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Pour ne rien oublier sur l’affaire Pathé et Gaumont

Il est bien difficile d’accepter que le Forum Social Européen (FSE), à prétention
altermondialiste, puisse proposer, comme lieux phares de son rassemblement, les salles des
multinationales Pathé et Gaumont. En l’absence d’analyses politiques correctes, cette initiative
leur confère un rôle majeur et les transforme en collaborateurs incontournables.

Faut-il admettre qu’il n’est désormais plus possible d’organiser librement des débats publics
de grande envergure, sans le secours des multinationales ?

Ou, faut-il admettre que cette décision a été prise sans concertation par des responsables aux
compétences limitées à celle d’organisateurs de festival ?

Depuis des mois, la commission Art et Culture (CAC), et en particulier la coordination « Pour
un autre cinéma », tente d’alerter le Comité d’Initiative Français (CIF), responsable de cette
organisation, pour corriger cette incompréhensible bévue.

C’est seulement au moment où le mouvement social des intermittents a commencé à prendre de
l’ampleur, qu’une commission s’est mise en place (à deux mois du forum) pour tenter de trouver une
solution...

Bien que l’erreur ait été reconnue, la surprise demeure quant à la faiblesse et au manque de
précisions des arguments politiques avancés :

Lettre du CIF : « (...) Ni le Secrétariat d’Organisation, ni le Comité d’Initiative n’ont mesuré le
problème politique qui pouvait être soulevé par l’utilisation de ces salles, dans le cadre d’une
initiative comme le FSE. »

Réponse de « Pour un autre cinéma » : « La leçon est d’importance... Car tout particulièrement
dans le cadre du FSE, les responsables de l’organisation, si complexe soit-elle, ne devraient pas
se laisser abuser par des problèmes techniques, au point d’en oublier les conséquences éthiques,
sociales et politiques. Par ailleurs, si reconnaître ses erreurs, c’est déjà faire un grand pas en
avant, toutefois, comment se ressaisir et transformer cette prise de conscience en actes
politiques autres qu’un constat de faiblesse ? »

Lettre du CIF : « Cette situation a été discutée lors de l’assemblée européenne de préparation
(...) à Gènes, au mois de juillet. Si des voix se sont élevées pour contester cette proposition,
force est de constater qu’elles n’ont pas emporté l’adhésion de l’assemblée. »

Réponse de « Pour un autre cinéma » : « Quant à la visibilité de ceux qui n’étaient pas à Gènes,
elle est trouble, car le relevé de cette décision ne figure pas dans les comptes rendus de cette
assemblée. Par ailleurs, pourquoi, si cette solution a été démocratiquement débattue et acceptée,
réviser votre position, aujourd’hui ?

Lettre du CIF : « Le FSE ne peut en tant que tel s’affranchir totalement des contraintes actuelles
de l’économie marchande (...) »

Réponse de « Pour un autre cinéma » : « Il ne s’agit ni de s’affranchir, ni d’économie marchande !
Il s’agit de se donner des moyens d’actions efficaces face à la marchandisation du monde !
A noter que le commerce équitable, par exemple, est une forme d’économie marchande... Mais,
dans ce cas-là , il s’agit de créer un marché contrôlé par des règles éthiques et des conventions
qui visent à établir une circulation équitable des marchandises. Ainsi, celles-ci sont mises au
service de l’amélioration égalitaire des conditions de vie, dans le respect de l’environnement, en
tant que bien commun, et de l’homme, en tant que citoyen inaliénable.
Rien de tel en ce qui concerne la marchandisation du monde, conséquence d’une idéologie du
profit comme seule finalité, et entre les mains d’une poignée d’hommes qui s’arrogent le droit de
rentabiliser tout le bien commun de l’humanité (eau, forêts, semences, génome, connaissances... )
Cette conception implique :

- une déréglementation faisant fi de la démocratie,
- une exploitation sauvage de l’homme et de la nature,
- une définition de l’homme réduite à sa fonction de consommateur dont la solvabilité, seule, est
digne d’intérêt,
- un mépris total pour les droits fondamentaux au travail, au logement, à la santé,
à la culture et à l’éducation, en faisant disparaître tous les acquis sociaux,
- une division de l’humanité radicale entre les riches et les pauvres !

Devant les dégâts, déjà visibles, de cette avancée idéologique, est-il possible de ne pas prendre
garde aux conséquences de certains choix, quand on prétend « qu’un autre monde est possible ? »

Lettre du CIF : « Nous avons refusé tout parrainage de la part d’entreprises privées, et de toutes
multinationales. »

Réponse de « Pour un autre cinéma » : « Attention ! Il reste des parrains dans les parages, c’est
le moment de trouver une bonne parade ! »

Lettre du CIF : « (...) nous ne pouvons nous passer de ces salles, sauf à remettre en cause le
programme général du FSE. »

Réponse de « Pour un autre cinéma » : « Mais alors, qu’en est-il au
juste, de cette commission créée pour chercher une alternative ?
Réponses de Pour un autre cinéma : « Attention, réfléchissez bien... Entre le bon déroulement
douillet d’une série de conférences » et « faire la démonstration réelle d’une opposition à 
l’emprise des multinationales dans tous les secteurs », croyez-vous qu’on puisse encore longtemps
tergiverser sur la bonne décision à prendre ?

En conclusion, force est de constater que les belles déclarations d’intentions, concernant « 
un autre monde possible » et l’opposition à la marchandisation du monde orchestrée par l’OMC et
l’AGCS, perdent gravement de leur crédibilité au regard des solutions pratiques adoptées et de
leurs explications.

Dans ce contexte-là , il n’est peut-être pas inutile de rappeler qu’à partir de janvier 2005,
l’Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS) devrait rédhibitoirement entrer en vigueur.
Cet accord, concocté à huis clos par des groupes d’appartenance néolibérale, a été signé par
l’Union Européenne en 1994, sans concertation démocratique. Il contraint les Etats signataires
(quelle que soit leur étiquette politique) à libéraliser, selon un programme établi par
l’Organisation Mondial du Commerce (OMC) tous les secteurs de services (dont la santé, l’eau,
l’électricité, l’éducation, la culture...).

Pour ce faire, il prévoit de lourdes sanctions en cas de manquement à ses directives (Cf. les
menaces de Bruxelles contre le gouvernement français s’il s’avise de remettre en cause son
programme de restructuration du système de santé, ou s’il intervient pour bloquer la dernière
étape de délocalisation massive d’Alstom). Il contraint donc tout état à abandonner son rôle de
régulateur démocratique (considéré comme une entrave à la libéralisation du commerce), ne lui
laissant que les fonctions régaliennes (armée, police, justice).

En la circonstance, il faudrait être « un petit garçon en culotte courte » pour ne pas
entrevoir que, par exemple, l’installation du multiplex Pathé à Ivry-sur-Seine est celle d’un
cheval de Troie... Dans un premier temps, sans doute indispensable à la commune pour financer les
infrastructures de ses services publics, et éviter ainsi d’alourdir inconsidérément les impôts
locaux d’une population déjà précarisée, le loup s’est installé dans la bergerie... Il n’a plus
qu’à dévorer les agneaux qui troublent son onde pure, en dénonçant, par exemple, la concurrence « 
déloyale » des cinémas indépendants soutenus par des financements publics.

De plus, faut-il ignorer que Vivendi Universal, le deuxième actionnaire de Pathé (déjà sur la
sellette pour la privatisation de l’eau), est sur le point de fusionner avec NBC, première chaîne
de télévision américaine en audience et revenu publicitaire. Ce rachat contribuerait à créer la
plus importante concentration de diffusion télévisuelle, ne laissant que 20% des parts aux
actionnaires français ; ceux-ci seraient alors, entièrement dépendant du décideur américain (Bob
Wright) et de ses méthodes d’agressivité publicitaire, entrecoupées de séries américaines.

Est-il encore possible de faire de l’angélisme sans prévoir que de proche en proche ce type de
virus, déjà très actif, gagnera irréversiblement toutes les chaînes, en rendant impossible toute
alternative ?...

Est-il besoin de se demander ce qu’il adviendra de l’expression d’une culture autre ?

Si le monde du spectacle, dans son ensemble, aime à voir converger le public vers lui, tous
n’ont pas vocation à devenir « le pain et les jeux du cirque »* de cette nouvelle dictature ! De
par la multiplicité des idées, des goûts et des cultures, certains tentent, en respectant la
diversité des choix du public, de conserver cette richesse culturelle en résistant à 
l’uniformisation coercitive du tout commercial.

Jetés dans l’arène, au beau milieu de la concurrence sauvage, sauront-ils, comme les saints
martyrs d’autrefois, rendre inoffensifs ces monstres affamés ?... Peu probable, car la culture
pour tous, n’existe que par le contrôle démocratique et la répartition des financements... Le joug
des multinationales aura tôt fait d’étouffer ces voix fragilisées, laissant le champ libre au
pouvoir de l’argent et à la fabrication de spectacles « show biz », hypnotiseurs et dompteurs de
foules déstabilisées.

Nous invitons, donc, tous ceux qui refusent de construire l’avenir sur des principes
archaïques de domination, à venir mettre leur grain de sel afin de gripper cette machine de
guerre, avant que l’irréparable ne se produise et que l’irréversible ne tienne lieu de
justification. Ne soyons pas les artisans passifs d’un spectacle sans conscience qui ruinerait nos
âmes !

La coordination Pour un autre cinéma


* Sous l’empire romain « le pain et les jeux du cirque étaient le service public minimal que les
empereurs romains estimaient devoir concéder pour conserver leur côte de popularité et éviter les
soulèvements populaires » .

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