Le Courrier, lundi 27 novembre 2006.
Assurance Maladie - En quatre mois, à Genève, quatre-vingt-huit malades ont dû aller chercher leurs médicaments à l’hôpital cantonal, leur assurance leur ayant coupé les vivres.
Pas d’argent, pas de Suisse ! Le refrain est bien connu des assureurs maladie helvétiques, qui, depuis le 1erjanvier 2006, appliquent une nouvelle disposition de la Loi sur l’assurance-maladie (article 64A, LAMal) les autorisant à ne plus rembourser les assurés accusant des retards de paiement [1]. Une enquête réalisée à la policlinique de médecine de Genève dresse un premier bilan critique de cette mesure, qui, de fait, prive de l’accès aux soins les plus faibles parmi les plus faibles.
Entre mai et août 2006, quatre-vingt-quatre personnes suspendues par leur assurance-maladie ont dû se fournir en médicaments auprès de la policlinique de médecine des Hôpitaux universitaires genevois [2], ont constaté les médecins Christophe Marti et Hans Wolff, auteurs d’un article paru le 1er novembre dans la Revue médicale suisse. Cette solution de secours avait été mise en place dans l’urgence au mois d’avril par les autorités, alertées par le Groupe sida Genève sur le cas de trois personnes séropositives contraintes d’interrompre leurs trithérapies...
L’analyse des deux médecins fait apparaître que « l’inégalité face à la maladie existe aussi face au système de santé ». En effet, trois quarts des patients obligés de se rendre à l’hôpital pour continuer leur traitement sont sans emploi et bénéficiaires d’aides sociales. C’est d’ailleurs ces mêmes services sociaux qui s’acquittent du payement de leurs primes maladie. Dans la plupart des cas, la suspension des prestations serait de plus « motivée par des litiges anciens et portant sur des sommes de faible importance ».
On est aussi frappé de constater que parmi les « interdits d’assurance », on compte 59% de patients atteints de troubles psychiques. Suivent ensuite des pathologies surreprésentées dans les classes sociales défavorisées, telles que les maladies cardiovasculaires, le diabète et les problèmes pulmonaires. La plupart des patients disent avoir dû interrompre leur traitement, encourant des risques qualifiés de graves par les auteurs de l’étude. Dans 40% des cas, les conséquences auraient même pu être fatales.
Enfin, les deux médecins observent que les personnes victimes de l’article 64A sont globalement ce que les assureurs qualifient dans leur jargon de... « mauvais risques ».
Philippe Chevalier
– Source : Le Courrier de Genève www.lecourrier.ch
– Le Courrier n’a pas de capital, mais il a une richesse : son lectorat. Abonnez-vous, ou faites un don !
Le Courrier de Genève toujours en sursis.