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Sacré Chouet !

Publié 2011, le livre d’Alain Chouet – Au cœur des services spéciaux – La menace islamiste : fausses pistes et vrais dangers – fait partie, sans doute, de ce qui s’est publié de mieux en France sur les attentats du 11 septembre 2001, le terrorisme islamiste et les crises de l’arc proche et moyen-oriental. L’ouvrage ressort aujourd’hui en poche (1), agrémenté d’une postface tirant quelques enseignements des deux années passées, en commençant par déconstruire les idées reçues sur les mal nommées « révolutions arabes ».

On se souvient, notamment, qu’un de nos islamologues en chef de Science-Po Paris écrivait – en août 2011 que les djihadistes « étaient paniqués par la vague démocratique en train de submerger le monde arabe… » Remis de cette panique qui n’a rien soustrait de leurs capacités de nuisance, les islamistes sunnites se sont aussitôt réorganisés en deux branches : les Frères (modérés) et les salafistes (radicaux). Peu ou prou inventées par les mêmes docteurs en islamologie, ces deux catégories/valises servent désormais de fil conducteur à la lecture de l’actualité en Tunisie, Égypte, Libye, sinon en Syrie. Et les mêmes de se féliciter en déplorant la pression débordante de groupes « salafistes », note Chouet, qu’on ne pourrait maîtriser qu’en leur faisant des concessions. Et il ajoute : « L’argument est peu convaincant quand on observe que la plupart des leaders de ces groupes salafistes sont issus de la Confrérie, ce qui laisse planer la suspicion quant à la spontanéité de ces surenchères entre tribuns populistes. » Criant dans le désert depuis plus d’un quart de siècle qu’il faut « suivre l’argent », Chouet conclut : « Tant qu’ils bénéficieront du “nerf de la guerre” financier que leur prodiguent généreusement nos partenaires wahhabites du Qatar et de l’Arabie Saoudite, les Frères musulmans, leur filiation salafiste et surtout leurs différents bras armés djihadistes pèseront sur notre sécurité collective. J’y inclus celle de nos voisins arabes, quelle que soit leur confession, et, musulmans, quelle que soit leur nationalité, qui sont les premières victimes de cette violence. »

Sur la Syrie aussi, Chouet n’y va pas par quatre chemins : « Les soutiens extérieurs importants apportés à cette rébellion armée ne font qu’éloigner les perspectives d’un règlement pacifique du conflit. Quelles que soient les responsabilités des uns et des autres dans le drame syrien, le fait est qu’aujourd’hui l’opposition politique au régime est totalement hétéroclite et fragmentée. Dispersées à l’étranger, essentiellement en Turquie, en France et au Qatar selon leurs affinités, ses diverses composantes prônent des stratégies contradictoires et souvent marginalisées au profit de la rébellion militaire. Et, au sein de cette dernière, les fondamentalistes sunnites djihadistes ont pris le pas sur les éléments locaux. »

Sur la Libye, il est opportun de rappeler, comme Chouet le fait : « Personne ne nous avait demandé de détruire tout un appareil d’État, ses infrastructures, ses communications, de bombarder les bâtiments officiels, d’assister militairement la rébellion qui comptait plus d’éléments armés que de civils, de massacrer la famille et les proches de l’autocrate, de livrer ce dernier publiquement et devant les caméras à la loi de Lynch. »

Quant au Mali : « Comme l’a dit le président Hollande, ces djihadistes sont vaincus mais ils sont toujours là. Et comme toute guérilla dégénérée, ils se sont reconvertis au grand banditisme, au trafic de drogue et à la prise d’otages. Tout cela n’offre pas le tableau d’une grande et durable stabilité. »

Enfin, relevant – comme le fait Afrique Asie depuis longtemps – qu’il est paradoxal de faire la guerre à des islamistes au Mali alors qu’on les soutient en Syrie, Alain Chouet conclut : « Plus étrange apparaît en revanche l’empressement des Occidentaux à favoriser partout les entreprises réactionnaires encore moins démocratiques que les dictatures auxquelles elles se substituent et à vouer aux gémonies ceux qui leur résistent. Prompt à condamner l’islamisme chez lui, l’Occident se retrouve à en encourager ses manœuvres dans le monde arabe et musulman. »

Quel bonheur – dans le pays de Voltaire et Condorcet – de lire de telles vérités qui ont valu à plus d’un journaliste leur mise à mort professionnelle. Quel soulagement de disposer d’un tel livre à diffuser sans modération à la sortie des églises, des mosquées, des synagogues et des meetings politiques. Quel espoir de tourner et retourner de telles pages où la complexité s’éclaircit et au fil desquelles on approche l’intelligence des choses.

En dernière instance, et ce n’est pas le moindre de ses mérites, ce sacré Chouet nous apprend qu’un espion[1] peut aussi rester un homme libre…

Richard Labévière

(1) Éditions La Découverte/Poche, avril 2013.

(2) Alain Chouet : La Sagesse de l’espion, L’œil neuf Éditions, 2010.

»» http://www.afrique-asie.fr/menu/actualite/60-politique/5831-sacre-chouet.html
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