Bien sûr, en lisant ces derniers mots, d’aucuns vont pousser les hauts cris et s’inscrire en faux. Le texte est « technique ». Oui. Et comme il pointe son nez en Conseil des ministres pendant les vacances scolaires, les mouvements de rue qu’il soulève sont un peu moins vifs. Ouf.
Il n’en demeure pas moins que, pour ceux qui étaient de sortie, un sombre constat, certes persistant depuis de nombreux mois, est effectué. « Nous n’avons pas élu Hollande pour …ça ! », résume une manifestante du cortège parisien.
LES LASAGNES DU MEDEF
« Les lasagnes que nous a servi Hollande sont indigestes. Elles sont cuisinées au cheval du Medef ! », ironise un militant CGT de Peugeot Aulnay venu avec sa délégation.
Ce qui transpirait de la manifestation à Paris, et sans doute dans le reste du pays, c’est ce sentiment insidieux, urticant : de ne pas avoir tout contre soi le produit qu’on a pourtant choisi en rayon le 6 mai dernier. L’emballage de gauche.
Pire : on se sent vraiment perdu. Moi Président et Jean-Marc Ayrault sont en passe de réaliser ce dont Nicolas Sarkozy se plaisait à rêver. Détricoter le code du travail. « Là où il commence se termine la liberté de penser », leur a redit Laurence Parisot, encore patronne des patrons.
Ce code a, jusqu’ici, fait qu’au lieu de sombrer dans un désarroi espagnol, la France a pu continuer, tant bien que mal, à rester debout en travaillant. A maintenir a minima sa consommation intérieure sans chercher trop rapidement dans les poubelles.
Images outrées, exagérées ? Voir !
Le projet de loi dit de la « sécurisation de l’emploi » (plus éloigné aurait été impossible) présenté ce mercredi 6 mars en Conseil des ministres se veut la transcription de l’accord signé le 11 janvier dernier entre le Medef, la CFDT, La CFTC et CFE-CGC. Sans la CGT, ni FO.
Un économiste interrogé sur France Info sur qui étaient les plus gagnants dans cette affaire, des salariés ou du patronat, après quelques atermoiements de rigueur du style « il est trop tôt pour le dire », lâche le morceau : « Je pense que la flexibilité l’emporte ».
Des badges portés par les manifestants le 5 mars annonçaient « je suis inflexible ». Mais il va falloir drôlement s’accrocher.
LA FLEXIBILITE L’EMPORTE
Les détails ne sont pas encore connus car c’est aux députés de les rédiger mais « les accords de maintien dans l’emploi » devraient permettre :
– aux entreprises « en difficulté » d’exiger des efforts à leurs salariés mais en s’engageant à ne pas faire de licenciements économiques. Les salariés devront donner du temps ou du salaire en « travaillant plus sans être payés plus ».
Il va donc falloir apprécier ce qu’est une entreprise « en difficulté ». Ensuite, il va y avoir indubitablement chantage à l’emploi : « si les syndicats majoritaires ne signent pas (leurs paraphes seraient obligatoires) je ferme ! ».
– l’exonération du plan social en cas d’accord majoritaire si elle supprime plus de 10 postes sur un site même si elle en recrée 10 ailleurs. Donc le salarié sera contraint, dans ce cas, d’accepter la mobilité ou d’être licencié.
Les délocalisations risquent de voir leurs rythme croître au rythme de négociations le couteau sous la gorge.
– Des indemnités de départs conventionnels plafonnées par un barème tenant compte de l’ancienneté. Sinon ce serait au juge de décider.
Il y a peu de chances que les juges s’écartent de ces futurs barèmes « officiels » même si ceux-ci aboutissent à des sommes indignes.
– En cas de plans sociaux, que l’ancienneté ne soit plus un critère de sélection des charrettes. Le « dernier entrant, premier sorti », n’aura plus cours.
Les seniors vont rejoindre beaucoup plus vite encore Pôle Emploi, ce qui n’améliorera pas pour autant le chômage des jeunes… Les stages au lance pierre vont fleurir de toutes parts.
Voilà , à très gros traits, ce que le gouvernement Hollande, de gauche, entend par « flexisécurité » à l’allemande. Avec pour faire passer la pilule l’argument que la France, réputée impossible à réformer, doit s’adapter aux nouvelles conditions économiques.
Correction : c’est la France « salariée » qui doit s’adapter. Elle seule.