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Eloge du « campisme »

Rien n’est plus digne de respect qu’un idéologue populiste « campiste » quand tombe la mitraille sur ses frères

Si j’avais plus de temps, je ferais l’éloge :
 du populisme, qui se dévoue au peuple,
 des idéologies qui contrecarrent le « pragmatisme » en vogue au Café du Commerce,
 du « campisme » (tiens, réflexion faite, je vais m’y essayer illico ci-dessous) qui est l’art de s’engager dans un combat politique en jurant qu’Adolf Hitler avait tort à 100 %.

A 100 % ! Et peu me chaut si ses ennemis (et du coup mes alliés, damned !) étaient bourgeois, royalistes, communistes, staliniens, prêtres, churchilliens ou Ricains…

« Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles
Au coeur du commun combat… »

(« La rose et le réséda », poème d’un « campiste »).

A 100 % ! Pourtant, Adolf Hitler peignait d’assez jolis tableaux, caressait les petites têtes bondes et aimait les chiens. Mieux (je ratisse large), il était végétarien, contrairement à : Charles de Gaulle, Jean Moulin, Gabriel Péri, Missak Manouchian et les maquisards de Corrèze, ceux du Vercors, les habitants d’Oradour-sur-Glane, les généraux de l’armée Rouge, bref, des gens dont je n’aurais dit aucun mal (ou alors sous la torture) pendant la guerre. Et qui, sans doute, avaient tous des défauts et commis des erreurs.

Le concept de « campisme » a été inventé par les adversaires des défenseurs des peuples pour les obliger à édulcorer leurs propos. Ils collent l’étiquette infamante sur un flacon dont il n’est pas utile, dès lors, d’analyser le contenu.

En gros, les « anticampistes » disent : « La terre est plate, cessez de raconter qu’elle est ronde. Convenez tout au moins, si vous tenez vraiment à contester sa platitude, qu’elle est un peu voutée, arquée, bossu. Tenez : bombée comme un ballon de rugby. Apprenez à être consensuels et dénoncez-moi ces hérétiques avec qui vous faites bloc. ».

Néanmoins, tous les médias des milliardaires, appuyés à l’occasion par des égarés anars, antifas, trotskistes, communistes, peuvent bien, s’ils y trouvent un intérêt politique provisoire, plaider contre la rotondité de la terre, elle n’en devient pas pour autant plate ou ventrue : elle est ronde. A travers les âges, et bien avant Galilée, cette vérité était connue des savants, même si les « anticampistes » de Rome y voyaient motif à dresser des bûchers.

Les « campistes », qui croient, comme Elsa Triolet, qu’« une barricade n’a que deux côtés », sont sermonnés au nom de la démocratie par des camarades qui abandonnent de temps à autres leur poste en première ligne. Ceux-là sont des

zigzaguistes, des mollisseurs du genou, des jokaristes, des binaires, des cyclothymiques, des girouettistes, des retourne-vestistes en gestation, des clignotantistes : un coup ça marche, un coup ça marche pas. Si le clignotant de gauche est en panne, les « anticampistes » s’en fichent : quand ils tournent, c’est à droite.

Si vous vous engagez sur un passage pour piétons quand arrive une voiture d’« anticampistes », remontez en vitesse sur le trottoir : vous ne pouvez pas savoir s’ils vont vous laisser passer ou vous écrabouiller. A l’épicerie on les voit, perplexes devant les rayons ; ils prennent et reposent des produits. A la caisse, intercalez votre dos entre votre carte bleue et eux.

D’une manière générale, les « anticampistes de gôche » sont capables d’une accolade chaleureuse et, sans transition, d’un bourre-pif.

A la fois avocats, procureurs, juges, ils sont à la besogne pour condamner aujourd’hui les pays qu’ils donnaient naguère en exemple. Dame ! Hier c’était bien, beau, pur et rrrévolutionnaire. Aujourd’hui (Voir reportages sur France Culture, Arte, BFM, etc.), c’est si moche qu’on se demande ce qu’il attend, Trump. Il ferait bien d’envoyer moins de tweets et plus de missiles.

La plupart des « anticampistes de gôche » seraient en peine de nous rappeler leur position quand l’OTAN démembrait la Yougoslavie et semait la mort dans plusieurs pays arabes, aujourd’hui tas de ruine. Ils sont infoutus aussi de nous dire les noms de ceux qui ont remplacé les chefs d’Etat assassinés et en quoi ils sont meilleurs et en quoi est plus grand le bonheur des survivants et plus nombreuses leurs libertés et plus épanouies les femmes et mieux scolarisés les enfants et mieux soignés les vieillards et mieux assurée la sécurité des chrétiens. Interrogez là-dessus les « anticampistes de gôche » si vous voulez enfin savoir à quoi ressemble un silence de cimetière.

S’agissant de l’Amérique latine, ils ont aboyé et aboient encore volontiers avec les USA contre des pays qu’ils avaient soutenu un temps : Cuba, le Venezuela, la Bolivie.

Voici venu le tour du Nicaragua. Et toujours avec les mêmes arguments, plausibles, mais politiquement erronés : la

violence de nos amis dans la défense de leur pays, des dissensions dans la tranchée… Ils ne voudront jamais admettre que les informations, photos, vidéos sur lesquelles ils appuient leur prise de distance ou leur condamnation sont pour une grande part des fake news, comme le charnier de Timisoara, les couveuses débranchées au Koweït, les ADM de la fiole brandie à l’ONU par Colin Powell et tant d’autres. Ils se demandent encore avec stupeur comment les 6000 Libyens qui ont été assassinés par Khaddafi (prétexte à l’intervention de l’OTAN) se sont évaporées sans laisser le moindre bout d’os, sans qu’aucun satellite n’en saisisse la moindre image. Mes amis, n’essayez pas de leur donner d’autres sources, ils les réfutent sans les lire. surtout si elles risquent de les ébranler comme ici et ici.

Les « anticampistes de gôche » sont passés du treillis de Fidel à un abonnement à l’Obs. Si un traître, un renégat, parade dans leurs parages, ils en font un témoin pour Libé, Le Monde, voire pour Politis quand cent autres, loyaux, n’auront pas droit à la parole.

Animés par un besoin égoïste, individuel, personnel, d’être respectés par leurs voisins de droite et jusque par les crapules du camp d’en face, les « anticampistes de gôche » surfent sciemment sur les vagues de mensonges agitées par les médias. Maurice Lemoine, grand spécialiste de l’Amérique latine (dont il connaît chaque pierre) et journaliste honnête s’il en est, déplore que la gauche latino-américaine ait à se battre sur deux fronts : celui de l’impérialisme et celui de « ce qu’on appelait autrefois l’extrême gauche » : « post-trotskistes », « anarcho-irresponsables », « académiques haut de gamme », « khmers verts » de l’écologie (sans parler du sous-courant des « marxistes narcissistes »).

Relisez les « anticampistes de gôche », ces donneurs de leçon à distance : aux moments les plus dangereux pour la survie de Cuba et du Venezuela, ils ont rejoint la meute des loups. Il faudrait que les Cubains soient bien amnésiques pour oublier comment le PCF les a lâchés, à une époque, au nom de la démocratie. En 2004, alors que les USA avaient inscrit Cuba dans leur liste des « pays ennemis, pays terroristes, pays cibles  », Nicole Borvo, sénatrice communiste (non « campiste », hein !) fustigeait « la duplicité de Cuba qui se sert du prétexte du blocus pour refuser liberté, justice et débat démocratique ». Le prétexte du blocus !

Pour justifier leurs honteux abandons, les « anticampistes de gôche » ont besoin de discréditer ceux qui continuent la bataille sans faiblir, qui ne s’offusquent pas du slogan : « Seremos como el Che ! ». Guevara, le plus prestigieux des « campistes », s’amusait à dire : Pas un pas en arrière, même pour prendre son élan ! ». On peut avoir de l’humour et mourir pour une cause, non ? Passons sur l’humour des « anticampistes » ; jusqu’à plus ample informé je le mets au niveau de celui de Finkielkraut ou des végans.

Les « populistes » et les « idéologues » ayant été discrédités il fallait donc porter le fer contre les « campistes »
De tous les côtés, le reproche leur est fait d’être adeptes d’une vision hémiplégique du monde puisqu’ils défendent une cause sans en clamer les vices. Mais l’énumération de ces derniers, vrais ou inventés, submerge l’espace médiatique, à tel point que même un citoyen dépolitisé définira spontanément Castro, Chavez, Maduro, Morales, Ortega, comme des dictateurs, et parfois même sans trop savoir dans quels pays (1). De sorte que l’ambition des « campistes » n’est pas de cacher des choses, déjà surmédiatisées, mais d’en exposer d’autres, restées dans l’ombre, et de ne jamais diffuser, en aucune circonstance, les mensonges de l’autre camp. L’autre camp où, voyez comme c’est étonnant, grouillent des « campistes », jamais nommés ainsi. Tiens, pourquoi ?

Cependant, objectera-t-on, la politique n’est-elle pas l’art du compromis ? Si fait ! Et c’est pourquoi les « campistes » sont prêts à toutes les négociations, mais à partir d’une forteresse et pas après y avoir ouvert des brèches dans les murs, pas après l’entrée de chevaux de Troie, pas après avoir été à confesse, pas après avoir mis aux arrêts des archers et pendus quelques lanciers en gage de bonne volonté.

Les « anticampistes de gôche » sont prudents (un autre mot me vient, mais restons polis). Ils appliquent à la politique le pari de Pascal. Si les « campistes » ont raison (s’ils triomphent), ils les rejoindront in extremis et chacun aura oublié les positions passées. C’est une astuce qui a bien marché vers la fin de la seconde guerre mondiale. Si les « campistes » ont tort (s’ils essuient une défaite), on y verra la perspicacité de ceux qui dénonçaient leur sectarisme et leur entêtement politique « à front de taureau ». Dans les deux cas, l’attachement des « anticampistes de gôche » à la démocratie, aux libertés, au pluralisme sera démontré. Certains (les plus propres sur eux politiquement) seront ministrables.

Pour sauver leur bien le plus précieux (leur image) les « anticampistes de gôche », qu’ils soient germanopratins de souche ou de connivence, peuvent te vous sacrifier des peuples entier en psalmodiant « dé-mo-cra-tie, dé-mo-cra-tie ».

Ah ! L’inusable fable de : « Pour les campistes, les ennemis de mes ennemis sont mes amis ». Certes pas ! Mais ils sont, parfois, des alliés de facto. Avec certains amis de gauche, on peut presque se passer d’ennemis.

Les « anticampistes de gôche » ramènent leur science politique mais croient que le « matérialisme dialectique », c’est deux gros mots accolés. Ils croient pouvoir juger un gouvernement sur un instant T d’une lutte, sans avoir vu le film depuis le début, sans lire le générique, sans connaître les producteurs et les membres du Comité d’avances sur recettes. L’affiche du film, dessinée par des faussaires, leur suffit. Les médias mainstream en ont fait pour eux l’analyse.

Laissons encore la parole à Aragon dont j’ai dit plus haut qu’il était « campiste ».
« On sourira de nous pour le meilleur de l’âme
On sourira de nous d’avoir aimé la flamme
Au point d’en devenir nous-mêmes l’aliment
Et comme il est facile après coup de conclure
Contre la main brûlée en voyant sa brûlure
On sourira de nous pour notre dévouement »….

Vladimir MARCIAC

Note (1) Remarquons au passage que pour les plus bêtes et méchants (et les moins à gauche) des « anticampistes » Jean-Luc Mélenchon n’est pour l’instant que « l’ami des dictateurs », ce qui est un bon début de diabolisation avec premiers résultats immédiats puisqu’il suffit d’associer assez souvent deux mots (Mélenchon/dictateur) pour que les cerveaux visés fassent le reste.

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Jean Ortiz a publié 90 articles sur le site Le Grand Soir. Son style impeccable, son cœur à fleur de clavier, son intelligence servant sa remarquable connaissance des dossiers qu’il traite, son humour, sa fougue, sa fidélité aux siens, c’est-à-dire aux guérilleros espagnols que le monde a laissé se faire écraser par un dictateur fasciste, le font apprécier par nos lecteurs (nos compteurs de lecture le disent). Il a en poche une carte du PCF qui rend imparfaitement compte de ce qu’est pour (…)
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Viktor Dedaj

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