Russie : La situation du mouvement radical après l’assassinat de la militante anarchiste Anastasia Baburova.
Entretien avec Igor d’ « action autonome » de Moscou
L’interview a été faite par « autonome info service » du Danemark, traduit en Castillan par A las barricadas, et de là en Français par ma pomme.
- Où en est la gauche radicale en Russie après l’assassinat d’Anastasia "Skat" Baburova ?
Tout d’abord, je tiens à souligner qu’il n’existe pas de consensus dans la mouvance autonome pour définir si nous sommes de "gauche" ou non. Nous sommes tous des communistes libertaires, la plupart des anarcho-communistes, mais les questions sur le « gauchisme » sont controversées. Certains d’entre nous sont considérés comme "de gauche", moi pas, parce que la "gauche" est toujours identifiée à des symboles, comme les T-shirts Che Guevara.
Personnellement, je ne me considère pas "de gauche", je suppose que la plupart des patriotes de "gauche" pensent que Nastya a été assassinée par une sorte de conspiration juive.
En ce qui concerne les anarchistes et libertaires, ils furent très visibles au lendemain du meurtre, parce que ce fut la première grande manifestation anarchiste à Moscou, avec des destructions de biens. Mais beaucoup d’anarchistes ont été tués au cours des dernières années, et je ne pense pas que ce meurtre-là va changer les choses.
Nous savons que c’était Stanislav Markelova qui était visé, et que Anastasia, qui était avec lui, a été assassinée par accident. Il y a des rumeurs disant que les pistes mènent à des cercles militaires ou d’extrémistes de droite à Moscou. As-tu un peu plus de précisions sur qui est derrière le crime ?
Non, et je ne vois pas beaucoup de raisons de douter. Stanislas s’attaquait aux intérêts de nombreux groupes et au pouvoir, pas seulement aux nazis ou aux militaires.
Pouvez-vous résumer brièvement l’état de la société russe aujourd’hui ?
Trop vaste question ! La crise économique a frappé la Russie plus fortement que la plupart des pays de l’Ouest, mais moins que la Lituanie ou l’Islande.Les protestations vont croissantes, mais il est difficile de dire si elles dépasseront le niveau du printemps 2005. La télévision est très contrôlée par l’État, à l’exception d’une télévision commerciale, qui est moyennement indépendante, il existe des journaux et des radios indépendants, mais pas dans toutes les régions.
La Russie est un pays très vaste et il existe d’énormes différences entre les régions - certains ont des régimes assez libéraux (Moscou, Saint-Pétersbourg, la Carélie et Perm, par exemple), d’autres très autoritaires (Tchétchénie, Ingouchie, avant le récent changement de régime, Mordovie, Bachkortostan, Kalmoukie et Mari, par exemple).
Il y a actuellement 6 anarchistes et anti-fasciste prisonniers politiques, 4 d’entre eux non jugés. Quant aux prisonniers politiques de "gauche", cela dépend si vous considérez la Commission nationale des bolcheviques comme de gauche.
- Pouvez-vous décrire l’environnement de la gauche radicale en Russie et à Moscou, aujourd’hui ?
Quels sont les tendances et les groupes politiques existants et quelles sont ses principales activités ?
Encore une fois, cela dépend de ce que vous appelez de "gauche". Ce mot peut être utilisé pour presque tout.
La plus grande force qui s’autodénomine ainsi est le parti communiste de la Fédération de Russie, KPRF.Il agit "à l’intérieur du système" et de tenter de balayer toute activité radicale dans la rue tout comme les partis communistes partout dans le monde.Ils ont été favorisés par les récentes restructurations électorales qui ont pratiquement exclu du système politique fédéral les autres partis d’opposition. La majorité de ses électeurs sont des fonctionnaires et des retraités. Peut-être sont-ils encore plus patriotes que les partis communistes des autres pays, ils ont appuyé de sang en Tchétchénie, par exemple. Mais n’ont pas tenté d’alliances avec les fascistes… pour le moment.
Le parti de la "mère patrie" est une création du Kremlin dans le but de concurrencer le KPRF. Ils sont encore plus chauvins le KPRF, mais ils ont chassé les nazis, qui étaient là quand le parti a été fondé.
Les autres staliniens de ligne dure, sont très marginalisés, car ils n’ont pas d’autre stratégie que les élections, ce qui est maintenant inutile. Le Parti communiste révolutionnaire des travailleurs, le RKRP, est présent dans quelques syndicats alternatifs (comme Zaschita Truda, "Défense du travail »), mais l’anti-sémite TR (Groupe de travail pour la Russie), lui, n’est apparemment pas présent.
Il existe plusieurs groupes trotskistes (revendiquée ou non), mais aucun d’entre eux a plus que quelques dizaines de militants et sont tout à fait hors du coup.
Le Parti national bolchevique, et le stalinien AKM (avant-garde de la jeunesse communiste) qui oeuvre en direction des « jeunes de la rue »sont en déclin en raison de la répression. A Moscou, les anarchistes sont plus actifs que les deux réunis, mais ils ont de la peine à mobiliser plus qu’eux.
En Sibérie existe Confédération des syndicats (SKT, 6000 membres), qui a, parmi ses militants, des anarchistes et des anarcho-syndicalistes.
En ce qui concerne le mouvement anarchiste (que je ne qualifie pas de gauche) il n’a cessé de croître au cours des 9 dernières années. Les organisations les plus grandes sont « action autonome » et « Anarchist Rainbow Keepers » (dont l’activité principale est de mener des compagnes de protestation sur le terrain de l’écologie). Il ne reste pas grand-chose de l’Association des mouvements anarchistes, l’ADA, mais certains militants sont toujours actifs.A Moscou, il y a deux groupes de travail - le KRAS (Confédération révolutionnaire des anarcho-syndicalistes) et MPST (syndicat inter-professionnel de travail).
La plupart des anarchistes sont en dehors des organisations, dans des réseaux où l’on trouve aussi des gens qui s considèrent seulement comme antifascistes.
Les anarchistes sont assez disponibles pour s’unir dans une initiative protestataire. Les principales de ces dernières années auxquelles les anarchistes participèrent furent un mouvement de citoyens contre le développement urbain, et d’autres manifestations pour l’environnement, des actions anti-guerre et anti-armée , l’anti-fascisme et la répression au travail. Parfois, il y a aussi des squatters.
Pouvez-vous citer quelques medias ou sites, de la gauche russe ?
Je me fous de ceux de la "gauche". En ce qui concerne les anti-autoritaires, ils sont très actifs dans la publication de fanzines, par exemple dans les années 2007, plus de 60 magazines en Russie ont été publiés. Cependant, la plupart sont sur la musique et la contre-culture. En ce qui concerne les publications politiques en direction d’un public majeur, il y en a peu, et à part quelques publications non régulières de « Action autonome », il n’y a que la presse anarcho syndicaliste qui paraisse avec une certaine régularité.
En ce qui concerne Internet, les réseaux sociaux et des blogs ont plutôt remplacé les publications papier. Une bonne chose parce que ça se diffuse plus facilement à la population, une mauvaise parce que l’accès à l’information est parfois biaisée, et parce qu’il n’y a pas de plates-formes technologiques anti-autoritaires qui concurrence vraiment les commerciales.
Pour une bonne liste de contacts, vous pouvez contacter la section russe de la revue « abolition de la frontière » ou visitez les pages jaunes anarchistes ... Mais voici sélection de sites Internet du spectre anti-autoritaire :
Autonome de l’action : http://avtonom.org Anti-fasciste portail d’information et d’analyse http://www.antifa.p0.ru/ Indymedia Russie http://ru.indymedia.org/, Indymedia Kouban (région de Krasnodar et Adyguéens) http://kuban.indymedia.ru Piter Indymedia (Saint-Pétersbourg) http://piter.indymedia.org/, Indymedia Sibérie http://imc-siberia.org, Nouvelles sur le mouvement squat et les squats http://squat.anho.org/
JPD
La suite de l’interview dans :http://oclibertaire.free.fr/