Merci Nadine pour cette analyse que je partage.
Pourquoi la révolte des banlieues françaises n’a pas recueilli le soutien de la gauche française de la même manière que le soutien apporté aujourd’hui à la jeunesse grecque et pourquoi la Palestine, l’Iraq, l’Afghanistan mobilisent t-ils très peu de personnes issues de cette même gauche comme ce fut le cas pour la guerre du Vietnam hier où la mobilisation fut unanime ?
Ma réponse est que soit la gauche française est minée de l’intérieur (par qui ? à vous de deviner) soit qu’elle est "inconsciemment" raciste et surtout islamophobe ; elle se dit après tout ces gens ne sont pas comme « nous » (occidentaux), ce sont des musulmans donc de potentiels islamistes voire des terroristes alors pourquoi dépenser notre énergie pour eux, qu’ils crèvent !
Extrait d’un texte que j’ai publié sur un autre site :
Le racisme anti-musulman est un racisme honorable et séculaire ; il ne date pas d’aujourd’hui et plonge ses racines dans le fin fond de la vieille histoire. Il s’agit d’une idéologie profondément installée dans l’inconscient de millions d’occidentaux et la haine du musulman et de l’arabe loge au coeur de l’identité occidentale et de la culture européenne et nord américaine.
Ce racisme n’est pas l’apanage d’une extrême droite mais se situe aussi bien à droite qu’à gauche seul le langage et la terminologie changent. Si le racisme véhiculé par la droite et son extrême utilise un discours anti-arabe et anti-immigré, la gauche reprend à son compte ce même discours raciste en substituant les mots arabes et immigrés par islam et musulmans, mais il s’agit bien évidemment de la même population.
Ce racisme vieux de plusieurs siècles est la conséquence du sentiment de supériorité de l’occident à l’égard des musulmans. Convaincu de sa suprématie, l’occident considère, celui qui ne donne pas de gages de respect des normes identitaires occidentales, comme son inférieur voire son ennemi.
Comme l’explique Sophie Bessis [1], l’identité occidentale est indissociable d’une culture de la suprématie. Au Moyen Age, les européens se croyaient supérieurs en termes religieux : de part ses préceptes de justice, de charité et de paix, le christianisme est perçu comme une religion éternelle et universelle. Aujourd’hui les occidentaux se considèrent comme gardien et propagateur de l’universel ; leur avancée technique et leur supposée supériorité intellectuelle font que l’occident se voit seul apte à définir les conditions d’accès aux valeurs universelles et à mesurer le degré de respect ou non de ces valeurs. Cela suppose que toutes les pensées, toutes les actions et décisions des gouvernements comme des peuples devraient se mesurer à l’aune des « valeurs » occidentales.
Cette confiscation de l’universel par l’occident a permis l’association de la démocratie, de la liberté et des droits de l’homme à l’impérialisme occidental. L’ingérence militaire et les guerres destructrices dans les pays musulmans menées au nom des droits de l’homme, l’opprobre jeté sur l’islam, le mépris des musulmans au nom de ces mêmes valeurs et les écarts énormes entre les discours et les actes ont eu pour effet de considérer le désir d’acquérir ses valeurs comme une trahison et une acceptation de l’hégémonie occidentale. La rue arabe et musulmane tourne le dos au modèle occidental et glisse pleinement et librement vers l’islam. Si demain un vote démocratique a lieu cela conduira certainement à l’islam alors que les musulmans savent très bien que l’islam ne maintiendra probablement pas cette démocratie ; il ne s’agit ici ni d’un vote islamique ni d’un rejet de la démocratie en tant que telle mais une façon de résister à la suprématie occidentale. La rue arabe et musulmane a compris que L’occident moderne aux avancées technologiques extraordinaires, s’est badigeonnée d’une couche superficielle pour donner l’illusion d’être civilisé. Mais au fond il reste barbare et le qualificatif civilisation qu’il s’était octroyé est usurpé. Durant tous les siècles derniers, l’occident a eu le monopole de la violence, le mensonge, la tromperie, l’hypocrisie, la politique de deux poids deux mesures, le mépris de l’autre, l’individualisme, l’égoïsme, l’insulte, le colonialisme, la torture, le pillage, le meurtre, la déportation, le génocide, la guerre, l’esclavage, le dénigrement, le non respect de l’autre et de la nature et l’exploitation des plus faibles. Les génocides ont trouvé leurs plus fidèles serviteurs dans cette société occidentale.
Suffisant et arrogant, l’occident qui a construit toute son identité autour de cette hégémonie voit d’un mauvais oeil la faillite de son modèle« la crainte de devoir abandonner la position hégémonique qui a forgé leur relation au monde est synonyme, dans les consciences occidentales, de la peur de voir se dissoudre leur identité. » écrit Sophie Bessis.
Mais le dépositaire de l’universel humaniste s’accroche ; convaincu que seul l’occident est et restera la civilisation la plus puissante, il trouve refuge dans le « choc des civilisations ». Pour cela, il s’allie avec son frère siamois, le sionisme et avance un concept fallacieux celui de la fable « civilisation judéo-chrétienne ». Mais de quelle civilisation s’agit-il ? De celle qui s’est construite sur le sang, les pogroms, l’extermination ou la déportation massive de millions de juifs ? Cette idée trompeuse permet d’une part à l’occident de se blanchir des siècles d’antisémitisme et de gommer toute trace des contributions de la civilisation musulmane dans la civilisation occidentale. D’autres part, elle affirme qu’Israël est un pays occidental supprimant ainsi tout risque d’orientalisation de l’état sioniste et censurant la civilisation judéo-musulmane, qui elle a bien existé et a duré plus d’un millénaire ; elle a produit Maimonide et Averroès, Ibn Gabirol et Avicenne.
Cette union sulfureuse mènera t-elle le monde à la nuit nucléaire comme l’a averti Chirac ?