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Réflexion sur la répression syndicale

La répression syndicale a cette singularité qu’elle est interprofessionnelle, internationale et dure depuis toujours avec une constance sans faille, sans répits et sous tous les gouvernements en France et quasiment partout dans le monde (à l’exception de CUBA et peut être d’autres dont je n’ai pas connaissance).

Il s’agit d’analyser et de comprendre pourquoi.

Aujourd’hui en France 90% des travailleurs sont des travailleurs salariés. L’action syndicale se situe dans l’entreprise, étant le cœur même de la domination et de l’exploitation capitaliste, l’action syndicale de se fait devient le point de convergence où doivent se gérer toutes les contradictions : économique, sociologique et psychologique. C’est pour ces raisons qu’il faut considérer le combat syndical comme étant non pas « un combat » mais « le combat d’avant-garde » contre l’exploitation capitaliste. Une action syndicale est toujours concrète, immédiate et physique parce que la confrontation avec l’ennemi, ou ses représentants, est directe.

La volonté de ne pas s’engager dans une organisation syndicale de classe et de masse, revient à abandonner le cœur du combat pour mener la lutte de classe.

La classe dominante le sait d’ailleurs extrêmement bien et l’a intégré depuis toujours. C’est pour cela que l’oppression et la répression envers l’organisation syndicale et ses militants est de rigueur.

Je souhaiterai maintenant faire un point sur ce qu’on entend par oppression et répression anti-syndicale car certains aspects sont méconnus ou rarement évoqués voir occultés.

Pour ce qui est de la répression il y a les aspects que je qualifierai de classique, dans le sens ou c’est le plus visible, le plus connu et aussi le plus violent. Cela se traduira par les licenciements, ah non pardon « les plans de sauvegarde de l’emploi » (ha, ha.... langage de racaille capitaliste), les poursuites juridiques, les conseils de disciplines internes aux entreprises ou les agressions physiques menées par ceux que la classe dominante utilise comme chiens de garde du système, plus connues sous le nom de « force de l’ordre ».

En ce qui concerne l’oppression, cela relève d’aspects et de méthodes beaucoup plus vicieuses et insidieuses. Cela se traduira dans le cadre professionnel par le blocage d’une évolution de carrière ou la non-attribution d’avancement, entendu comme une évidence au vu du positionnement politique en tant que militant syndical, indépendamment bien-sur de tout aspect professionnel. Tout cela est largement partagé dans notre société, et pas seulement dans la classe dominante, c’est là le drame.

Les tentatives d’isolement de la part des collaborateurs de la classe dominante vis-à-vis des collègues. Travail que ces fameux collaborateurs exécutent par servitude volontaire avec parfois un zèle digne des plus grands psychopathes. Albert JACQUARD l’avait dit clairement, notre société sélectionne les dirigeants et collaborateurs du système capitaliste parmi les individus les plus dangereux et les plus psychopathe d’entre nous. Et s’ils ne le sont pas, ils le deviennent grâce à une organisation du travail et des valeurs de compétition. Ce qui entraîne soit une transformation psychologique soit une explosion en plein vol de ces individus.

Mais le plus difficile psychologiquement à surmonter dans l’oppression anti-syndicale, c’est l’oppression quotidienne. C’est la distillation d’un mépris permanent dans la société vis-à-vis de l’action syndicale y compris par une forte partie de la masse des citoyens souvent inconsciente qui ne perçoit pas, sûrement par ignorance, que leurs positionnements anti-syndicaux primaire jouent contre leur propre intérêt de travailleurs et de citoyens. Les médias de masse assurant le gros du travail de sape évidemment. Cette propagande anti-syndicale perpétuelle, à travers le simple principe de répétition dans les médias, finit par être repris quasi naturellement jusque dans la bouche parfois des cercles les plus proches.

Pourtant, quelle conquête sociale a été obtenue sans combat syndical ? Aucune.

Qui, quand il prend ses congés payées, fait instinctivement le lien entre le fait d’avoir accès à ses congés payés et les combats syndicaux que nos anciens ont mené ?

Quel est le seul moyen d’obtenir un rapport de force assez puissant pour gagner quelques conquêtes que ce soit, si ce n’est par le blocage et l’immobilisation de l’économie du pays ?

Qui peut effectuer ça à part les travailleurs organisés ? Et un syndicat ce n’est rien d’autre que des travailleurs qui décident de s’organiser pour défendre leur intérêt de classe. Aucune autre organisation ne peut le faire, ni un parti politique, ni une association, ni un mouvement quel qu’il soit. Cela ne voulant pas dire que ces autres formes d’organisation soient en contradiction ou inutiles. Bien au contraire, elles sont complémentaires et indispensables à certains moments. Mais j’insiste sur le fait que la lutte syndicale est un combat d’avant-garde et que rien ne sera possible si nous abandonnons ce terrain.

Je ne veux pas dire non plus en évoquant les autres types d’organisations politiques que le syndicalisme à lui seul capterait la totalité de l’oppression et de la répression politique.

Il suffit de regarder les derniers mois de lutte contre la loi « EL KOHMRI » pour constater la répression politique qu’il y a eu à tous les niveaux et envers toutes les organisations de résistance au capitalisme.

Ce qui est intéressant à percevoir, c’est que la répression politique, pour toutes les raisons déjà évoquées, touche en priorité l’organisation syndicale et ses militants. En effet, lorsque cette répression politique atteint des partis, associations ou mouvement, cela veut dire, à coup sur, que la répression et l’oppression sur les militants syndicaux est déjà bien avancée pour ne pas dire totale.

J’en arrive maintenant au constat plutôt évident que le degré de répression exercé par la classe dominante sur la classe des travailleurs est directement lié au niveau du rapport de force construit par les travailleurs eux-mêmes.

Il est donc logique que plus le rapport de force devient favorable aux travailleurs, sans pour autant être décisif sur la classe dominante, plus le degré de répression augmentera, jusqu’à ce que ce même rapport de force passe le cap de la domination, seul chemin possible pour inverser le degré de répression. Ensuite, passé ce cap, plus le rapport de force augmentera en faveur des travailleurs plus la répression et l’oppression diminuera jusqu’à disparition (réappropriation collective des moyens de production).

Suite à quoi je voudrais aborder quelques analyses et réflexions partagées avec certains camarades militants syndicaux et intellectuels militants sur deux aspects qui nous paraissent prioritaires et qui expliqueraient en partie le faible rapport de force actuel au vu des enjeux à la fois sociaux et de mobilisation pour la paix entre les peuples, contre les guerres impérialistes en cours qui préparent potentiellement le pire pour l’espèce humaine.

La première c’est l’absence « d’unité » :

Comme le définissez Amilcar CABRAL, grand révolutionnaire pour l’indépendance et le socialisme en Guinée Bissau et des îles du Cap-Vert, l’union ce n’est pas l’unité. Et nous pensons qu’il est fondamental de percevoir à quel point, parfois au sein d’une même organisation, la volonté d’union est bien plus forte celle de la recherche de l’unité. La nuance étant que dans l’union la notion d’objectif commun n’est absolument pas une évidence, plusieurs personnes ou organisations peuvent s’unir à une période donnée tout en poursuivant dans le même temps des objectifs différents. L’unité implique de ce fait de partager un ou des objectifs communs au-delà d’une union éphémère.

Pourquoi les forces militantes se dispersent ? Et je parle bien de dispersion et non pas de division. Cela s’explique en partie par une loyauté détournée des militants vers l’organisation d’appartenance pour l’organisation et non plus envers les idées. Nous parlons bien-sur, là, de façon générale.

Le deuxième aspect, c’est l’abandon de la volonté de remettre en œuvre une éducation populaire dans le sens d’une éducation politique à une échelle de masse par le biais notamment de l’organisation syndicale. Ce qu’il faut essayer de mesurer de notre point de vue, c’est le recul croissant de l’appartenance des jeunes militants syndicaux à une organisation politique, parti ou association.

Exemple : à EDF- GDF il y a 25 ans, la plupart des militants syndicaux, pour ne pas dire tous, étaient adhérents d’un parti le PCF le plus souvent, mais aussi la LCR ou LO. Ce qui impliquait que beaucoup avaient une formation politique solide et donc une grille de lecture qui permettait d’être mieux armé et d’aborder notamment la question indispensable de la temporalité de l’histoire et de ne pas abandonner la lutte au premier échec ou la déception que le grand soir ne soit pas arrivé tout de suite ou tout simplement que tel ou tel combat n’ai pas aboutit pour le moment. Nous constatons, que le fait d’une absence de formation politique chez nombreux militants pose la difficulté de s’engager dans la durée.

Nous pensons dans la période que l’organisation syndicale est la mieux placée pour relancer ce grand chantier de former politiquement à grande échelle la classe des travailleurs. Quand nous parlons de former nous pensons, à l’apprentissage de l’histoire, celle des lapins pas des chasseurs pour reprendre la formule d’Howard ZINN, de la culture populaire, de l’économie, de la philosophie, de la psychologie, tout ce qu’on n’a jamais fait quand on a eu un parcours BEP / CAP / Bac Pro, mais avec un plus : la volonté d’émanciper et non de sélectionner comme cela est organisé dans l’éducation Nationale.

Reste à franchir l’obstacle le plus compliqué pour amorcer la remise en place de cette éducation populaire indispensable, en bousculant ce que l’on pense être nos priorités de militant, qui consiste jusqu’à présent à réagir au calendrier patronal qui n’offre aucun répit, en acceptant de faire le choix politique de déplacer une partie de notre énergie dirigée jusqu’ici dans la lutte immédiate, pour préparer l’avenir. Nous savons que cela est plus facile à dire qu’à faire et que souvent au vu des attaques ou des urgences sociales cela n’a rien d’un choix évident.

Pour conclure, nous pensons que le syndicalisme aujourd’hui est plus en état de résistance que dans un combat d’avant-garde.

Il s’agit donc de mettre en œuvre plus que de réinventer, avec toute la volonté politique nécessaire pour que cette résistance à la réaction rentre enfin dans une période offensive.

Stéphane VAILLANT
Militant syndical CGT dans le secteur de l’énergie.

PS : j’ai écrit ce texte suite à des entretiens réguliers avec mon camarade Viktor DEDAJ qui m’a aidé à structurer ma pensée. Je l’évoque parce que ce texte reflète le travail d’un militant syndical avec un intellectuel militant, alliance trop peu exploitée de notre point de vue et pourtant indispensable et efficace.

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