La Havane, 7 août 2006.
Nul ne saurait ignorer, vu la couverture médiatique, que l’Etat sioniste massacre les civils libanais, surtout les enfants, aux applaudissements de Bush-Blair, ces deux grands gardiens de la civilisation chrétienne, tandis que le reste de la « communauté internationale », ce prête-nom des quelques autres Grands qui ont voix au chapitre, s’avère incapable de la moindre action parce qu’elle veut tenir la balance hypocritement égale entre les bourreaux et les victimes au nom du fameux droit de légitime défense toujours si mal employé, et que la majorité des gouvernements arabes donne une fois de plus preuve de sa lâcheté face à un Etat foncièrement agresseur et annexionniste par définition et, dirai-je, par tare de naissance, ce qui explique pourquoi il peut faire, hélas, à peu près ce qu’il veut. Aucun autre au monde ne pourrait commettre le centième des crimes de toutes sortes qu’il perpètre sans encourir les foudres de la « communauté » susmentionnée (rappelez-vous les réactions face à l’invasion du Koweït par l’Iraq et la sainte indignation actuelle de la « communauté » face à l’Iran). Impunité assurée par les raisons précitées, mais aussi, bien entendu, par le soutien inconditionnel en armes, en milliards et en veto, et la complicité sans failles des Etats-Unis, toutes administrations confondues ; impunité dont jouit d’ailleurs le grand protecteur lui-même, l’Etat le plus agresseur de la planète depuis la fin de la seconde guerre mondiale, le seul au monde dont les troupes sont toujours engagées sur un théâtre d’opérations quelque part dans le monde.
Nul ne saurait ignorer, vu la couverture médiatique, que Fidel Castro a été opéré à Cuba. Ce qui donne l’occasion à la presse transnationale abonnée à l’impensée unique d’étaler comme de coutume son ignorance crasse du fait cubain ou, plus simplement, sa stupidité arrogante face à une Révolution dont les valeurs lui sont aussi hermétiquement étrangères que les arcanes les plus indéchiffrables (à cet égard, les âneries - pour être poli - d’un Alexandre Adler atteignent des sommets si himalayens que les bras m’en tombent et que la seule réaction qui me vient est : « Mais quel con ! », au point que je me demande comment le plus vieux (je crois) journal de France a si peu de respect de soi et de sa profession qu’il continue de donner un espace à un plumitif d’une telle incompétence prétentieuse).
Cette même presse transnationale laisse toutefois passer sans presque rien dire, aujourd’hui dimanche, un événement capital par son symbolisme.
Il est vrai que cela se passe en Bolivie, qu’elle est le fait d’un président qu’elle nous présente presque à la limite comme un cocaïnomane et d’Indiens qui ne parlent même pas une langue intelligible. Et pourtant !
La télévision cubaine a passé au journal de 13 heures des images de l’entrée en fonction de l’Assemblée constituante. Et alors, là , quel bonheur que d’assister à la libération toujours plus tenace et solide de populations autochtones asservies à la volonté des « mistis » (Blancs) et des « cholos » (métis) depuis bientôt cinq siècles, taillables et corvéables à merci, bêtes de somme plutôt qu’êtres humains !
Quel merveille de constater combien elles sentent qu’une nouvelle Bolivie bien plus à elles est en train de voir le jour, contrairement au passé où, tout en constituant 80 p. 100 de la population, elles n’avaient pourtant jamais eu le moindre droit à la parole, à la décision et à l’action ! De les entendre dire que ça y est, qu’elles sont en train de prendre leurs destinées en main, qu’elles se doteront d’une Constitution (elles ont un an pour ça) qui ne sera plus celle des Blancs, qui ne sera pas copiée ni imitée de normes et textes étrangers, mais dans laquelle elles traduiront leur vision du monde et de la société, elles transcriront leurs valeurs communautaires (celles des « ayllus ») et sociétales ancestrales, elles puiseront dans leur passé pour faire face au présent ! De les entendre dire avec fierté qu’elles vont « refonder » la Bolivie ! De sentir vibrer dans leurs mots le souffle de l’accession à la libération ! De vivre la façon dont un Indien, parlant de ses origines, de ses us et coutumes, de ses dieux et de son sacré, se réconcilie peu à peu avec lui-même, se retrouve dans sa peau, jusque-là séculairement zébrée de coups de fouet (et ce n’est pas une image...) ! Oui, quel bonheur que de vivre la naissance d’un monde nouveau en Bolivie !
Moment singulier dans le devenir de l’Amérique latine, journée de rupture hors du commun : les gueux, les va-nu-pieds, autrement dit les sans-culottes forcent l’Histoire et y entrent ! Et il n’était que logique que la Révolution cubaine y soit présente en la personne de Carlos Lage qui a profité de l’occasion pour inaugurer un nouvel hôpital donné au peuple bolivien par son pays. J’ignore combien de chefs d’État ou de représentants de gouvernements étrangers ont assisté à la mise en place de l’Assemblée constituante bolivienne (présidée, j’allais l’oublier, par une femme indigène !).
Cuba, en tout cas, si attentive toujours aux bruissements de l’Histoire et pour laquelle Révolution n’est pas qu’un mot de salon, se devait d’y être. L’ombre du Che planait sûrement, tel le condor, sur la cérémonie...
Jacques-François Bonaldi (La Havane)
jadorise@ifrance.com...
P.S. Le journal de 20 h (la seule télévision au monde à le faire, sans aucun doute) retransmet intégralement l’allocution d’Evo Morales : quelques délégations officielles latino-américaines, une sud-africaine... Pas une seule de l’Occident riche et repu ! Quel triste symbole... Je l’écoute à ce moment même : quiconque ne vibre pas devant cette prise de parole des exclus de toujours, devant cette renaissance d’un peuple qui commence à utiliser sa propre langue indigène pour parler de réalités et de concepts politiques à venir n’a sans doute qu’une pierre à la place du coeur !
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