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The New York Times

Quel était le Crime de Moussaoui ?

DAHLIA LITHWICK

CHARLOTTESVILLE, Va. - La semaine dernière, c’est la troisième fois que le présumé " 20ème pirate de l’air," Zacarias Moussaoui,aura changé sa ligne de défense durant les procédures d’avant procès [prétrial Proceedings] devant la cour fédérale de Virginie . M. Moussaoui a maintenant essayé chacune des lignes de défense possibles : tentative de ne pas se défendre du tout, de plaider non-lieu, de plaider coupable et, finalement de plaider non coupable pour les charges de préparation d’une conspiration durant les événements du 11 septembre.

Certains considèrent que son comportement déconcertant est une preuve de sa folie. D’autres affirment que la Juge Leonie M. Brinkema devrait avoir honte de laisser un fou se représenter seul devant la justice. Mais il y a un tiers dans cette situation qui mérite sa part de blâme pour la conduite de M. Moussaoui : le gouvernement des Etats-Unis, qui l’a délibérément chargé d’un crime qu’il ne pouvait pas prouver.

Une grande partie du public et un grnad nombre de media s’imaginent que le gouvernement a un dossier solide contre M. Moussaoui. Mais cette certitude commence à faiblir aprés une lecture attentive de l’acte d’accusation. L’acte d’accusation est une description colorée et dramatique des attaques du 11 septembre, détaillant en un récit parfait la collusion des pirates de l’air et leurs préparatifs.
Mais l’histoire racontée peut difficilement être considérée comme un dossier parfaitement étanche contre M. Moussaoui. Régulièrement, l’acte d’accusation s’attache à des activités parallèles de M. Moussaoui - tissant l’histoire de sa participation dans ce qui est arrivé le 11 septembre de la même manière que le personnage de Tom Hanks a été introduit à l’aide de trucages dans de véritable séquences de films historiques dans "Forrest Gump." L’acte d’accusation ne relie jamais Moussaoui aux 19 autres pirates de l’air - qui étaient connectés entre eux - et ne suggère m^me pas qu’il ait pu les rencontrer. Mis à part un simple transfert d’argent fait à M. Moussaoui par la personne qui transférait aussi des fonds au groupe, rien dans l’acte d’accusation ne le lie à ces hommes au-delà de son adhésion à Al Qaeda.

Lorsqu’on scrute l’acte d’accusation, trois possibilités apparaissent : soit le gouvernement ne présente pas la preuve cruciale liant M. Moussaoui aux attentats du 11 septembre ; soit le gouvernement n’a aucune preuve liant M. Moussaoui aux attaques du 11 septembre ; soit la loi fédérale sur la conspiration est si infiniment élastique qu’elle pourrait permettre de condamner à mort M. Moussaoui pour le simple fait d’avoir acheté des couteaux, pris des cours d’aviation et s’être formé dans les camps d’Al Qaeda.

La plupart des observateurs de ce procès ont supposé que la première possibilité était fondée : le gouvernement aurait pu lier M. Moussaoui au 11 septembre, mais n’a pas voulu le faire dans l’acte d’accusation. Mais M. Moussaoui, qui a renvoyé ses avocats a fait le choix de la troisième option. Il a clairement expliqué la semaine dernière qu’il avait agi conformément à la supposition que suivant la loi des Etats-Unis, il était coupable de préparation d’une conspiration pour tuer des milliers d’Américains le 11 septembre, uniquement parce qu’il était un membre d’Al Qaeda et avait joué un rôle d’hébergeant. Il n’a changé sa ligne de défense que lorsque la Juge Brinkema lui a minutieusement expliqué : "si vous vous tenez devant cette cour aujourd’hui et que vous énoncez "je suis un membre d’Al Qaeda et j’ai fourni un hébergement, mais je n’ai jamais eu l’intention ni jamais consenti à tuer ou mutiler des personnes aux Etats-Unis" alors vous cous contestez cette conspiration spécifique."
M. Moussaoui a simplement fait l’erreur de prendre au mot la lecture très large faite par le gouvernement de la loi sur la conspiration.

Ceci explique beaucoup de la conduite bizarre de M. Moussaoui jusqu’à présent. Il se comporte comme un paranoïque fou parce que, jusqu’à la semaine dernière, il a cru qu’il risquait la peine de mort pour le 11 septembre uniquement parce qu’il était un membre d’Al Qaeda. Etant donné l’interprétation donnée par le gouvernement de la loi - la seule à laquelle il ait eu accès - il a supposé qu’il était engagé dans une procédure spectacle qui tenait plus de la vengeance que la justice.

Plusieurs raisons expliquent pourquoi le gouvernement aurait pu accuser M. Moussaoui d’une conspiration dont ce dernier n’aurait rien su. Le gouvernement pourrait espérer obtenir ainsi un levier pour mieux négocier avec lui, si ce dernier demandait à négocier avec le ministère public [N.d.T. : dans le but de réduire la gravité des charges et donc la lourdeur des peines]. En le chargeant d’un crime capital, il pouvait disqualifier n’importe quel juré s’opposant à la peine de mort, s’assurant ainsi de disposer du jury le plus conservateur. Mais dans le fond, il y a surtout le fait que trouver un coupable pour la préparation d’une conspiration en vue des attentats permettrait de commencer à venger les atrocités du 11 septembre.

Mais ceci n’est en aucune manière une façon de lutter contre la terreur. Franchement, des tribunaux militaires ou une condamnation à perpétuité dans un cachot militaire auraient été préférables.

Personne ne soutient que M. Moussaoui soit innocent. Il est de plus en plus clair qu’il recevait une formation pour une mission différente et un bonne procédure juridique nous permettrait de le poursuivre pour ce qu’il a eu l’intention de faire. Mais quelque soient la gravité de fautes de M. Moussaoui, notre système juridique doit refléter les principes par lesquels nous vivons : personne ne doit être reconnu coupable d’un crime qu’il n’a pas commis. A moins que nous n’ayons l’intention de traduire en justice chaque membre d’Al Qaeda que nous pourrions trouver pour motif de conspiration majeure dans les évenements du 11 septembre, nous devons juger M. Moussaoui pour les crimes qu’il aurait commis et pas pour les crimes dont nous voudrions nous venger.

Dahlia Lithwick est membre du comité de rédaction du magazine Slate
L’article est paru comme éditorial du New York Times


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