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Guatemala : Rigoberta Menchu à la croisée des chemins, par Nidia Diaz.








Granma international, La Havane, 22 Février 2007.


Même si tout n’est pas encore décidé, le mouvement politique Winaq, qui aspire devenir un parti politique, a annoncé qu’il promouvra la candidature de l’indigène Rigoberta Menchu, avec son accord, en vue des élections présidentielles de septembre prochain au Guatemala.

La Prix Nobel de la Paix, âgée de 48 ans, présentée par Winaq, - dont le nom en langue maya signifie « équilibre et intégrité » - a rappelé que durant 200 ans de vie républicaine les indigènes ont seulement été des électeurs et ne se sont jamais présentés comme candidats. C’est pour cette raison que leur participation plus active dans la vie politique devient nécessaire.

La leader indigène, dont la décision laisse apercevoir un espoir de changement pour ce pays d’Amérique centrale, dans un nouveau contexte régional favorable à des alternatives viables au modèle néo-libéral qu’elle a vivement critiqué, a indiqué qu’elle ne participerait pas à cette élection à titre personnel, mais à la tête d’un groupe de personnalités susceptibles d’offrir du neuf dans un nouveau Gouvernement et d’assumer la responsabilité de réaliser les transformations pour lesquelles le peuple combat depuis des décennies.

Elle a avancé que le Winaq et elle, étaient en contact avec plusieurs organisations politiques qui ont toujours essayé de promouvoir sa candidature comme Rencontre Progressiste, dirigé par la députée Nineth Montenegro ainsi que Unité Révolutionnaire Guatémaltèque (URNG) pour concrétiser son éventuelle nomination.

Avec ces organisations sera discuté le projet, proposé par Menchu, de la répartition des sièges aux Congrès et dans les mairies, dont 50% devraient être réservés au Winaq, lequel, comme elle le souligne elle-même, ne sera pas un Parti « exclusivement indigène, mais une expression multiculturelle et multilinguistique », qui travaillera en alliance avec d’autres forces.

Si l’on parle et si l’on brandit le thème de l’équité, il s’agit de le faire passer dans les faits au profit des peuples indigènes, tant délaissés, discriminés et exclus du Guatemala et dans d’autres nations du continent.

Lors d’une déclaration à l’agence Prensa Latina, Menchu a expliqué : « Je rêve d’un Guatemala pour tous, où ni la langue, le costume ou la position sociale soit un motif d’exclusion (...) Je voudrais voir tout le peuple participer à une aube nouvelle dans ce pays ».

C’est dans cette direction vers laquelle s’acheminent le Winaq et les autres partis, qui, une fois leur alliance scellée, devront se mettre d’accord sur la répartition des sièges en jeu pour la présidence, la vice-présidence, les 158 sièges du parlement unicaméral, les 332 mairies et les 20 députés pour le parlement centro-américain.

Comme de coutume, de telles exigences devront être approuvées par les structures de Rencontre Progressiste et l’URNG des anciens guérilleros. Lors du dialogue qui a déjà débuté avec ce dernier parti, celle qui est aussi une leader indigène et la dirigeante de Winaq, Otilia Lux de Coti, a indiqué à la presse que les conversations avaient débouché sur des points d’accord concernant les objectifs de transformation du pays.

Un jugement partagé par le secrétaire général de l’URNG, Héctor Nuila, qui a déclaré que, lors de la réunion qui s’est déroulée dans la résidence de la Prix Nobel, des questions concernant l’approfondissement d’un projet politique, les candidatures et les possibilités d’étendre les alliances avaient été abordées.

Il a spécifié que son Parti n’était nullement hostile au projet de quota de 50% de candidats du Winaq aux élections, dans la mesure où la prise en compte des peuples indigènes fait partie du projet de l’URNG.

Même si Nineth Montenegro, de Rencontre Progressiste, a été depuis des années le porte-drapeau et la pionnière de la candidature présidentielle de Rigoberta Menchu, elle a indiqué qu’elle n’était pas favorable à la cession par son organisation de la moitié des sièges à pourvoir au mouvement Winaq, bien qu’elle se soit engagée à analyser et à réfléchir sur ce sujet avec les secrétaires départementaux.

Incontestablement, ces difficultés ne seront pas les seules que l’éventuelle candidate Prix Nobel trouvera dans sa course à la présidence.

Si, finalement, sa candidature à la tête d’une alliance de gauche se concrétisait, Menchu deviendrait la première femme dans l’histoire du Guatemala à occuper une telle position, jusqu’ici réservée uniquement aux hommes, et encore moins aux indigènes.

Elle devra aussi faire face aux haines accumulées contre elle par les secteurs militaires et l’oligarchie. Ceux-ci ne lui pardonnent pas s’être convertie en icône d’une lutte pour la justice face aux massacres perpétrés par l’Armée contre la population indigène et paysanne, expulsée au profit des propriétaires fonciers.

Rigoberta Menchu et sa famille ont été des victimes directes de ces massacres, du racisme et de la discrimination qui règnent au Guatemala. Ce qui implique que sa candidature pour la première magistrature du pays soit vue, depuis la logique du pouvoir établi, avec crainte, surtout en tenant compte du fait qu’un indigène comme elle, Evo Morales en Bolivie, contre toutes les prévisions, est parvenu à prendre les rênes du pouvoir pour accomplir les objectifs de justice et d’équité. Des objectifs pour lesquels nos peuples se battent depuis plus de 500 ans.

Les autres éléments, auxquels Rigoberta Menchu sera confrontée, seront les campagnes orchestrées par Washington, soutenu par tout l’appareil médiatique.

A partir du moment où sa candidature sera définitive, elle n’aura pas de trêve. Q’une autre brebis s’échappe du bercail, comme récemment au Nicaragua, est la dernière chose que pourrait accepter l’administration républicaine de George W. Bush.

Les jours à venir seront décisifs avec des confrontations internes et externes. Une combattante éprouvée comme Rigoberta Menchu devra résister si elle veut faire justice à tant d’années ignominie, d’exclusion et discrimination auxquels a été soumis l’immense majorité des guatémaltèques.

Nidia Diaz


 Source : Granma www.granma.cu




A LIRE : L’histoire des "escadrons de la mort" guatémaltèques, par Robert Parry.


L’Amérique latine déclare son indépendance, par Noam Chomsky.

Amérique latine : La bipolarisation inévitable Raul Zibechi.






 
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