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Qu’est devenu le Québec de mes rêves ?

J’ai immigré au Québec il y a trente ans. Le soir où le dépôt de pneus de Saint-Basile brûlait. Je dis bien au Québec. Munie d’un certificat de sélection et persuadée de pouvoir y élever mon fils (à l’époque j’avais un seul enfant) dans la tolérance et la liberté. Française élevée dans plusieurs pays, dont l’Algérie et l’Iran, je ne m’étais jamais habituée à « l’étroitesse » de l’Hexagone. Le racisme y était clairement exprimé et la montée de Jean-Marie Le Pen déclenchait chez moi des crises d’urticaire. Sans compter que, fraîchement diplômée en traduction, les opportunités d’emplois étaient nettement meilleures de ce côté-ci de l’Atlantique.

C’est donc animée par un besoin de renouveau, de liberté et d’aventure que j’ai posé les pieds sur le sol québécois. J’ai immédiatement constaté que le racisme y était quasi inexistant et que j’habitais dans l’endroit le plus tolérant au monde. Tout du moins le monde que je connaissais. J’avais des points de comparaisons pour avoir parcouru la planète dans tous les sens à plusieurs reprises et vécu dans de nombreux pays. Le Québec qui m’a séduite était un Québec tolérant où chacun trouvait sa place. Avec les années, j’ai compris que cette tolérance cachait parfois une certaine hypocrisie. La société québécoise demeurait néanmoins un exemple en ce qui concerne l’inclusion des nouveaux arrivants. J’ai pu exercer ma profession (traductrice) à mon compte, reprendre des études, faire de la radio, publier des articles et de la fiction, réaliser des films documentaires, retourner encore à l’université (à plus de 50 ans) pour un doctorat, changer (une fois de plus !) de profession et enseigner à l’université. Un parcours qui m’aurait été impossible dans mon pays d’origine.

J’ai milité avec des personnes formidables, parmi lesquelles Léa Roback, Madeleine Parent… J’ai toujours conservé « ma différence », une histoire et un parcours personnels. Une vision acquise au fil des expériences et de mes rencontres.

Trente plus tard, qu’est devenu le Québec qui m’a accueillie ? Le pays qui m’a donné toutes mes chances et permis d’aller jusqu’au bout de mes rêve. L’intolérance, la xénophobie et le racisme font désormais partie du paysage comme les lacs et les forêts. La différence est devenue suspecte. Un accent, un vêtement suffisent pour que vous soyez ostracisé. J’ai pu le constater l’été dernier alors que j’enseignais pour une université connue. Pas un jour ne s’est passé sans que mes collègues fassent allusion à mon accent français et à mes origines. Je leur réaffirmé que « je suis québécoise : je vis et travaille ici, j’ai élevé des enfants ici (ils ont l’accent québécois), je paie des impôts au gouvernement québécois et je détiens le même passeport que mes concitoyens. » Je pense être un exemple d’intégration. Je n’ai jamais essayé de m’exclure, mais je n’ai jamais nié ma différence. Je suis qui je suis. L’important c’est ma capacité de fonctionner dans ce que je considère être « mon pays ».

Je ne me suis pas exclue avec mon accent, il fait partie de moi, de mon identité, au même titre que mes yeux bruns, mon un mètre soixante-sept et mes soixante kilos. L’exclusion commence par des détails. Critiquer ou souligner à répétition une caractéristique qui fait la différence d’autrui. Hitler ne voulait que des Allemands et des Allemandes aux yeux bleus et au nez droit. Ces détails permettent une escalade.

Après une tolérance exemplaire, puis les accommodements raisonnables, nous avons vécu la saga de la Charte des valeurs québécoises en 2013. L’objectif avoué était la création d’une société laïque, dans laquelle la religion et l’État sont séparés. L’objectif inavoué était peut-être d’assurer la prédominance de la religion catholique en interdisant le port de symboles religieux autres que catholiques. On y parlait d’interdire turban, hijab, kippah à tous les employés de l’État dans le cadre de prestations de services.

Le tollé soulevé par cette tentative du gouvernement Marois a permis une période d’accalmie. Avec la venue de la Coalition avenir Québec au pouvoir, la question de la laïcité a ressurgi et a abouti au projet de loi 21, déposé jeudi dernier. Le but est clair : interdire les signes religieux aux employés de l’État en position d’autorité. Reste à définir les signes et ce que signifie position d’autorité. Une tâche qui risque d’être ardue.

Le Parti Libéral du Québec (PLQ) et Québec solidaire (QS) s’opposeront au projet du gouvernement Legault. Pierre Arcand, chef intérimaire du PLQ a déclaré : « Le Parti libéral du Québec, c’est le parti des libertés individuelles. La liberté de religion est enchâssée dans la Charte des droits et libertés de la personne ». Québec Solidaire a voté à la quasi-unanimité pour la totale liberté. Manon Massé, co-porte-parole de QS et chef parlementaire, a déclaré « C’est l’État qui est laïc, pas les individus. La ligne a été tracée aujourd’hui. Personne ne devrait perdre son emploi parce qu’il ou elle porte un signe religieux. Nous avons tourné la page du compromis Bouchard-Taylor ».

Au niveau fédéral, le projet n’est pas bien reçu non plus. Le premier ministre Justin Trudeau a affirmé : « Laissez-moi dire que le Canada est un pays laïc, un pays qui respecte la liberté de religion et la liberté de pensée. Il serait étonnant qu’un projet de loi sur la laïcité vienne légitimer la discrimination contre quiconque basée sur la religion ».

Le projet de loi 21 pourrait au mieux réaffirmer la séparation de la religion et de l’État. Au pire, il risque d’exacerber l’intolérance. Le nationalisme est dangereux. À la place de permettre à une nation de grandir et de s’épanouir, il favorise le repli sur soi, l’intolérance et la xénophobie. Je suis pour la laïcité, mais pas à n’importe quel prix. Pas au détriment du respects des libertés individuelles. Le projet de loi 21, s’il est adopté, reviendrait à jeter à la poubelle la Charte des droits et libertés de la personne québécoise et le Charte canadienne des droits et libertés. Lesquelles garantissent la liberté de religion.

La crise que vit actuellement le Québec est le reflet d’une époque où la peur domine. Les attentats du 11 septembre ont été l’étincelle qui a permis de créer un climat favorisant l’ostracisme des musulmans. La loi 21, malgré ses prétendues belles intentions, serait un outil dangereux dans un monde où l’intolérance domine.

Claude Jacqueline Herdhuin

Auteure, réalisatrice

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Hélène Berr. Journal. Paris, Tallandier, 2008.
Bernard GENSANE
Sur la couverture, un très beau visage. Des yeux intenses et doux qui vont voir l’horreur de Bergen-Belsen avant de se fermer. Une expression de profonde paix intérieure, de volonté, mais aussi de résignation. Le manuscrit de ce Journal a été retrouvé par la nièce d’Hélène Berr. A l’initiative de Jean Morawiecki, le fiancé d’Hélène, ce document a été remis au mémorial de la Shoah à Paris. Patrick Modiano, qui a écrit une superbe préface à ce texte, s’est dit « frappé par le sens quasi (…)
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