu de renforcer les fonds du « Plan de réponse humanitaire ». Un plan qui n’a été financé qu’à hauteur de 35 % en dépit de tous les congrès spectaculaires tenus ici ou là dans ce but, tandis que les États-Unis déclarent avoir dépensé un demi-milliard de dollars sur le « Programme d’entrainement de l’opposition syrienne modérée », dont seuls cinq éléments seraient restés à leur disposition, les autres étant passés dans le camp des terroristes d’Al-Nosra, qui a confisqué les armes et équipements qu’ils leur avaient gracieusement fournis. Un demi-milliard de dollars qui aurait suffi à combler une large part du déficit de financement de l’assistance humanitaire prévue.
Le deuxième pas consisterait à soutenir la guerre contre le terrorisme qui aidera à résoudre la crise humanitaire en Syrie tout en contribuant à accélérer la solution politique, laquelle devra reposer sur le dialogue entre Syriens et sous direction syrienne, sans aucune ingérence étrangère de telle sorte que soient garanties la souveraineté, l’indépendance, l’unité et l’intégrité territoriale de la Syrie ; ceci, selon le contenu de la déclaration de Genève, de toutes les résolutions du Conseil de sécurité relatives à la Syrie, et avant tout selon les dispositions de la Charte des Nations Unies et des principes du droit international.
Monsieur le Président,
À ce sujet, j’aimerais rappeler que le gouvernement syrien a annoncé, par la voix de son ministre des Affaires étrangères au sein même de l’Assemblée générale des Nations Unies, son consentement à participer aux « Groupes de travail » proposés par l’émissaire de l’ONU en Syrie, M. Staffan de Mistura, et ceci parce que nous croyons en la nécessité d’une solution politique.
Le problème réside dans l’acharnement de certaines parties à faire échouer le processus politique et à parier sur l’étranger, exactement comme ce fut le cas avec l’initiative de M. de Mistura consistant à « geler » les zones de combats à Alep, et avant cela lors des pourparlers de la Conférence de Genève 2, et encore avant avec le plan de Kofi Annan. Ce qui ne les empêche pas de prétendre injustement que le gouvernement syrien rejette la solution politique, alors que vous devez vous rappeler qu’ils ont refusé ces initiatives.
Et voilà que le dernier rapport du Secrétaire général des Nations Unies, lequel est le vingtième de la série rendant compte tous les trente jours de l’application des résolutions 2139 / 2165 / 2191 par toutes les parties du conflit en Syrie, est une fois de plus partial et politisé avec nombre de lacunes et d’inexactitudes.
En réponse, nous avons adressé hier une lettre à la Présidence du Conseil de sécurité et aussi au Secrétaire général, mais je me contenterai de souligner ici que ce rapport a omis de rendre compte des bombardements aériens par ladite « Coalition » [Coalition internationale d’une soixantaine de pays menée par les USA pour combattre l’EI ou Daech ; NdT] de civils innocents et de diverses infrastructures en Syrie : routes, ponts, raffineries de pétrole, écoles, hôpitaux...
Ces attaques n’ont même pas épargné l’unique centrale électrique qui nourrit la ville d’Alep, ni un centre pour enfants nécessitant des soins spéciaux dans la ville de Raqqa, centre détruit et des dizaines de ses enfants pensionnaires tués ! Tout ceci, sous le prétexte de s’attaquer à Daech, alors qu’après plus d’une année de leur guerre contre cette organisation, nous n’avons assisté qu’à l’augmentation du nombre de ces terroristes expédiés de l’étranger et à l’expansion de leurs zones d’occupation.
Devant un tel rapport du Secrétaire général, la question qui s’impose est pourquoi le Secrétaire général a-t-il eu recours à des sources anonymes qui ne cherchent manifestement qu’à pêcher en eaux troubles et à perturber l’effort conjoint de la Russie et de la Syrie qui se battent contre le terrorisme de Daech, Jabhat al-Nosra et d’autres organisations terroristes ; la Russie étant intervenue à la demande du gouvernement syrien et en conformité avec les dispositions de la Charte des Nations Unies et du droit international, ce qui a mené au recul des groupes terroristes de plus d’une région qu’ils contrôlaient jusqu’ici ?
Monsieur le Président,
Pour conclure, je rappellerai que l’expression « Groupes armés non étatiques » pour désigner des terroristes est, à elle seule, un scandale, car la carte du terrorisme en Syrie la contredit tout autant que les rapports de vos sous-comités de lutte contre le terrorisme.
Je ne donnerai que quelques exemples :
À Alep, ceux qui sont décrits comme « Groupes d’opposition armés non étatiques » correspondent en réalité au groupe Jaïch al-Fateh [Armée de la Conquête], créé par les Services secrets turcs, et qui comprend des factions de Jabhat al-Nosra et de Ahrar al-Cham, depuis que ces derniers ont déclaré leur allégeance aux premiers. En d’autres termes et puisque 1+1=2, Jaïch al-Fateh n’est autre que Jabhat al-Nosra, laquelle figure sur la « Liste des organisations terroristes des Nations Unies ».
Dans le Rif-Damas, c’est surtout Jaïch al-Islam [Armée de l’Islam] qui sévit. Il est financé par les Services secrets saoudiens et comprend des Tchétchènes et d’autres mercenaires étrangers originaires du Caucase ou d’autres pays. Il a déclaré son allégeance à Daech. Par conséquent, nous avons affaire, ici aussi, à une entité terroriste.
Sur le front sud, Liwaa al-Yarmouk [Brigade d’al-Yarmouk] est dirigée par la cellule d’opération MOK située à Amman en Jordanie. Elle compte 8000 salafistes jordaniens dans ses rangs et des milliers d’autres terroristes [4][5]. Ceci sans oublier les terroristes de Jabhat al-Nosra occupant une bonne partie de la ligne de démarcation côté syrien du Golan occupé, dont les blessés sont ouvertement remis sur pieds dans les hôpitaux israéliens bien qu’il soit notoirement connu que ce sont eux qui ont attaqué les Forces de L’UNFOD et enlevé tout un groupe de ses soldats philippins et fidjiens.
Tous ceux-là seraient donc résumés par l’expression sans cesse répétée « Groupes armés non étatiques » tout au long du rapport du Secrétaire général des Nations Unis ? Tous ceux-là n’auraient donc rien à voir avec des mercenaires terroristes étrangers ?
Merci, Monsieur le Président
Dr Bachar al-Jaafari
Représentant permanent de la Syrie auprès des Nations Unies
27/10/2015
Source : Vidéo Al-Ikhbariya [Syrie]
https://www.youtube.com/watch?v=H75gQQqUt6w
Transcription et traduction par Mouna Alno-Nakhal