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Syrie : le Président Poutine dévoile les duplicités occidentales, l’Otan fourbit ses armes.

Daech, Front El Nosra et les fantômes modérés

Au lendemain des premières frappes russes en Syrie, le Ministre des Affaires étrangères et du commerce français L. Fabius déclara que « si c’est Daech et Jabhat el Nosra qui sont visés, alors les frappes russes sont les bienvenues. » (1)

D’une part, il semble feindre d’ignorer que la présence russe dans le ciel syrien est légale puisque décidée d’un commun accord entre deux Etats souverains. D’autre part, le donneur de leçon français oublie qu’il y a peu « les gars du Front El Nosra-El Qaïda faisaient du bon boulot ».

Mais la France, pas plus que les Etats-Unis, ne fournissent de précisions à même d’éclairer leurs opinions publiques sur les organisations qu’ils soutiennent, arment et entraînent.

Bref, celles que la Russie ne doit pas bombarder.

S’agit-il de Jaïch El Fath ? Ahrar El Cham ?...L’éphémère Nouvelle Syrie ?

Toutes ces organisations sont financées par l’Arabie Saoudite, le Qatar, la Jordanie et la Turquie qui, par ailleurs, a soutenu et armé Daech en Irak. Evidemment, pour les puissances occidentales, ce sont des ’’modérées’’. Quant à « l’Armée Libre de Syrie (ALS) ; une structure fantôme » selon le Ministre des Affaires étrangères russe Serguï Lavrov, ses brigades interviennent au côté du Front El Nosra. Sans oublier qu’une partie des combattants de ses organisations sont des mercenaires qui opèrent avec le plus offrant.

Toujours est-il, face à Daech, les bombardements de la coalition hétéroclite sous commandement américain n’ont pas, à ce jour, démontré leur efficacité pas plus en Irak qu’en Syrie. Une inefficacité qui devrait interroger l’opinion publique occidentale sur les véritables buts recherchés.

Dans tous les cas, le terme ’’organisations modérées’’ utilisé par les démocraties occidentales laisse dubitatif quand on sait qu’en Syrie, mis à part, les combattants kurdes des Unités de protection du peuple (YPG), tous les autres groupes opèrent au sein du Front islamique et gravitent autour du Front El Nosra, une filiale d’El Kaïda. Et leurs soutiens financiers, logistiques et militaires moyen-orientaux sont connus des chancelleries occidentales. Sur ce point, le rapport des services secrets russes rendus publics (2) ne fait qu’ajouter des détails for utiles. On apprend, par exemple, que le Vice-président irakien, Tarek El-Hachèmi, un sunnite, en fuite à Londres et le Président Barzani du kurdistan irakien, jouent le rôle de ’’ passeur financier’’.

En résumé, autour de l’Arabie Saoudite, la Jordanie , le Qatar et la Turquie s’est constitué un réseau régional de soutien militaire et financier à Daech et au Front El Nosra. Il est superflu de préciser qu’un tel réseau ne peut perdurer sans le feu vert et l’aide du Maître de l’Otan et de ses alliés occidentaux. Sans perdre de vue qu’aux portes du Golan, Israël apporte un soutien médical, logistique, voire militaire aux groupes opérant dans cette région en poursuivant une stratégie conçue non à la maison blanche mais à Tel-Aviv. Certes, Israéliens et néo-conservateurs américains s’accordent sur l’ultime but, à savoir, remodeler le Moyen-Orient en dépeçant, entre autres, l’Irak et la Syrie. Sur ce point, l’ analyse faite en 1982 par un haut fonctionnaire israélien, Oded Yinon, intitulée, « Stratégie pour Israël dans les années 1980 » (3) est plus que jamais d’actualité.

Enfin, pour tenter de décoder la politique internationale de la France qui semble brouillonne mais en apparence seulement, il est nécessaire d’inscrire cette « Stratégie pour Israël » dans son agenda.

La France et la « taupe » du Quai d’Orsay

En détruisant l’Etat libyen, une future Somalie et où tout est à reconstruire, l’État français a tout simplement réalisé, volontairement ou non, une partie de ce que préconise cette « Stratégie pour Israël dans les années 1980 ».

Sur le nucléaire iranien, Israël était au courant de l’état des négociations depuis au moins 2013. « D’une certaine façon, Israël a été associé aux négociations et cela a rendu furieux les Américains » (4). Selon la presse dont Radio Shalom, c’est L. Fabius, Ministre des Affaires étrangères et du Commerce, qui informait le Ministre israélien des Affaires stratégiques, Yval Steinitz. D’où l’hypothèse de la présence d’une « taupe » au sein du Quai d’Orsay émise par la presse internationale. De toute évidence, en voulant saboter l’accord sur le nucléaire iranien, la France voulait rendre service à un allié et faire plaisir à un client d’envergure, la monarchie wahhabite.

Suite à l’intervention russe en Syrie, les prises de position des dirigeants français ne plaident pas, non plus, pour une quelconque clarification du rôle de l’Etat Français dans la région.

En effet, au lendemain de l’intervention russe, le sermon, « il faut bombarder l’Etat islamique », prononcé à l’intention du Président Poutine par le Président, F.Hollande, ne mentionne nullement le Front El Nosra. Des propos confirmés par son Premier ministre M.Valls qui précisa :« il faut frapper les bonnes cibles et en l’occurrence Daech...Nous invitons chacun à ne pas se tromper de cible. » (5)

Par la suite, il est vrai que L.Fabius a mis fin à l’omission en ajoutant Jabhat el Nosra. Enfin, s’agissant d’un défenseur du Droit international, évoquer ’’ la légitime défense’’ pour justifier les bombardements en Syrie est pour le moins risible.

En utilisant le terme « hypocrisie » pour qualifier la stratégie de la coalition menée par l’Otan au Moyen-Orient, Le Président russe ne fait qu’exprimer ce qui est devenu une évidence. Au bout de plus d’un an, les résultats des bombardements menés par la coalition, forte de plus de 60 pays, sont quasi-nuls. Abstraction faite du coup de main apporté aux kurdes syriens autour de Kobané, au grand dam des turcs, il faut bien s’interroger sur ce que fait réellement cette coalition sur les cieux irakiens et syriens. Pour y répondre, il faut se tourner plutôt vers les Monarchies wahhabites et la Turquie, vu que ce qui animent les puissances occidentales sont les ’’valeurs universelles’’ telles Droits de l’Homme, Droit de protéger... Démocratie. En un mot, le Bien.

Des alliés wahhabites, spécialisés dans les sales besognes

L’Afghanistan d’El Kaïda et des Talibans est en soi suffisant pour tirer les conclusions concernant le rôle néfaste que jouèrent les Monarchies wahhabites dans le monde musulman avec, évidemment, le soutien des puissances occidentales. L’Algérie en fut un autre exemple douloureux pour le peuple algérien. Et ce n’est pas fini !

Rebelote en Irak. Afin de contrecarrer l’influence iranienne en Irak et avec l’aide des néo-conservateurs américains, l’Arabie saoudite à financer et participer à l’émergence de l’Etat islamique (Daech) dès 2005. Au Liban, dès 2007, les mêmes manigances ont donné naissance à des cellules djihadistes dormantes prêtes à l’emploi. En Syrie, le même scénario fut écrit sous couvert de révolution populaire contre une dictature.

En effet, d’après Défense Intelligence Agency (DIA), l’Administration américaine préconise l’établissement d’ « une principauté salafiste en Syrie », et faciliter la naissance d’un État islamique « pour isoler le régime syrien » tout en précisant que « Pour les pays occidentaux, ceux du Golfe, et la Turquie [qui] tous soutiennent l’opposition [syrienne]… la possibilité existe d’établir de façon officielle ou pas une principauté salafiste dans l’est de la Syrie (Hasaka et Der Zor) , et c’est exactement ce que veulent les pouvoirs qui appuient l’opposition, de façon à isoler le régime syrien… » (6) Et voilà que l’intervention russe en Syrie ajoute un nouveau prétexte pour un Jihad contre le mécréant « chrétien orthodoxe russe ». Comme hier en terre afghane, ce fut le jihad contre l’athéisme !

Un prétexte que l’Union Internationale des Oulémas musulmans ne tarda pas à saisir en appelant à « refuser l’intervention russe en Syrie en apportant un soutien moral, politique et militaire à la révolution du peuple syrien. » (7)

L’allié turc : le ’’Nouveau sultan’’ et l’effet boomerang

Mais si les Monarchies wahhabites appliquent à merveille la stratégie conçue par les Néo-conservateurs américains, la Turquie d’Erdogan, elle, suit son propre agenda. Empêcher la naissance d’un Kurdistan autonome en Syrie, prélude à un Kurdistan indépendant revendiqué par le Parti des travailleurs kurdes (PKK). Pour cela, il faut contrôler la partie frontalière du territoire syrien. D’où le soutien financier, logistique et militaire apporter à l’Etat islamique. Aussi, loin de bombarder Daech, les avions turcs ciblent le PKK.

La médiatisation de la photo de l’enfant mort noyé et l’orchestration de la crise des réfugiés avaient pour but de mettre en place avec l’aide des Etats-Unis et de l’Union européenne une zone d’exclusion aérienne et terrestre en Syrie, pour préparer un scénario à la libyenne.

Mais un instrument peut ’’échapper’’ des mains de son utilisateur comme ce fut le cas lors de l’odieux massacre d’ Ankara perpétré par des islamistes nourris par les frères musulmans d’Erdogan, le ’’Nouveau Sultan’’ comme le surnomme la gauche laïc turque.

Résultats : la Turquie est au bord d’une déstabilisation interne.

En tout cas, point de zone d’exclusion ni terrestre ni aérienne et pour cause, la Russie a complètement chamboulé la donne régionale. Une intervention qui est en train de séparer le bon grain de l’ivraie et de reposer l’équation régionale.

Une équation régionale à plusieurs inconnues

Pour l’Iran, la Russie, l’Irak et la résistance libanaise dont le Hezbollah, leurs présences militaires en Syrie est la traduction de la volonté d’un Etat souverain. Sauvegarder l’intégrité et la souveraineté de la Syrie comme de l’Irak et, en arrière plan, le Liban est le but de guerre. Une guerre contre deux constantes de l’équation régionale, Daech et Jabhat el Nosra, porteuses d’un projet d’ethnicisation et de confessionnalisation de la terre moyen-orientale. Certes, autour de ces deux constantes gravitent une myriade d’organisations dont les dénominations varient en fonction des intérêts stratégiques de la coalition menée par l’OTAN.

Une coalition dont le leitmotiv était, dans un langage de gangster, « Bachar Assad ne mérite pas d’être de ce monde », traduit dans la langue diplomatique, cela donne « Bachar Assad a trop de sang dans les mains et donc ne peut faire partie de la solution . »

Mais qui doit faire partie de la solution ? Point de réponse claire de la part des puissances occidentales et en premier, du Chef suprême !

Pour le président russe, un règlement politique du conflit est possible « avec la participation de toutes les forces politiques, ethniques et religieuses » (8) tout en précisant que le dernier mot devait « revenir au peuple syrien » sans pour autant transiger sur la lutte contre le terrorisme.

Reste aux puissances occidentales de clarifier leur rapport avec les organisations telles Daech , le Front El Nosra et leurs satellites.

En interrompant le programme d’entraînement militaire de rebelles syriens, les Etats-Unis constatent, sans le dire, le fiasco du ’’programme organisation modérée’’. En le remplaçant par des opérations de parachutage d’armes en Syrie aux ’’groupes amis’’, ils jouent tout simplement avec le feu. Quand on sait, par ailleurs, que « le Pentagone a confirmé que l’armée irakienne avait découvert un vaste entrepôt appartenant à Daesh et contenant un grand nombre de munitions américaines, ainsi que des roquettes antichars sophistiqués TOW-2 » (9), il est légitime de s’interroger sur l’opération ’’parachutage’’.

En tout cas, ce changement de programme arrive au moment où l’Union Internationale des Oulémas musulmans appelle au Jihad contre la Russie. Cela tombe bien puisque vient de naître sur le sol syrien une nouvelle structure, ’’Forces syriennes démocratiques’’ (FSD), dont la mission est de libérer la Syrie de « l’occupation russo-iranienne ».

Peu importe que la présence militaire russe , iranienne et hezbollahie en Syrie relève de la volonté de l’ Etat souverain syrien, membre de l’ONU. Il faut souligner tout de même que ce changement de programme ’’otanien’’ s’accompagne de prévision américaine sous forme de menaces ’’ la Russie va connaître des pertes humaines’’ et de fuites dans la presse anglaise annonçant que les avions britanniques Torpédo vont être équipés de missiles air-air .

Ces ’’prévisions’’, auxquelles s’ajoutent celles du Qatar menaçant d’intervenir en Syrie en n’épargnant « aucun effort avec les Saoudiens et le Turcs, au cas où l‘intervention militaire protégera le peuple syrien » (10) ne sont-elles que des cartouches mouillées annonçant une éclaircie du ciel syrien ou est-ce le prélude à une guerre régionale de plus grande ampleur ?

Pendant ce temps, l’Etat d’Israël...

M. El Bachir

(4) http://www.madaniya.info/2015/07/24/iran-nucleaire-laurent-fabius-petit- telegraphiste-des-israeliens/

(5) http://www.la-croix.com/Actualite/Monde/Syrie-la-Russie-determinee-a-intensifier-ses-raids-aeriens-2015-10-04-1364384

(6) http://www.mondialisation.ca/document-declassifie-les-usa-misaient-sur-letat-islamique-des-2012-pour-destabiliser-la-syrie/5452053

(7) http://iumsonline.org/portal/fr-FR/page-principale/82/

(8) http://www.lorientlejour.com/article/950568/assad-rencontre-poutine-a-moscou-et-le-remercie-de-son-aide.html)

(9) http://www.almanar.com.lb/french/adetails.php?fromval=2&cid=29&frid=76&seccatid=29&eid=264416

(10) http://www.almanar.com.lb/french/adetails.php?fromval=1&cid=18&frid=18&eid=264845


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