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Pourquoi l’Europe a peur des révoltes en Afrique du Nord ? Le spectre d’une Europe Noire (Counterpunch)

Quelles sont les raisons des différences de traitement médiatique entre les migrants Africains et les boat people vietnamiens ou les balseros cubains, qui justifient que l’on pourchasse et refoule les premiers alors que l’on compatit et accueille les seconds ?
Dans le premier cas, il s’agit de populations fuyant une détresse économique et sociale générée par la main mise de l’Occident sur les richesses de leurs pays. Mais ça c’est la mondialisation, la marche du Monde vers le progrès, avec ses ratées, contre laquelle on ne peut rien. Dans le second, les populations fuient la guerre et les ravages provoqués par l’impérialisme Occidental qui n’admet pas que des gouvernements veuillent faire profiter de ces richesses à leurs concitoyens. Et contre ça on sait mettre en oeuvre d’énormes moyens, militaires et médiatiques. (NdT)

Les révoltes en Afrique du Nord sont célébrées par des millions de gens à travers le Monde mais envisagées avec peur et scepticisme en Europe. La chute des dictateurs Africains privera l’Europe d’alliés de choix dans sa lutte contre l’immigration clandestine. Le vide politique et l’instabilité sociale et économique qui en résultent créeront une nouvelle vague de migrants assez désespérés pour affronter la haute mer en direction des côtes européennes. La crise migratoire que l’Europe essaye d’endiguer depuis des années sera aggravée et l’Europe y répondra par une répression accrue ; une nouvelle crise humanitaire se prépare.

Anéantis par les guerres et la pauvreté, des milliers d’Africains quittent chaque année leurs foyers pour un long et pénible voyage vers le Nord. Arrivés au Maroc, en Tunisie ou en Libye, ils récupèrent de leur fatigue, paient des trafiquants d’hommes, et montent sur des embarcations légères en route vers l’Italie ou l’Espagne. Beaucoup meurent, victimes des vagues ou des tempêtes. Dans les grandes villes du continent, les survivants rejoignent alors l’armée des demandeurs d’asile et des sans-papiers.

Se débarrasser de ces migrants en les renvoyant dans leur pays d’origine, ou le dernier quitté avant d’entrer en Europe, s’est avéré impossible. La politique actuelle est donc d’empêcher les Africains d’atteindre l’Europe. Les gouvernements Européens ont ainsi établi des accords bilatéraux avec les dictateurs Nord Africains, les engageant comme gardes-frontières en échange d’aides financières.

Un accord bilatéral avec l’Italie prévoyait un soutien financier à Zine Al-Abidine Ben Ali en contrepartie de ses efforts pour interdire le passage de migrants Africains et le départ de Tunisiens vers l’Europe. La chute de Ben Ali a mis fin à cet accord. Il n’y a plus de contrôles aux frontières et 5.000 Tunisiens sont arrivés au port italien de Lampedusa. Bien qu’en plus petit nombre, des Egyptiens quittent leur pays et se dirigent vers l’Italie. Si l’Egypte demeure politiquement et économiquement instable, cela augmentera le nombre d’Egyptiens cherchant la survie en Europe.

En 2003, un accord entre l’Espagne et le Maroc prévoyait une coopération sans réserve des autorités Marocaines pour le contrôle des migrations en échange d’une aide de 390 millions de dollars. Deux ans après, en septembre 2005, les soldats Marocains et les gardes-frontières espagnols ouvraient le feu sur des centaines d’Africains qui essayaient d’entrer dans les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, tuant 11 migrants et en blessant beaucoup plus. Le mouvement de contestation en Afrique du Nord a déjà touché les rues du Maroc, et ici aussi le devenir de cet accord bilatéral pour endiguer l’émigration Africaine est en jeu.

Le plus notable de ces accords bilatéraux avec les dictateurs d’Afrique du Nord est le "Pacte d’Amitié" signé entre l’Italie et la Libye le 30 août 2008. Les deux pays se sont engagés dans une coopération accrue pour "combattre le terrorisme, le crime organisé, le trafic de drogue et l’immigration clandestine". Mouammar Kadhafi s’est engagé à empêcher les migrants Africains à quitter son pays pour l’Italie, et à réadmettre en Libye ceux qui auront été interceptés dans les eaux internationales. Record plafond pour ce service dont le prix atteint 5 milliards de dollars en investissements, et six patrouilleurs pour surveiller les passages maritimes entre l’Afrique et l’Europe.

Le 6 mai 2009, les gardes-frontières maritimes et la flotte d’Italie interceptèrent un bateau de migrant en haute mer et obligèrent les passagers à retourner en Libye. Le Ministre de l’Intérieur Italien Roberto Maroni salua cet acte comme un "jour historique" dans la lutte contre l’immigration illégale. Parmi les passagers, il y avait des femmes et des enfants vulnérables, des malades, et des demandeurs légitimes d’asile ou de protection internationale. L’Observatoire des Droits de l’Homme a dénoncé de nombreux abus, violences physiques et torture, contre ces migrants de retour en Libye. Dans certains cas, les autorités Libyennes vendirent les Africains à des trafiquants d’hommes qui les gardèrent dans des prisons privées jusqu’à ce que leurs familles payent pour leur libération.

Les bouleversements politiques en Afrique du Nord menacent aussi le futur de ce "Pacte d’Amitié". Mouammar Kadhafi a averti qu’il annulerait unilatéralement l’accord si les gouvernements Européens n’arrêtaient pas de critiquer la violente répression des manifestants Libyens. Ces derniers jours, les forces armées de Kadhafi ont tué des centaines de manifestants qui protestaient à travers le territoire Libyen contre son gouvernement. Le sort du dictateur Libyen reste inconnu.

Le 15 février, le Ministre de l’Intérieur Italien a demandé l’aide officielle de Frontex, l’agence Européenne de sécurité des frontières. Le 20 février, Frontex a déclenché l’opération conjointe "Hermes 2011" en déployant en Italie et à Malte des moyens aériens et maritimes supplémentaires pour combattre le flux d’immigrés clandestins d’Afrique du Nord. (http://www.bruxelles2.eu/politique-etrangere/moyen-orient/frontex-decl...).

Mouammar Kadhafi arrivera peut-être à écraser le soulèvement par la force. La chute du dictateur porterait cependant un coup irrévocable à l’actuelle politique migratoire de l’Europe. La défection des seconds couteaux de l’Europe dans la lutte contre les migrations illégales débouchera sur des interventions ostensibles des gardes-frontières armés de l’Europe contre les migrants Africains en haute mer. Jusqu’où ira l’Europe pour interdire l’accès à ses frontières aux Africains ?

Behzad Yaghmaian

Source : http://www.counterpunch.org/behzad02232011.html

Behzad Yaghmaian est professeur d’économie politique au Collège Ramapo du New Jersey, auteur de "Embracing the Infidel : Stories of Muslim Migrants on the Journey West" et de "The Greatest Migration : a People’s Story of China’s March to Power", à paraître. Il peu être joint à behzad.yaghmaian@gmail.com.

Traduction Laurent Emorine pour le Grand Soir

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