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Presse classique, sites Internet : qui propage les rumeurs ?

Sur un éditorial du Canard enchaîné.

Sous le titre « Un pavé dans la vase », le Canard enchaîné du 8 juin 2011 épingle, dans un éditorial de première page, le traitement de la « rumeur de Marrakech » par les médias.

Les lecteurs du GS ne pourront que souscrire à cet article du Canard, d’autant plus que le genre de notre maison n’est pas de rechercher le buzz par la propagation de ragots, pas plus d’ailleurs que par toute autre méthode de racolage.

Il nous arrive de « retenir », en attente de publication, des propositions d’articles contenant des révélations politiques qu’il n’est pas possible de croiser avec plusieurs sources. Quand nos travaux de vérification sont vains, l’article est poubellisé. Donc, pas de recours au conditionnel, au « de source bien informée », de « paraît-il, semble-t-il, etc. ».

En cela, nous essayons d’avoir un fonctionnement analogue à celui du Canard et notre crédibilité est assise sur notre capacité à « sortir » des informations inédites mais vraies. La comparaison s’arrête là puisque LGS est un journal gratuit, qui fait (mollement) appel aux dons des lecteurs pour financer l’indispensable (l’hébergement sur la Toile). L’absence de trésorerie est notre talon d’Achille et notre force à la fois en cela qu’elle nous oblige à une extrême vigilance pour éviter les prétoires. Nous savons comment LGS, dont l’audience est croissante, peut d’un seul coup périr en une seule frappe chirurgicale. Notre manque d’infaillibilité nous a conduit à publier en 2008 un article paru dans un journal argentin, traduit par un ami, un journaliste français résident au Venezuela, circulant dans d’autres médias français (presse écrite hebdomadaire, radio nationale) et comportant deux mots qui servent de prétexte à un fâcheux, proche de Nicolas Sarkozy, pour nous traduire aujourd’hui en Justice (avec quelques autres) sans même demander un droit de réponse et sans nous laisser la possibilité d’un éventuel erratum.

Dans l’affaire des propos de Luc Ferry, relatifs à un « ministre français arrêté à Marrakech pour pédophilie, puis relâché », LGS n’a rien écrit. Sur Luc Ferry, le ministre de l’éducation nationale et vedette médiatique, sur son action politique, nous avons été plus diserts.

Marrakech, donc. La bombe accusatrice a été lancée sur le plateau du Grand Journal de canal +, le 30 mai 2011 où Luc Ferry a affirmé connaître l’identité d’un "ancien ministre qui s’était fait poisser à Marrakech dans une partouze avec des petits garçons ".

La presse (pas le Canard enchaîné, c’est entendu) a amplifié la nouvelle, la classe politique y est allée de ses déclarations et, par ces moyens-là , toute la population fut informée du scandale présumé et de celui (réel) de l’accusation lancée devant des millions de téléspectateurs.

Que l’information soit reprise, ENSUITE, par une partie d’Internet sur des blogs, quoi de moins surprenant ?

Mais la vérité objective toute nue est la suivante : ce sont les médias classiques, installés, ceux qui proclament sans cesse leur professionnalisme, qui ont émis et formidablement propagé la rumeur, comme ils avaient vu un charnier à Timisoara, comme ils ont compté 6000 morts en Lybie aux premiers jours de l’insurrection, comme ils ont su faire monter notre indignation pendant des mois contre « les pédophiles d’Outreau », comme ils nous ont montré les images satellite des usines de fabrication d’armes de destruction massive en Irak. A l’inverse, ils peuvent devenir timides jusqu’à gommer sur les photos les bourrelets de Nicolas Sarkozy et la bague de Rachida Dati, etc. A ces petits jeux, les médias traditionnels ont suscité la naissance de concurrents "alternatifs". Ils n’ont plus le monopole de l’information et c’est irréversible. Ils ont largement perdu aussi leur crédibilité.

Dans ces conditions, l’article du Canard enchaîné est entaché d’une faiblesse née de l’opposition dichotomique qu’il fait entre les médias classiques (les professionnels) et Internet (les affabulateurs en culotte courte). Comme si la nature du support importait plus que le contenu de l’information. Comme si les informations étaient a priori vraies quand elles sont vendues en kiosque ou affichées sur un écran de télévision, tandis que celles qui transitent par un écran d’ordinateur devaient d’emblée être suspectes, en tout cas à vérifier car diffusées par des rigolos, des amateurs, des bricoleurs du dimanche, tordus par un parti pris qui épargne la « grande presse ».

Certes, on trouve de tout sur Internet. Mais en kiosque aussi. Le Canard enchaîné ne cesse d’ailleurs de ricaner sur ses confrères dont il soupçonne le manque d’objectivité, parfois les accointances avec le Pouvoir et souvent même l’incompétence. Sa rubrique « A travers la presse déchaînée » nous offre chaque semaine un ramassis de perles d’où il ressort qu’il est possible d’écrire dans la presse classique en ayant une connaissance des choses du monde, de la grammaire et de l’orthographe sensiblement égale à celle d’un écolier du primaire.

Or, quels que soit leurs défauts et parfois leur subjectivité affichée, on peut déceler AUSSI sur nombre de sites Internet des informations fiables et souvent délaissées par les autres médias. Il suffit de se donner la peine d’y opérer un choix, comme on le fait ailleurs en ne confondant pas Gala et le Monde Diplomatique, France Culture et Rires et Chansons (radio assez faiblarde dans ses analyses de la pensée de Sartre et de ses rapports avec Raymond Aron). Faute de quoi, à tout mettre dans le même sac, on tombe dans un manichéisme semblable à celui qui résume la classe politique dans un radical et paresseux : "Tous pourris !"

Fiables ! Il y a belle lurette que les lecteurs assidus du GS ne vont plus vérifier si ce qu’ils lisent ici est vrai. Ils savent que ça l’est. Et ils savent aussi que si nous avons pêché par une erreur, une imprécision, une omission tendancieuse, ils peuvent nous le faire publiquement remarquer, en contributeurs du site.

Il existe sur la Toile des sites qui ont acquis leurs lettres de noblesse. LGS ? Oui et d’autres. Mais, bon, si nous parlons du GS, voyez combien d’auteurs nous avons donné à lire (plus de 900). Voyez qui ils sont. Voyez ce qu’ils écrivent et les débats qui peuvent s’ensuivre avec les lecteurs. Amateurisme ? Où ça ? Rumeurs et mensonges ? Qu’on trouve un exemple.

Par conséquent, la fable (défensive) distillée par les vieux médias sur la vérité et le professionnalisme d’un côté, le bobard et l’amateurisme de l’autre ne tient pas et le Canard est mal inspiré de la reprendre. En vérité, on peut trouver des deux de chaque côté.

C’est pourquoi l’éditorial du Canard enchaîné, pertinent pour l’essentiel en cela qu’il expose une éthique, est injuste dans son amalgame qui s’inscrit dans les combats d’arrière-garde de ses confrères piteux et dépassés par une autre forme de journalisme où la loi de l’argent ne s’applique pas et où la soif des honneurs fait sourire.

Lisons donc des extraits de l’éditorial du Canard (sur l’affaire de Fillon en Ferrari) : « Le phénomène s’est amplifié jusqu’à l’explosion avec la toute puissance du Net et de ses millions [sic] de blogs qui se répondent, se nourrissent les uns des autres, parfois dans un emballement affolant […] … la rumeur a été mise à égalité avec l’information. Les fadaises du Net avec les enquêtes des journalistes. Les blogs délirants avec les journaux sérieux. »

Ah, combien de « pans sur le bec » mérités pour ce « Les fadaises du Net » opposées aux « enquêtes des journalistes » et ce « Les blogs délirants » opposés aux « journaux sérieux. » !

Sur l’affaire Luc Ferry et sur les journaux qui ne diffusent pas les rumeurs : « Ou ils savaient et les voilà membres de cette confraternité des puissants qui se protègent les uns les autres. Ou ils ne savaient pas, et ils ne sont pas complices, mais tout simplement nuls, mauvais incompétents. Puisqu’il suffit d’aller sur le Net... »

Pour finir, le Canard concède : « Quelques journaux -et de rares sites Internet d’information- continuent de penser que publier une information sans enquête, sans preuve, sans recherche contradictoire n’est pas un scoop mais une faute, parfois même un délit. »

C’est exactement ce que pense LGS, en revendiquant à la fois son professionnalisme et son droit à l’erreur, lequel est assorti du devoir de la reconnaître et de la corriger.

Il insupporterait au Canard enchaîné qu’on le glisse subrepticement dans un tas des revues écornées, périmées et glacées étiquetées "Pour salles d’attente" où il prendrait rang avec Voici. Nous sommes pareillement chagrinés d’être domiciliés par le palmipède satirique dans une grande benne baptisée Net (et le tri sélectif, alors ?). Nous souhaitons longue vie à tous ces organes-là , ceux des salles d’attente et leurs pareils du Net, mais nous n’en voulons pas pour colocataires. Nous campons à part, à mitonner un journal où "Les faits sont sacrés et les commentaires libres", comme le clament insolemment ceux qui s’assoient en vérité sur cette devise de Beaumarchais, sans savoir que le lecteur confond de moins en moins les diseux et les faiseux.

Le Grand Soir.

Sur le sujet, voir aussi :

http://www.legrandsoir.info/Les-medias-deconsideres-pondent-dans-Internet.html

http://www.legrandsoir.info/Les-medias-ronges-par-des-taupes-de-sites-alternatifs-libres-et.html

URL de cet article 13954
   
RÉVOLUTIONNAIRES, RÉFUGIÉS & RÉSISTANTS - Témoignages des républicains espagnols en France (1939-1945)
Federica Montseny
Il y a près de 80 ans, ce sont des centaines de milliers d’Espagnols qui durent fuir à l’hiver 1939 l’avancée des troupes franquistes à travers les Pyrénées pour se réfugier en France. Cet événement, connu sous le nom de La Retirada, marquera la fin de la révolution sociale qui agita l’Espagne durant trois ans. Dans ce livre, on lit avec émotion et colère la brutalité et l’inhumanité avec lesquelles ils ont été accueillis et l’histoire de leur survie dans les camps d’internement. Issu (…)
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Si vous avez déjà accordé de l’importance à ce qui se diffuse pendant un journal télévisé, si vous vous êtes déjà intéressé à ça pendant, disons, plus de 30 secondes, c’est que vous êtes soit un de ces étudiants en comm’ qui y croit encore, soit un de ces journalistes qui voudrait nous y faire croire encore, soit vous étiez malade et alité devant la télé. Sinon, vous avez un sérieux problème de perception.

Viktor Dedaj

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