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POUR UNE RÉVOLUTION PAR LES URNES EN FRANCE ! (organisons une contre-campagne présidentielle, apartidaire, d’ici 2012 )

Paris, le 1er Juin 2011

Comme prévu, et contre ceux qui pensaient l’Europe trop assise pour une révolution, ou qui avaient analysé celles du Maghreb comme de simples sursauts démocratiques contre des dictatures décadentes, le mouvement initié en Tunisie, en foulant le sol européen, montre son vrai visage. Progressant, comme nous l’avions prédit, non par mimétisme, mais par résonnance, en ajustant chaque fois ses méthodes et ses revendications à la localité où il voit le jour, il montre que ce qui réunit la jeunesse sur les places principales des grandes villes du monde, ce n’est pas seulement la démocratie, mais une certaine forme de démocratie, dont les démocraties occidentales ne sont pas, loin de là , le modèle. L’exemple de l’Espagne en fournit la preuve. Mais quelles seront les résonnances, en France, de ce gong espagnol ?

Disons le tout de suite, avec les espagnols, nous ne nous résignons pas à assister, au second tour des présidentielles, à un match plus ou moins nul entre les deux représentants d’un ordre mondial asservi aux puissances de l’argent qui a fait les preuves de sa nocivité. En avril prochain, entre le rose pâle et le bleu pastel (à moins que la nouvelle tendance « bleu marine » ne crée la surprise) nous ne choisirons simplement pas. Et si ce derby devait avoir lieu, nous irons plutôt nous adonner à nos hobbys préférés que de participer à cette parodie de démocratie, où feront semblant de s’affronter la main gauche et la main droite d’un même pouvoir dont nous voulons la tête.

A l’heure où la voix des peuples se fait entendre dans la rue, par les armes, où s’expérimente pour la première fois une forme de démocratie directe et, c’est le moins qu’on puisse dire, participative, le peuple français a peut-être aussi, une carte à jouer. La campagne, qui a déjà commencée, livre déjà son lot d’ignominies, et ce n’est bien sûr, que le début. Sur fond de scandale sexuel, on agite comme d’habitude d’un côté les fantômes de l’Islam radical et de l’autre le spectre de l’extrême droite. Double épouvantail destiné à ouvrir un boulevard, comme le 21 avril 2007, à ceux qui se présenteront comme la seule alternative raisonnable.

Mais cette politique du moins pire, qui nous fait voter depuis tant d’années avec un rictus d’amertume, doit logiquement toucher à sa fin à un moment où nous ne voyons plus très bien ce que nous pourrions attendre de pire. Nous n’oublions pas que ce sont ces gens raisonnables qui, depuis trente ans au moins, ont mené notre pays et le monde à sa perte, paupérisé les populations, liquider tous les acquis sociaux, rendus exsangues les domaines de l’éducation, de la santé, de la justice, de l’art et de la recherche, exacerbés les conflits religieux ou ethniques, renfloué avec l’argent du peuple, des banques qui avaient déjà fait disparaître toutes ses maigres économies, pactisé (pardon, soutenus amicalement, voire installé) les dictatures ubuesques qui s’effondrent dans le monde arabe et ailleurs, tout en favorisant l’émergence internationale d’une oligarchie aussi riche que brutale, inculte, et sans aucune conscience éthique. Aussi, il nous paraît très raisonnable que ces gens raisonnables prennent un congé bien mérité avant de nous reparler de leurs compétences et de leur probité.

La Contre-campagne

« Démocratie réelle, maintenant ! » C’est par ce mot d’ordre que s’ouvrent les revendications du peuple espagnol, vite repris dans les autres pays européen, dans des rassemblements, minimes pour l’instant, mais qui auront désormais tout le temps de s’organiser. Démocratie « réelle », pointe tout d’abord les démocraties actuelles pour ce qu’elles sont : des parodies. Et en effet, récemment, de nombreuses décisions politiques de grande ampleur, qui auraient pu s’exposer à un rejet massif de la population furent prises sans consultation (« mini » traité de Lisbonne, entrée en guerre en Afghanistan, Réformes des service public, Plan de sauvetage des Banques, Plans de Rigueur etc.)

Avouons que nous ne savons pas encore ce qu’est une démocratie « réelle », sinon qu’elle est une démocratie où chacun exerce sa part légitime d’influence sur le destin de son peuple. Mais nous savons au moins ce à quoi elle s’oppose : le système représentatif des partis et des syndicats. Et l’on sait également ce qu’elle implique : une révision en profondeur des principes de l’exercice et de la fonction politique, ainsi que du rôle des médias. C’est pourquoi ce qui caractérise ces mouvements, dits « apartidaires », c’est d’abord la volonté d’en exclure toute bannière politique ou syndicale, et de contourner l’hégémonie des médias dominants en organisant eux-mêmes, via les réseaux sociaux, leur propre communication. Tout cela afin de faire entendre la voix du peuple de manière directe.

Car ce qui a fini de dégoûter le peuple de ses représentants, c’est, à travers les médias, la dérive « spectaculaire » de la classe politique, qui est d’abord le symptôme de son impuissance. Si la vie politique décadente de nos démocraties est rythmée principalement par les scandales, ponctuée de petites phrases, d’effet d’annonce ou de crash test, et si sont systématiquement privilégiés les débats à caractère polémiques, sensationnels, comme l’immigration, les affaires de corruption ou de moeurs, c’est que les médias, pour exister, se nourrissent du scandale. Et pendant ce temps… toutes les questions sérieuses et les débats de fond disparaissent de la scène politique. Il ne faut donc pas compter qu’avec la désinformation et la propagande, mais aussi avec l’occupation de l’espace médiatique par des sujets au mieux de valeur nulle, au pire, dégradants. Car l’alimentation permanente de la polémique dans une société, si elle est une source inépuisable de brèves de comptoir, a évidemment un effet désastreux sur la cohérence nationale, puisque qu’elle ne vit que d’opposer les uns aux autres dans l’arène médiatique, en renforçant les communautarismes, et donc en brisant la confiance qu’un peuple doit avoir en lui-même pour exister et s’inventer un destin. C’est ainsi que nous sommes arrivés à un tel degré d’inertie dans les décisions politiques. Car en posant les problèmes de manière polémique, on n’en fait un spectacle, mais on s’interdit de les résoudre.

Or, est en train de faire irruption dans ce spectacle dont on commençait sérieusement à se lasser, un autre acteur, dont le rôle n’avait pas été écrit et qui a surpris tout le monde dans son entrée en scène. Je veux parler, bien-sûr du peuple. Si personne n’avait prévu le mouvement qui a soulevé la Tunisie, c’est que nulle part, sur la carte politique, n’était répertoriée cette force, dans aucun parti existant, dans aucune classe sociale particulière. Et pour cause : elle n’était pas « représentée ». De la même manière, en Europe, où l’on a l’habitude de considérer l’abstention comme un phénomène de désintéressement du politique, voici que des milliers d’abstentionnistes descendent dans la rue, prennent les places pour exiger une démocratie « réelle ». Transformant le geste négatif de l’abstention en action positive de revendication. C’est en cela surtout que ce mouvement nouveau est à prendre très au sérieux. Car l’irruption de cette force muette, de par sa simple existence, invalide, de fait, le système démocratique lui-même. En rendant indéniable le phénomène de non-représentation, tout en mettant hors-jeu la théorie de la dépolitisation des esprits.

Qui sommes nous ?

Mais au fait, qui sommes nous ? De dangereux communistes ? Des intégristes écologistes ? Des hystériques de l’extrême droite ? Des membres d’action directe ? Des imams radicaux ? Des défenseurs de la chasse, la pêche et la tradition ? Pire, des centristes extrémistes ? Ou de lâches et incivils abstentionnistes ? Rien de tout cela, bien que l’on puisse compter parmi nous, pourquoi pas, des gens de telle ou telle faction. Nous sommes blancs, nous sommes nègres, chinois, arabes, nous sommes jeunes, et nous sommes vieux ; nous sommes chrétiens, athées, musulmans, bouddhistes, évangélistes juifs, ou tantristes, raéliens peut-être. En fait, nous sommes à peu près n’importe qui. Notre seul point commun, finalement, c’est que nous parlons la même langue, que nous habitons le même pays, et que nous n’avons pas peur les uns des autres. En terme d’identité nationale, disons que cela nous suffit. Et si nous ne savons pas toujours ce que nous voulons, vu le menu qui nous est proposé, nous savons très bien de quoi nous ne voulons plus.

En fait, nous sommes le véritable peuple français, né ici, ou venu y travailler, mais attaché viscéralement au trois valeurs qui trônent encore sur les édifices républicains, même si elles ont l’air, aujourd’hui, d’un chapeau à plume sur une cervelle de pigeon. Sommes nous nombreux ? Difficile à dire puisque jusqu’à présent personne n’est venu nous recensé que pour nous placer dans telle ou telle catégorie ennemie d’une autre. Mais nous pourrions le devenir. Combien était les opposants à Ben Ali, selon les sondages officiels ? Il se pourrait donc bien que prochainement, des millions de gens se réveillent parmi nous.

On nous reprochera à juste titre de ne pas avoir de programme, d’être, essentiellement contestataires. Et en effet, si nous ne disposons pas d’un « programme » à insérer dans ce « système », c’est que notre objectif n’est pas d’en changer quelques variables, mais d’en modifier les paramètres même. Ce qui implique une phase de crise et d’incertitude potentiellement dangereuse, due à la discontinuité de ces changements. Cette absence de programme est donc, en réalité, un des piliers de notre démarche, qui consiste à reconstruire la démocratie sur des bases « réelles », à partir d’une consultation véritablement populaire, qui n’a pas encore eu lieu.

Le temps viendra d’affiner nos revendications et de parfaire nos propositions. Mais il faut voir ces rassemblements spontanés, d’abord comme une opportunité unique d’expérimenter de nouvelles formes de décision collectives. Et ensuite comme l’occasion de nous rencontrer, de nous fréquenter, nous qui n’avons des autres que les vagues images fantasmées que les médias ressassent. Descendons donc dans la rue, sur les places, discutons ensemble pour éprouver ce que nous sommes, nous qui ne sommes là que sur un non, et voyons tout ce à quoi nous pouvons, maintenant, dire oui ensemble. Créons de véritables Agoras où se dissiperont toutes les images caricaturales que dresse de chacun de nous, ces médias qui vivent de nous opposer. Bobos, racailles, sans-papiers, fonctionnaires, bourges, salariés ou traders, croyants ou athées, employés ou patrons, voyons jusqu’à quel point cette cartographie qui nous sépare est valable, et si nous n’aurions pas beaucoup plus de choses en commun que nous l’imaginons. Mettons à l’épreuve ces clichés en mettant à jour la complexité réelle de la composition sociale, et sa continuité.

Dans ce pays où tout le monde s’accorde à penser que tout va mal, sans que personne n’ait rien à se reprocher, devenons réellement responsable, c’est à dire répondons les uns des autres : osons nous rassembler et nous faire face, au risque de la confrontation. Prenons les places, prenons la parole, travaillons sans relâche à la formulation de nos exigences, et de leur réalisation. Sans oublier, parfois, d’y chanter et d’y danser, car ce rendez-vous se doit également d’être une fête, un lieu de célébration, de rencontre et de désir, sous peine de dégénérer en ce grotesque, interminable et soporifique spectacle qu’est devenu l’Assemblée Nationale. De là ne sortira certainement pas un peuple bigarré et pacifié reprenant en choeur les tubes de John Lenon, mais de toute évidence une société civile plus consciente et confiante d’elle-même, moins peureuse et moins sectaire, et donc moins manipulable, qui saura se mobiliser au moment venu, et aussi sur quelle forces elle peut, ou ne peut pas compter.

La Révolution par les urnes

Nous appelons donc tous ceux, quels qu’ils soient, qui ne se reconnaissent pas ou plus dans les appareils du jeu politique, à nous rejoindre sur les places, et aussi tous ceux qui rongent leur frein au sein de leur parti à se désencarter massivement afin d’enfler les rangs de notre mouvement. Notre objectif, par l’occupation des places publiques de France, et en résonnance avec tous les mouvements équivalents en Europe et dans le monde, est d’organiser une contre-campagne, apartidaire, jusqu’aux élections présidentielles de 2012.

Cette opération aura l’énorme avantage de nous faire rester dans le calendrier médiatique, en devenant une référence incontournable des débats électoraux. Nous y prendrons soin de ne jamais laisser dériver le débat politique dans les caniveaux habituels de la sécurité et de l’immigration. Nous y répondrons mot pour mot aux propositions des grands partis par des alternatives radicales et réalistes, et nous ne nous arrêterons pas avant d’avoir porté au pouvoir, par les urnes, celui ou celle qui imposera à la Constitution les changements qui s’imposent. L’échéance des présidentielles, en France, est une opportunité que nous ne pouvons pas nous permettre de laisser échapper. Si nous échouons, la suite risque d’être bien plus difficile et plus violente, car il nous faudra entrer dans un rapport de confrontation directe avec le pouvoir. Nous avons onze mois pour accomplir cet exploit, c’est peu, mais c’est bien assez. Cette « révolution par les urnes » est possible, et elle est déjà là en puissance, d’une certaine manière, bien qu’elle n’ait pas encore tout à fait pris conscience d’elle-même. « Y croyez-vous ? » n’est pas ici la question que vous devez vous poser, mais plutôt « Le désirez-vous ? ». Et ensuite, si vous êtes un être entier, si vous n’êtes pas encore mort, d’assumer les choix qui découlent logiquement de votre réponse.

Non-violents, responsables, sobres, impeccables en somme : là est la clé de notre réussite. Car notre comportement sera le témoin de notre degré éthique collectif, c’est à dire du facteur principal de notre future autonomie. Si nous montrons, par l’exemple, que l’homme n’est pas toujours un loup pour l’homme, comme toute politique « réaliste » s’entend à le marteler pour justifier son pouvoir, plus personne ne nous enverra de policiers pour faire le chien de garde entre l’un et l’autre. Ceci est un point extrêmement important, car démontrer notre degré d’autonomie par l’auto-organisation, c’est à la fois prendre confiance les uns envers les autres, inspirer confiance à ceux qui ne nous ont pas encore rejoint, et surtout n’offrir aucune prise à tous ceux qui ne manquerons pas de nous attaquer et de nous décrédibiliser.

Le M.I.G. (Mouvement d’Indignation Générale)

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