Ou peut-être que débordée par son travail, elle ne sait pas ce qui se passe dans le Monde. Elle aurait au moins pu prendre le temps de lire le New-York Times au petit déjeuner entre les oeufs au plat et le café. Voici ce qu’il écrivait il y a peu de temps :
« De nombreux Grecs parlent à présent de désordres civils quand le froid va s’installer et que beaucoup de gens ne pourront plus payer leur chauffage. Les prix de l’énergie, y compris de l’essence, ont augmenté, or les Grecs ne peuvent plus tirer sur leur épargne pour absorber ce genre de dépenses. Par ailleurs, on s’interroge sur la disposition de la police à maintenir l’ordre dès lors qu’elle aussi doit subir des baisses de salaires. La semaine dernière, des policiers qui manifestaient devant le bureau du premier ministre ont dû être repoussés par des brigades anti-émeutes »
La politique de Mme Lagardexemptéedimpôts donne les résultats qu’on connaît : misère, précarité, chômage, baisse de l’espérance de vie, suicides, ... Mais Mme Lagardexemptéedimpôts ne doute pas, persiste et signe. Le chaos ne lui suffit pas. Il va falloir bientôt s’excuser de vivre.
Mais bon revenons à nos moutons, laissons Mme Lagardexemptéedimpôts (ah oui, elle a un salaire de 427 000 € par an, hors frais de représentation, frais et indemnités divers, appartement de fonction, chauffeur, domestiques, ...) à ses démons et revenons au fond : le coût du travail.
Le travail n’est pas un coût
Déjà le terme est impropre. Le travail n’est pas un coût. Il supporte cependant un prix. Il correspond ce que le petit Nicolas, un ami de Mme Lagardexemptéedimpôts appelait "la valeur travail". Expression reprise en choeur par ses courtisans, mot semi-composé auquel nous préférons le classique sujet-verbe-complément "le travail a une valeur".
Et de l’ouvrier au cadre, la compétence, le talent, la responsabilité, l’expérience, l’implication et le temps de travail fourni ont un prix. Mme Lagardexemptéedimpôts aura du mal, vu son salaire, à ne pas l’admettre.
Une entreprise qui recrute investit sur une personne en vue de son propre enrichissement (et inversement). Elle ne supporte donc pas un coût. Que beaucoup de dirigeants d’entreprise, cramponnés au principe de propriété ou à la solde des actionnaires, ne le voient pas ainsi ne change pas la donne incompressible qui veut que la baisse éternelle du salaire paraît difficile voire impossible du moins à ce jour, même si certains veulent supprimer le salaire minimum aussi incroyable que cela puisse paraître. Rappelons que le Smig est à peine au-dessus du seuil de pauvreté et que la France compte près de 2,5 millions de travailleurs pauvres.
Le prix du travail en Europe
L’Institut de statistiques européen Eurostat a dressé en avril de cette année la carte du coût prix horaire de la main-d’oeuvre, en Europe et dans la zone euro. Ouest France
En Bulgarie, une heure de travail revient 3,50 € à l’employeur, charges patronales et cotisations sociales comprises. En Belgique, 39,30 €. C’est ce qu’on appelle l’harmonisation européenne.
En moyenne, dans les vingt-sept pays de l’Union, le prix horaire du travail s’établit à 23,20 € et dans les dix-sept pays qui ont adopté la monnaie unique (zone euro) à 27,60 €. Comme attendu, le prix du travail en Allemagne est inférieur à celui de la France : 30,10 €, contre 34,20 €. Cependant l’Allemagne n’a pas de salaire minimum généralisé, contrairement à la France. Ce qui lui a valu de se faire, récemment, gentiment tirer les oreilles par la Commission européenne, qui préconise de généraliser le salaire minimum (mais secteur par secteur, ce que dénoncent les syndicats).
Par ailleurs, la compétitivité allemande trouve aussi sa source dans la forte précarité des salariés. A la fin 2011, pas moins de 7,4 millions d’Allemands avaient un « 400-euros-job », un emploi à 400 €, à temps partiel et à durée déterminée, et sans bénéficier de sécurité sociale. C’est ce qu’on appelle le modèle allemand.
Constatons l’absence de corrélation entre la santé de l’économie et le prix du travail. L’Italie, la Grèce, l’Espagne, l’Irlande (qui en plus fait du dumping fiscal), le Portugal avec des prix horaires pourtant inférieurs sont dans la panade, alors que la Suède et le Danemark se portent à merveille. Le Royaume-Uni tire son économie en avant par sa financiarisation sauvage et son opposition à toute réglementation du marché financier. C’est ce qu’on appelle la cohérence européenne.
Constatons aussi que se référer à la moyenne est un non sens tant l’écart des extrêmes est important.
Le Journal du Net à publié en février 2012 un comparatif du prix du travail par secteur, graphiques à l’appui. Nous vous invitons fortement à le consulter. Il en ressort qu’à ce niveau, la France se place dans le Top 5 des pays européens où le prix du travail est le plus élevé mais sans jamais occuper la première place. Et même que la 6e dans la santé et le social, voyez- vous ça...
« Selon M Artus, le directeur de études économiques de Natixis, qui n’a pas les mêmes graphiques, seule l’économie française est handicapée en Europe par un prix du travail trop élevé. Celui-ci serait plus lourd en Allemagne ou en Suède, mais les industries de ces pays sont mieux spécialisées, dans le haut de gamme ». Autrement dit selon M Artus, le prix du travail ne doit pas être fonction du travail mais du marché espéré. Donc pour être certaine d’être compétitive, une entreprise n’a qu’ à baisser indéfiniment le prix du salaire. Pour un peu, il va falloir payer pour travailler. C’est bien, M Artus, c’est bien. Ca sert les études.
Les autres ressorts de la compétitivité
C’est drôle, Mme Lagardexemptéedimpôts n’en parle pas : les salaires mirobolants des dirigeants, les stocks options, les retraites chapeau, les jetons de présence des conseils d’administration, les frais démesurés, les spéculations à tout va, les paradis fiscaux, l’exil fiscal, la recherche, l’investissement, la formation et la santé des travailleurs, l’enseignement, la productivité....
La productivité. Les Français, Mme Lagardexemptéedimpôts, sont parmi les champions du Monde de la productivité, ce qui compense et légitime aussi le prix du travail. La productivité par heure de travail (PIB de 1 932 milliards d’euros en 2010 divisé par 42 milliards d’heures travaillées) est plutôt élevée en France. Elle est plus élevée qu’en Allemagne (46,4 euros en France par heure contre 38,4 euros en 2010).Coe Rexecode
Reste que ce sont les charges sociales qui vont être touchées. Bon. Bravo. Ca finira comme aux Etats-Unis où 50 millions d’américains n’ont aucune couverture sociale, où 250 000 malades psychiatriques errent dans les rues, où l’espérance de vie commence à régresser, où 2,5 millions de personnes sont incarcérées. Que des économistes prétendent que c’est la protection sociale qui a permis à la France de mieux supporter la crise est sans doute une ineptie indigne d’intérêt.
Les salaires en Europe
Dire qu’en baissant le prix du salaire en France cela va permettre une plus grande compétitivité des entreprises, est une ineptie au regard des écarts de salaires existants dans les pays européens de l’UE à qui la France consacre près de 60% de ses exportations.
En moyenne à équivalent temps plein, les habitants du Royaume-Uni gagnent par mois 3 118 euros, soit quatre fois plus que les Bulgares, qui eux sont rémunérés à hauteur de 688 euros. A l’exception de la Finlande, les pays du Nord et de l’Ouest de l’Europe affichent tous des salaires mensuels supérieurs à la moyenne européenne, estimée à 2 395 euros. Les disparités entre les pays sont tout aussi conséquentes lorsqu’on tient compte du salaire horaire. Le Point
La France ne sera jamais compétitive en Europe à l’égard de certains pays, même en divisant par deux les salaires des Français. Tous les pays ne peuvent pas rêver de disposer, en même temps, d’excédents commerciaux. Si certains en dégagent, c’est parce que d’autres exposent des déficits.
C’est ce qu’on appelle la loi du marché si chère à Mme Lagardexemptéedimpôts.
Le vraies questions, c’ est de savoir vers quels pays le prix de salaire est un frein pour les exportations françaises, pourquoi , et comment s’adapter sans encore une fois s’en prendre aux mêmes sur la base de diagnostics tronqués et solutions à la volée.
Mme Lagardexemptéedimpôts ni les caciques de l’ultra-libéralisme sauvage ne peuvent prouver ce qu’ils affirment. Ils l’auraient déjà fait. Avec pertes et fracas.
Mais rassurons Mme Lagardexemptéedimpôts : en France, entre 1998 et 2008, les 10 % les plus pauvres ont reçu 2,8 % de l’ensemble de la richesse nationale, alors que les 10 % les plus riches ont disposé de 31,7 %. En dépit du ralentissement de la croissance, la France continue à s’enrichir. Entre 1998 et 2008, le revenu global des ménages après impôts et prestations sociales s’est accru de 260 milliards d’euros en termes réels (inflation déduite). Mais cette richesse a été largement captée par une minorité. Observatoire des inégalités
Mais c’est normal. Seuls les dirigeants assurent l’enrichissement d’une entreprise...
C’est ce qu’on appelle la civilisation du progrès.
http://www.blogapares.com/on-nous-refait-le-coup-du-cout-du-travail/